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La cause du dérèglement climatique devrait autant préoccuper que le COVID-19

La focalisation mondiale sur la pandémie soulève des questions sur le changement climatique et sur la raison pour laquelle les réponses aux deux questions ont été si différentes

Une voiture circule sur une route inondée dans la ville du nord d'Israël de Nahariya lors d'une journée orageuse d'hiver, le 8 janvier 2020. (Photo par Meir Vaknin/Flash90)
Une voiture circule sur une route inondée dans la ville du nord d'Israël de Nahariya lors d'une journée orageuse d'hiver, le 8 janvier 2020. (Photo par Meir Vaknin/Flash90)

La préoccupation du monde face à la menace du coronavirus est en train de prendre la place d’une autre catastrophe en suspens – le dérèglement climatique – sur l’agenda public.

Les médias évoquent peu de sujets autres que le COVID-19 et les Nations unies ont annulé une série de rencontres consacrées au changement climatique.

Le coronavirus a entraîné des bénéfices à court-terme en ce qui concerne le réchauffement climatique avec la fermeture, dans le monde entier, des industries et une réduction drastique des transports qui a considérablement fait chuter l’usage des carburants fossiles et la pollution – améliorant ainsi la qualité de l’air.

Le bleu du ciel est réapparu sur Pékin pour la première fois depuis très longtemps.

Selon une estimation, la réduction de la pollution en Chine au cours des deux derniers mois a probablement sauvé la vie à 4 000 enfants de moins de cinq ans et à 73 000 adultes de plus de 70 ans.

De nouvelles images du satellite Copernicus Sentinel-5P, qui ont été rendues publiques il y a quelques jours, ont également révélé une amélioration de la qualité de l’air sur le nord de l’Italie, deuxième plus important foyer de l’épidémie de COVID-19.

Et même sur Israël, le ciel paraît relativement clair. Une cartographie de la qualité de l’air diffusée mercredi par le ministère de la Protection de l’environnement a montré tout le pays en couleur jaune – ce qui signifie un niveau de pollution moyen. Pas de trace des zones rouges de « pollution élevée » qui caractérisent souvent les secteurs principalement industriels, comme c’est le cas de la baie de Haïfa.

« Nous ne lutterons pas contre le changement climatique par le virus »

La semaine dernière, malgré tout, le secrétaire-général des Nations unies, António Guterres, a averti que « nous ne devons pas sous-estimer le fait que cela fait quelques mois que les émissions sont réduites. Nous ne lutterons pas contre le changement climatique par le virus ».

« Il est important que toute l’attention qui doit être accordée au combat contre cette maladie ne nous détourne pas de la nécessité de vaincre le changement climatique », a-t-il ajouté.

Le secrétaire-général Antonio Guterres durant une rencontre portant sur le coronavirus COVID-19 au siège de l’Organisation mondiale de la Santé à Genève, en Suisse, le 24 février 2020 (Crédit : Salvatore Di Nolfi/Keystone via AP)

S’exprimant après la publication d’une mise à jour de l’Organisation météorologique mondiale (WMO) sur le réchauffement climatique, qui avait confirmé que 2019 avait été l’année la plus chaude jamais enregistrée, Guterres a déclaré que « le réchauffement global s’accélère. Nous n’avons pas de temps à perdre si nous voulons éviter une catastrophe climatique. N’ayons aucune illusion : Le changement climatique entraîne d’ores et déjà son lot de victimes, et il y en aura d’autres ».

Le directeur de l’Agence internationale de l’Energie, Fatih Birol, a pour sa part vivement recommandé aux gouvernements du monde entier, la semaine dernière, de ne pas cesser leurs investissements dans la transition vers les énergies propres malgré le coup économique et financier porté au monde par le coronavirus.

Le journal The Guardian a noté que les analystes avaient d’ores et déjà revu à la baisse à hauteur de 8 % leurs prévisions sur des projets d’énergie solaire. Les ventes de voitures électriques devraient également chuter par rapport aux prédictions.

