La Jordanie expulse au Qatar le mari de la terroriste de Sbarro
Nizar Tamimi a été expulsé sans explication; les avocats des victimes demandent toujours l'extradition de sa femme aux USA suite à l'attentat de 2001 à la pizzeria de Jérusalem
Les autorités jordaniennes ont expulsé vers le Qatar un terroriste palestinien reconnu coupable au début du mois, ce qui a déclenché une réaction hostile dans le royaume à l’égard de Nizar Tamimi et de son épouse.
L’épouse de Tamimi, Ahlam, qui est recherchée par les États-Unis pour son rôle central dans l’attentat à la bombe de 2001 à Jérusalem qui a tué 15 Israéliens, est toujours en Jordanie.
La Commission des affaires des prisonniers palestiniens a annoncé l’expulsion de Nizar Tamimi le 1er octobre, en précisant que les autorités jordaniennes avaient refusé de renouveler sa résidence et qu’il avait quitté le royaume hachémite pour l’État du Golfe du Qatar.
« Les autorités de sécurité m’ont demandé de quitter la Jordanie immédiatement et ont déclaré que leur décision était définitive et irrévocable en toutes circonstances », a annoncé Nizar Tamimi dans un communiqué.
« Nous avons été surpris par leur position. Ce n’était pas du tout prévu », a déclaré son frère Mahmoud al-Tamimi à l’agence de presse palestinienne Quds News Network [dont le site Web est bloqué par l’Autorité palestinienne. Twitter a suspendu ses comptes en 2019, NDLR].
Nizar Tamimi a été condamné pour terrorisme par un tribunal militaire israélien en 1993 après avoir assassiné Chaim Mizrahi, un étudiant de l’implantation de Beit El en Cisjordanie. Mizrahi a été pris en embuscade alors qu’il allait acheter des œufs, comme il le faisait chaque semaine, à un fermier palestinien de Ramallah. Nizar et un parent, Said Tamimi, ont poignardé Mizrahi à mort, ont placé son corps dans le coffre de sa voiture et ont mis le feu au véhicule.
Aucune raison officielle n’a été donnée pour l’expulsion soudaine de Nizar Tamimi. Les défenseurs des droits des victimes du terrorisme demandent depuis longtemps l’extradition de sa femme Ahlam vers les États-Unis pour son rôle dans le meurtre de deux civils américains dans l’un des attentats suicides les plus tristement célèbres de la seconde Intifada : l’attaque de la pizzeria Sbarro à Jérusalem, le jeudi 9 août 2001.
Quinze civils israéliens – dont sept enfants et une femme enceinte – ont été assassinés lors de l’attaque de Sbarro. 130 autres personnes ont été blessées ; l’une d’entre elles, Chana Nachenberg, est toujours hospitalisée dans un état végétatif.
Ahlam Tamimi a été reconnue coupable par un tribunal militaire israélien et condamnée à 16 ans de prison pour avoir orchestré l’attentat à la bombe, les juges ayant ordonné qu’elle ne soit jamais libérée. Elle a rencontré Nizar derrière les barreaux, où ils se sont fiancés. Les deux Tamimi ont été libérés, ainsi que plus de 1 000 autres détenus, dans le cadre de l’accord d’échange de prisonniers conclu en octobre 2011 entre Israël et le groupe terroriste Hamas, qui a permis la libération du soldat israélien Gilad Shalit.
Ahlam Tamimi, une ressortissante jordanienne, a été expulsée par Israël vers la Jordanie à sa libération, a reçu un accueil de héros à l’aéroport international Queen Alia à son arrivée, et est devenue par la suite une animatrice de télévision et une conférencière populaire, se vantant de son rôle dans l’attentat de Sbarro. Nizar a été autorisé par Israël à entrer en Jordanie pour la rejoindre à l’été 2012, et ils se sont mariés trois mois plus tard lors d’un mariage retransmis en direct à la télévision.
Arnold Roth, dont la fille de 15 ans, Malki, a été assassinée dans l’explosion de Sbarro, fait depuis des années pression sur le gouvernement américain pour que la Jordanie extrade Ahlam conformément à un accord bilatéral américano-jordanien. (Malki était l’une des victimes qui avaient la double nationalité israélo-américaine.) En 2017, Ahlam a été inculpée devant un tribunal fédéral américain et une prime de 5 millions de dollars a été mise sur sa tête par le Federal Bureau of Investigation [FBI].
Voir aussi : Les parents de Malki Roth espèrent que les Etats-Unis extraderont son assassin
La Cour suprême jordanienne a toutefois jugé que le traité d’extradition de la Jordanie avec les États-Unis ne permettait pas d’extrader Ahlam Tamimi.
« Ma famille a été brisée »
Lors d’une intervention sur la station de radio jordanienne Melody FM le 6 octobre, à la suite de l’expulsion de son mari, Tamimi a déclaré qu’elle voulait envoyer une requête au roi de Jordanie Abdallah II pour annuler l’expulsion de son mari.
« Ma famille a été brisée et j’ai été séparée de mon mari [sans] raison convaincante, sans que personne ne précise pourquoi cela s’est produit », a déclaré Tamimi.
Dans un flux vidéo en direct de la station de radio, les producteurs, Jihad Abu Baydar et Muadh al-Umari, ont commencé à faire signe de la main à un technicien du son pour mettre fin à l’appel.
« … ma famille a été brisée », a commencé à dire Tamimi, la voix tremblotante.
"أخت أحلام.. صوتك يقطّع"
إذاعة أردنية تتذرع برداءة جودة الاتصال مع الأسيرة المحررة أحلام التميمي، والتفاعل يتضامن بوسم: #أحلام_التميمي_صوتك_عالي pic.twitter.com/5FthE9huPi— AJ+ عربي (@ajplusarabi) October 7, 2020
« Sœur Ahlam ? Sœur Ahlam ? Votre voix se coupe », a déclaré al-Umari.
Les médias officiels jordaniens, dont la plupart sont contrôlés par l’Etat, sont restés discrets sur l’incident. Mais les interventions des animateurs radio ont provoqué l’indignation des médias sociaux jordaniens. En réponse à la déclaration d’al-Umari selon laquelle la voix de Tamimi « se coupe », de nombreux Jordaniens ont répondu en retweetant le hashtag « ta voix est forte et claire, Ahlam Tamimi ».
« [Ahlam Tamimi] est l’une des héroïnes de notre peuple, et le peuple jordanien la défendra », a déclaré l’acteur jordanien Jamil Awad à la chaîne de télévision par satellite al-Resalah liée au Hamas.
Abu Baydar et al-Umari ont tous deux démissionné en réponse à la controverse.
En réponse à la vague de soutien sur les médias sociaux, Tamimi a publié une vidéo dans laquelle elle exprime sa « gratitude pour tous ceux qui sont solidaires avec moi et avec mon mari Nizar dans notre juste cause, qui est celle du regroupement familial ».
Nizar, qui se trouve actuellement au Qatar, n’a pas encore annoncé s’il restera ou non dans l’émirat. Le Qatar a accueilli plusieurs groupes islamistes radicaux dans le passé ; l’ancien chef terroriste du Hamas, Khaled Meshaal, réside à Doha depuis 2012.