La Haute Cour saisie pour ordonner la destruction d’un avant-poste sanctionné par les USA
Le recours dit que l'établissement de cet avant-poste illégal a engendré des actes de harcèlement violents à l'encontre des Palestiniens locaux, les amenant à quitter la région
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Une requête déposée mercredi auprès de la Haute Cour de justice a demandé à l’instance juridique d’ordonner à l’armée israélienne et à l’administration civile d’évacuer et de détruire un avant-poste illégal de Cisjordanie établi par un habitant des activiste extrémiste des implantations Neriya Ben Pazi, qui a récemment été sanctionné par les États-Unis.
L’organisation Torat Tzedek, qui a introduit la requête conjointement avec cinq résidents palestiniens de Cisjordanie vivant près de l’avant-poste agricole HaMahoch de Ben Pazi, a souligné les nombreuses allégations de harcèlement et de persécution commises par Ben Pazi et ses associés à l’encontre des Palestiniens locaux, et a fait valoir que les autorités de l’État avaient le devoir de protéger ces résidents, en plaçant la destruction de l’avant-poste au premier rang de leurs priorités.
Le recours demande également à la Haute Cour d’ordonner à Tsahal et à l’administration civile d’établir un principe selon lequel, dès qu’un avant-poste illégal devient une base de frictions entre les communautés israélienne et palestinienne et à partir de laquelle l’ordre public est troublé, la destruction de cet avant-poste doit être une priorité pour les autorités chargées de l’application de la loi.
Mercredi soir, la Cour suprême a ordonné à Tsahal, à l’administration civile et à Ben Pazi de présenter leurs réponses préliminaires à la demande d’ordonnance provisoire contre l’avant-poste d’ici le 3 avril.
Ben Pazi est l’un des trois habitants radicaux des implantations qui ont été sanctionnés par les États-Unis la semaine dernière. L’ordonnance de sanction du département d’État accuse Ben Pazi d’avoir « expulsé des bergers palestiniens de centaines d’hectares de terres » et l’accuse d’avoir « attaqué des Palestiniens près du village de Wadi as-Seeq » en août de l’année dernière.
En décembre 2023, l’armée israélienne a imposé à Ben Pazi une interdiction de séjour en Cisjordanie pendant trois mois, hormis la ville d’Ariel, en raison de ses actes hostiles à l’égard des Palestiniens de la région.
Dans son recours, Torat Tzedek a noté que la ferme HaMahoch avait été établie il y a environ un an dans une zone située à l’est de Ramallah par Ben Pazi et d’autres habitants des implantations radicaux.
« Ces habitants des implantations ont agressé et harcelé de façon constante et quotidienne les résidents palestiniens qui utilisent des terres privées palestiniennes dans la région, les attaquant physiquement ainsi que leurs animaux et détruisant leurs biens, leurs arbres et la végétation, ce qui les a poussés à abandonner la région alors que ces territoires étaient cultivés et utilisés par les Palestiniens depuis des dizaines d’années », peut-on lire dans la requête.
« Même après leur départ, les résidents d’implantations ont continué à harceler et à piller les biens des Palestiniens, à envahir les terres privées et à empêcher le retour des Palestiniens dans la région. »
La demande souligne en outre que l’Administration civile elle-même a créé une liste de critères pour déterminer l’ordre de priorité dans la destruction des structures illégales, qui comprend « les structures qui représentent un danger pour la sécurité d’une région ou pour la paix publique, ou pour l’ordre public, ou [lorsque] des ordres de destruction [ont été émis] pour des bâtiments utilisés comme entrepôts pour des actions créant un tel danger. »
En mai 2023, la chaîne publique Kan a rapporté que l’Administration civile avait entamé une action visant à détruire l’avant-poste agricole de Ben Pazi, mais qu’elle avait été interrompue par l’intervention du ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui est également ministre au sein du ministère de la Défense et qui a autorité sur l’Administration civile.
En raison de l’intensification des harcèlements qui ont suivi les atrocités perpétrées par le Hamas le 7 octobre, les habitants du hameau bédouin palestinien de Wadi as-Seeq, situé près de l’avant-poste de Ben Pazi, ont abandonné leurs maisons et ont évacué les lieux à la mi-octobre.
Le 12 octobre, un groupe de soldats israéliens et des habitants des implantations locales ont agressé un habitant de Wadi as-Seeq et deux militants palestiniens de Ramallah qui s’étaient rendus dans l’habitation pour aider les résidents à emballer leurs affaires et à partir, selon un article du quotidien Haaretz.
L’article publié par Haaretz cite à la fois des résidents palestiniens du hameau et des militants israéliens qui se trouvaient sur place ce jour-là et qui ont vu Ben Pazi dans le logement aux moments des faits.
Le rabbin Arik Ascherman, directeur de Torat Tzedek, qui a rencontré Ben Pazi à de nombreuses reprises, l’a accusé d’être responsable du déplacement des Palestiniens de vastes zones au cours des dernières années.
« Il parle de ses relations de voisinage avec les Palestiniens, mais ce n’est qu’une couverture pour ses plans idéologiques visant à faire tout ce qui est possible pour nettoyer toute une bande de terre entre la route d’Alon et la vallée du Jourdain de toute présence palestinienne », a affirmé Ascherman, qui milite depuis de nombreuses années pour les droits civiques des Palestiniens.
« À cause de lui et de la série d’avant-postes qu’il a établis depuis 2019, les Bédouins ont perdu des milliers d’hectares de terre où ils ont vécu pendant 40 ans. »
« Ce qui est nouveau dans cette requête, c’est qu’elle remet en question la défense classique de l’État selon laquelle il procède à la destruction des structures illégales selon un calendrier [prédéterminé] », a-t-il ajouté.