Israël va perdre l’option de la solution à deux Etats, selon des conseillers US
Pour Dennis Ross et David Makovsky, Israël est proche du point de non-retour avec les Palestiniens, selon l'interview menée par le rédacteur en chef du ToI, David Horovitz
Après l’élection du président américain Donald Trump en 2016, David Makovsky s’est tourné vers son collègue du Washington Institute for Near East Policy, l’ancien ambassadeur Dennis Ross, et a proposé qu’ils fassent à nouveau équipe pour écrire un livre qui intéresserait un public en difficulté.
Ross et Makovsky se sont joints au rédacteur en chef fondateur du Times of Israel, David Horovitz, sur scène le 6 janvier à la Bibliothèque nationale d’Israël à Jérusalem pour discuter de leur nouveau livre consacré aux quatre Premiers ministres israéliens les plus influents. Le livre, « Be Strong and of Good Courage : How Israel’s Most Important Leaders Shaped Its Destiny » [Comment les plus importants dirigeants d’Israël ont façonné son destin] examine les décisions prises par quatre Premiers ministres – David Ben Gurion, Menachem Begin, Yitzhak Rabin et Ariel Sharon – et les traits de caractère qui ont influencé ces hommes.
« Je suis allé dans le bureau de Dennis et j’ai dit : ‘Les gens pensent que les problèmes sont trop durs et ils ne se souviennent même pas des leaders du passé’. Alors nous avons pensé, connectons-les à Israël et à ces leaders historiques », a déclaré Makovsky lors de la conférence à la bibliothèque.
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À la fin de la soirée, on a compris pourquoi Makovsky, un ancien journaliste, avait enregistré Ross : Ross était pour ainsi dire à la fois la mouche du coche et la personne de référence des États-Unis dans de nombreuses discussions historiques avec les principaux acteurs du processus de paix israélo-palestinien.
Après avoir joué pendant plus de 12 ans un rôle de premier plan dans l’élaboration de l’engagement des États-Unis dans le processus de paix au Moyen Orient, Ross est aujourd’hui membre émérite du William Davidson Distinguished Fellow au Washington Institute for Near East Policy, et il est également professeur à l’université de Georgetown.
Pendant ses années au gouvernement, Ross a travaillé avec les administrations de George H. W. Bush et de Bill Clinton sur le processus de paix israélo-palestinien en tant qu’homme de pointe des États-Unis. Il a également passé trois ans dans l’administration Barack Obama, la plupart du temps en tant qu’assistant spécial du président américain, responsable du Moyen Orient au sens large.
Autrefois journaliste réputé basé en Israël, Makovsky est maintenant membre du Ziegler distinguished fellow au Washington Institute for Near East Policy et directeur du Projet sur les relations arabo-israéliennes de cet institut. Il est également professeur adjoint en études du Moyen Orient à la Paul H. Nitze School of Advanced International Studies de l’Université Johns Hopkins. Makovsky a également passé du temps au sein du gouvernement américain et, en 2013-2014, il a travaillé au Bureau du Secrétaire d’État américain, en tant que conseiller principal de l’Envoyé spécial pour les négociations israélo-palestiniennes.
Lors de la rencontre de mardi, les auteurs ont expliqué pourquoi ils ont ressenti le besoin d’écrire ce livre, à ce moment précis. Pour les deux, il s’agissait des « choix fatidiques » auxquels l’État d’Israël est confronté, combinés à la possibilité de plus en plus faible d’une solution viable à deux États, ainsi qu’à une crise apparente de leadership tant aux États-Unis qu’en Israël.
Les deux hommes ont estimé qu’il était temps de mettre l’accent sur la notion de ce qu’il faut pour être un vrai leader, ce qui inclut l’action de plus en plus rare de tenir tête à des alliés et de ne pas être d’accord avec une base d’électeurs lorsque le sort du pays est en jeu – pour donner au public ce dont il a besoin, et non ce qu’il veut. Les quatre dirigeants choisis, ont déclaré les auteurs, ont démontré la volonté d’adopter cette attitude.
