La sécurité des synagogues renforcée en Europe après les massacres du Hamas
Les communautés juives européennes se préparent à un regain d'antisémitisme après le début de la guerre, avec des résonances qui vont bien au-delà de la ligne de front
MADRID, PARIS et LONDRES (JTA) — Alors que la guerre entre Israël et Gaza continue son escalade, un grand nombre de Juifs européens s’attendent à des répercussions bien au-delà de la ligne de front.
Samedi, le Hamas a lancé une attaque brutale et meurtrière par voie terrestre, aérienne et maritime, tuant au moins mille Israéliens – avec des centaines de civils qui ont été massacrés – et faisant plus de 2 000 blessés. Environ 150 personnes ont été prises en otage.
Israël a procédé à des frappes aériennes sur Gaza, où opère le Hamas, en guise de riposte, des bombardements qui ont fait 700 morts du côté palestinien. Le Hamas a menacé d’exécuter les civils qui ont été pris en otage et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a ordonné le siège complet de la bande de Gaza.
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Mais dans les villes d’Europe, des foules ont célébré les atrocités commises par le Hamas – parfois à quelques rues seulement des veillées qui étaient organisées en mémoire des défunts. Des groupes saluant l’assaut lancé par le Hamas, en évoquant un acte de « résistance palestinienne » à l’occupation israélienne, ont dansé dans la rue à Londres ou distribué des douceurs à Berlin. En France, des groupes d’extrême-gauche ont qualifié le carnage effectué par les terroristes « d’héroïque ».
Les responsables communautaires juifs d’Europe s’attendent à ce que les combats, en Israël, entraînent de nouvelles menaces antisémites à l’encontre de leurs communautés. La police a renforcé sa surveillance autour des synagogues, des écoles juives et autres institutions en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France et en Espagne.
France
En France – pays qui compte la plus importante communauté juive d’Europe – la police a arrêté dix personnes en lien avec une vingtaine d’incidents antisémites depuis l’assaut du Hamas. Des menaces faites à des synagogues et à des clients de commerces juifs, selon des informations. Les forces de l’ordre ont reçu également de nombreuses plaintes sur des discours de haine antisémite et de publications glorifiant le terrorisme sur internet. 44 enquêtes ont été ouvertes dans ce contexte.
Une recrudescence, en seulement trois jours, des incidents qui est « dramatique », a déclaré lundi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a annoncé un renforcement des mesures de sécurité dans 400 lieux de rendez-vous juifs de toute la France. En signe de solidarité avec Israël, la Tour Eiffel s’est éclairée en bleu et blanc, les couleurs du drapeau israélien, dans la soirée de lundi.
Une partie de la gauche politique a pris ses distances face aux condamnations quasiment unanimes de l’offensive lancée par le Hamas au sein de la classe politique française. Certains mouvements « post-coloniaux » – c’est ainsi qu’ils se définissent – et des factions de l’extrême-gauche française ont salué l’attaque.
Parmi ces voix dissonantes, le parti des Indigènes qui a écrit lundi sur Twitter : « Puisse la résistance palestinienne, qui mène ses actions avec détermination et confiance dans des conditions héroïques, recevoir notre fraternité militaire en ces heures terribles. La Palestine triomphera et sa victoire sera la nôtre ».
Des écrits qui ont suscité l’indignation et qui ont été à l’origine d’appels à la dissolution de la faction. Simone Rodan-Benzaquen, directrice de la branche française de l’American Jewish Committee, a fait remarquer que les peines encourues pour une éventuelle glorification du terrorisme pouvaient atteindre une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 75 000 euros. Les délits commis sur les réseaux sociaux peuvent entraîner une peine de sept ans de prison et une amende de 100 000 euros en prenant en compte la portée beaucoup plus large de ces posts diffusés en ligne.
Myriam Ackermann-Sommer, la première femme rabbin orthodoxe-moderne en France, a indiqué que sa communauté avait été blessée par la manière dont certains leaders politiques s’étaient réjouis des actes de terrorisme du Hamas.