Le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie Fatih Birol s’exprime à Paris, le 13 novembre 2019 (Crédit : AP Photo/Michel Euler)

Birol a indiqué que les gouvernements devaient utiliser les dispositions visant à stimuler l’économie qui ont été mises en place pour relancer les investissements dans les technologies d’énergie propre – dans des systèmes économiques eux-mêmes frappés par le coronavirus.

« Si les bonnes technologies sont mises en place, il y a des opportunités pour tirer le meilleur de cette situation », a-t-il estimé.

Il reste à déterminer si les nations, actuellement en confinement, seront en capacité de maintenir certaines des pratiques durables qui ont été adoptées en hâte pour réduire l’exposition au coronavirus – comme, par exemple, le télétravail.

Des voitures coincées dans un embouteillage sur l’Autoroute 2 (route côtière) à la Veille de Pessah, le 19 avril 2018. (Meir Vaknin/Flash90)

Au cours des quarante dernières années (de 1976 à 2017), la densité de la circulation routière au sein de l’Etat juif a plus que triplé. Elle est actuellement 3,5 fois plus élevée que la moyenne des pays de l’OCDE.

Le mois dernier, un rapport établi par la Société israélienne d’écologie et de Sciences environnementales, en partenariat avec les ministères de la Protection environnementale et des Transports, recommandait l’adoption par les employés des secteurs public et privé du travail à distance pour aider à réduire les embouteillages routiers, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air – tout en économisant de l’argent sur les espaces de travail et de transport et en aidant à promouvoir l’égalité des opportunités sur le marché de l’emploi.

Coronavirus: « Le meilleure moyen de montrer que la vie est fragile »

Victor Weis, directeur-général du centre Heschel pour le développement durable, a écrit mardi que « ces quelques dernières semaines passées dans l’ombre du coronavirus ont été le meilleur moyen de montrer à l’humanité que A. La vie est fragile ; B. Quoi que vous puissiez penser, la nature est plus forte que nous, les êtres humains, le sommes ; C. Quand nous estimons que nos actions sauveront des vies, nos gouvernements sont capables de mettre en place des règles que la population va suivre, indépendamment des changements drastiques qui sont nécessaires ».

Victor Weis, directeur-général du centre Heschel pour le développement durable (Crédit : YouTube)

« Le COVID-19 finira par disparaître mais j’espère que les leçons en seront tirées. Pour lutter contre le changement climatique, nous devons faire des changements drastiques dans nos modes de vie – pas des changements à court-terme mais à long-terme, qui nous permettront de mettre en place l’avenir que nous souhaitons pour nous et pour nos enfants. Nous devons rendre nos communautés plus résilientes en soutenant la production locale », a-t-il clamé.

« Nous devons réduire la consommation pour faire baisser la quantité immense de déchets dont nous sommes à l’origine. Et enfin, nous devons soutenir les entreprises qui contribuent à la société dans sa globalité. Il n’y a pas de temps à perdre et nous devons faire tout cela ensemble », a-t-il continué.

Pourquoi des réponses différentes au coronavirus et au changement climatique ?

Dans un article provocateur qui a été publié la semaine dernière, David Comerford, du Behavioural Science Center qui se trouve au sein de l’université de Stirling, en Ecosse, affirme que le coronavirus lui fait espérer que l’humanité sera en mesure de lutter contre le réchauffement global. L’auteur s’interroge néanmoins sur les raisons pour lesquelles les réponses aux deux crises sont aussi différentes.

Les deux problèmes sont pourtant similaires, impliquant une probabilité croissante de catastrophe, des perturbations de nos modes de vie, la nécessité pour les sociétés de coopérer pour affronter la menace et la reconnaissance par les gouvernements de l’urgence des deux dossiers, écrit-il.

Alors pourquoi une telle différence dans les réponses apportées ?

Alon Tal, activiste vétéran pour l’environnement en Israël et fondateur de plusieurs organisations de défense environnementale – notamment Adam Teva VDin – déclare : « Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de cette bizarre dynamique épidémique en cours, des choses qui pourront être appliquées dans nos efforts de lutte contre le changement climatique. La première chose est la suivante : Les gens ne changent pas leurs comportements parce qu’ils veulent être de bons citoyens. Peut-être y en a-t-il quelques-uns qui restent chez eux parce qu’ils ont peur de se faire attraper en train de violer les restrictions imposées par la quarantaine. Mais la majorité d’entre nous obéissons parce que nous ne voulons pas infecter nos parents – ou nos grands-parents, ou toute personne présentant un risque élevé qui nous est chère ».