Le titre du livre, « Be Strong and of Good Courage », reflète cette situation difficile, mais donne aussi de l’optimisme quant aux difficultés des dirigeants. Ross a dit que sa femme avait donné un nom au livre, en se basant sur un passage biblique : « Be strong and of a good courage, fear not, nor be afraid of them : for the Lord thy God, he it is that doth go with thee, he will not fail thee, nor for forlish thee », que l’on trouve dans Deutéronome 31:6.
Makovsky a expliqué que s’il est certainement primordial qu’Israël soit considéré comme fort au Moyen Orient, d’autres caractéristiques telles que « le courage et la sagesse sont également importantes ».
En plus de prendre en compte sa base politique lorsque c’est nécessaire, un leader doit également essayer d’éduquer le public et le diriger, et non le suivre. « Quand vous obtenez un large consensus, vous ne prenez pas de grandes décisions », a déclaré M. Ross.
La déclassification des documents gouvernementaux, tant aux États-Unis qu’en Israël, a grandement enrichi le travail des auteurs. Makovsky a dit avoir passé d’innombrables heures à étudier les procès-verbaux en hébreu des réunions du cabinet après la guerre de 1967, au cours desquelles il a été décidé de ne pas prendre de décision sur la question du peuple palestinien vivant en Cisjordanie.
Makovsky a raconté une situation dans laquelle les dirigeants israéliens devaient répondre au président américain Lyndon B. Johnson, qui leur demandait ce qu’ils comptaient faire des territoires. « Begin était en quelque sorte un libéral du 19e siècle au 20e siècle », a dit Makovsky. Il a dit qu’alors qu’en 1967, le ministre Begin était prêt à donner aux Palestiniens le droit de vote et la possibilité d’acheter des biens dans l’État d’Israël, le Premier ministre de l’époque, Levi Eshkol, a dit en substance : « Je ne veux pas de la terre et je ne veux pas du peuple ».
Makovsky a raconté de façon intéressante que c’est l’ancien juge de la Cour suprême Aharon Barak – dépeint aujourd’hui comme un libéral enragé – qui s’est opposé à la conception de Begin selon laquelle les libertés civiles et les Palestiniens étaient compatibles.
Aujourd’hui, ni Ross ni Makovsky n’ont le sentiment que la solution à deux États est à l’horizon, mais en tant que « gradualistes », ils espèrent qu’Israël prendra des mesures dans ce sens, et non dans un autre sens.
« Quand tout le monde dans cette salle lira notre livre, comme je sais qu’ils le feront », a plaisanté Ross, ils sauront ce que les auteurs suggèrent, tel que présenté dans le dernier chapitre.
« Nous ne demandons pas à Israël de mettre en danger sa sécurité. Nous disons, écoutez, préservez l’option de la séparation. Arrêtez de construire à l’est de la barrière, premier point. Deuxièmement, créer des incitations financières pour les personnes qui vivent au-delà de la barrière afin qu’elles retournent dans les blocs ou en Israël. Déclarer qu’il n’y aura pas de souveraineté israélienne à l’est de la barrière, conformément aux besoins de sécurité israéliens. Donc vous ne donnez pas cela », dit Ross.
« Ouvrez la zone C sur 60 % de la Cisjordanie [où Israël maintient un contrôle administratif et militaire, et où se trouvent la plupart des résidents israéliens des implantations] à l’activité économique des Palestiniens afin de préserver le potentiel de deux États, sans pour autant déplacer Tsahal, sans mettre votre sécurité en danger, mais sans créer une situation où, en ajoutant quatre à cinq mille résidents par an au-delà de la barrière, vous franchissez le point de basculement et vous perdez l’option. Les décisions tactiques prises maintenant auront une conséquence stratégique à long-terme », a déclaré M. Ross.
Selon M. Ross, deux États peuvent nécessiter un paysage psychologique différent et les dirigeants qui tentent d’y parvenir doivent se creuser la tête.
« Il se pourrait bien que nous devions trouver d’autres types de modèles. Mais ne vous mettez pas dans une position où vous n’avez qu’un seul État, une seule personne pour un seul vote », a déclaré M. Ross.
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