Le professeur Alon Tal au-dessus du ruisseau Bokek. (Autorisation)

« La capacité à personnaliser les dégâts entraînés par un comportement irresponsable est très importante. C’est quelque chose que nous n’exploitons pas suffisamment dans les discours sur le changement climatique. Quand nous parlons de passage à l’action pour le bien des ‘générations futures’, cela ne semble pas atteindre son objectif », ajoute-t-il.

« Je ne pense pas que ce soit parce que nous n’aimons pas nos enfants. C’est parce qu’avec un risque qui est tellement distant, tellement inimaginable – nous ne pouvons pas imaginer que nos enfants puissent subir un manque d’eau ou des inondations éclairs comme celles qui ont emporté ce jeune couple tragique qui avait été piégé dans un ascenseur du sud de Tel Aviv. Alors nous devons mieux parvenir à susciter l’empathie au sein de la société – ce qui signifie peut-être de donner des visages aux victimes probables, à des victimes auxquelles la société pourra s’identifier, qu’elle pourra aimer. »

Un kangourou saute dans un champ au milieu de la fumée d’un feu de brousse dans la Snowy Valley, à la périphérie de Cooma, le 4 janvier 2020. (Crédit : SAEED KHAN / AFP)

Durabilité positive

La professeure Tamar Ronen Rosenbaum, doyenne de la faculté du Travail social à l’université de Tel Aviv et experte en psychologie positive, ne pense pas que la crainte de la destruction environnementale soit un motif suffisant pour que les populations passent à l’action.

Elle a inventé le terme de « durabilité positive ».

La professeure Tamar Ronen Rosenbaum,doyenne de la faculté du Travail social à l’université de Tel Aviv (Autorisation)

Plutôt que d’opter pour l’approche habituelle du réchauffement global en se focalisant sur l’environnement et sur les mesures à prendre pour réduire la menace – qui impliquent souvent l’idée que nous devons faire sans attendre tout ce qui est possible pour réduire notre empreinte environnementale – il faut peut-être partir sur un concept de « durabilité positive » émanant de l’individu, explique-t-elle.

« Les gens veulent se sentir bien, ils veulent être heureux. Ils veulent une qualité de vie et ils n’aiment pas avoir le sentiment de devoir sacrifier des choses », explique-t-elle.

Une personne qui se sent bien, optimiste face à l’avenir, qui garde de l’espoir, aura tendance à afficher également plus d’optimisme face au monde et à prendre de petites initiatives – une à la fois – pour aider à rendre le monde plus sain.

Ce sont ces petites initiatives, à multiplier par le nombre des individus qui les entreprennent, qui sont susceptibles de contribuer de manière significative à l’environnement, selon elle.

Et Alon Tal pense bien avoir raison.

« De manière typique, les activistes conventionnels et de la vieille école de l’environnement, comme je le suis moi-même, s’appuient sur la peur – la mer gagne du terrain, la fréquence des tempêtes est en augmentation, les étés sont de plus en plus chauds, la civilisation va très certainement s’effondrer. Mais il semble que les études empiriques montrent que ce type de message ne parvient qu’à paralyser les gens. Plutôt que de ressentir la nécessité de se mobiliser, de nombreuses personnes désespèrent et ne font rien. J’appelle cela le phénomène de la ‘fête sur le Titanic’. Il semble qu’entrer en collision avec l’iceberg est inévitable et que nous devons donc tous profiter des festivités et passer un moment agréable avant la fin », poursuit-elle.

« Peut-être cela serait-il plus efficace, pour induire le changement au niveau des comportements individuels, de donner un sentiment positif et de joie, de volonté propre, lorsqu’il s’agit de choisir d’opter pour des changements durables et favorables au climat », précise-t-elle.

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