« Bien sûr, nous avons été blessés par les réactions venues de l’extrême-gauche. Un grand nombre de personnes, au sein de notre congrégation, se considèrent comme de gauche et cela les a beaucoup touchées », confie-t-elle à la JTA.
Le rabbin Yves Marciano, de la synagogue des Tournelles de Paris, explique que si une sécurité accrue est utile autour des lieux de culte, le risque posé aux individus est souvent plus important lorsqu’ils ne sont pas à la synagogue.
« Avec ma kippa, on me voit de loin », note-t-il. « On m’identifie et je suis identifiable. Et ça, monsieur Darmanin ne peut rien y faire. Et nous sommes en conséquence très inquiets du futur proche ».
Allemagne
La police de Berlin était en alerte, samedi soir, quelques heures seulement après l’invasion dévastatrice des terroristes du Hamas sur le sol israélien, alors que des dizaines de personnes s’étaient rassemblées pour laisser libre cours à leur allégresse, brandissant des panneaux victorieux sur le Sonnenallee, un boulevard de la ville. Les forces de l’ordre ont depuis annoncé qu’elles avaient dispersé le regroupement en raison de slogans « glorifiant la violence » et qu’elles avaient procédé à des arrestations. Elle a fait état de deux blessés dans ses rangs suite à des affrontements. Dans la journée, les policiers étaient aussi intervenus lorsque des activistes, qui s’étaient enveloppés dans des drapeaux palestiniens avaient distribué, tout sourire, des douceurs.
« Une escalade de la situation en Israël a malheureusement toujours un impact sur notre communauté », commente Ilan Kiesling, porte-parole du groupe Communauté juive de Berlin.
Kiesling déclare à la JTA que les combats en Israël et Gaza sont à l’origine « d’une grande incertitude » dans la communauté locale, avec des parents qui réclament des informations détaillées sur les mesures de sécurité mises en place dans les crèches et dans les écoles.
Le Conseil central des Juifs d’Allemagne a aussi indiqué être en contact étroit avec les autorités chargées de la sécurité, avec pour objectif de garantir que les institutions juives de tout le pays bénéficieront d’une protection renforcée.
« Pas de violences, pas d’émeutes et pas de haine dans les rues allemandes », a dit le groupe dans un communiqué.
Grande-Bretagne
A Londres, la porte en verre d’un restaurant casher a été brisée dans la journée de lundi. Pita, un commerce du quartier de Golders Green, qui compte une population juive importante, a signalé le vol de sa caisse enregistreuse. De nouveaux graffitis « Libérez la Palestine » ont fait leur apparition sur un pont avoisinant, même s’il est difficile de dire si le slogan et le vol sont liés.
La police a fait savoir à la JTA qu’aucune arrestation n’avait encore eu lieu et que l’incident, pour le moment, n’entrait pas dans la catégorie des crimes de haine. Mais Daniel Sugarman, directeur des affaires publiques au sein de l’organisation-cadre des communautés juives britanniques, le Board of Deputies of British Jews, s’inquiète que la guerre en Israël ne déclenche une vague de haine antisémite.
« Il s’agit là de tenter de faire ressentir aux Juifs britanniques qu’ils ne sont pas les bienvenus, de faire en sorte qu’ils se sentent menacés là où ils habitent », a-t-il écrit sur X, ex-Twitter.
Le maire de Londres, Sadiq Khan, a condamné l’incident, disant qu’il se tenait aux côtés des Juifs de Londres et que le coupable devrait répondre de ses actes devant la justice, où il sera condamné « avec toute la force de la loi ».
There is no tolerance for hate in our city. I remain in close contact with the Met Police. Whoever did this will face the full force of the law.
I stand with Jewish Londoners, today and always. https://t.co/MkSW5THiFZ
— Mayor of London (@MayorofLondon) October 9, 2023
Le Community Security Trust (CST), une organisation dont les activités se consacrent à la sécurité des Juifs britanniques, a fait savoir qu’il y avait eu un renforcement des violences et des menaces antisémites, ces derniers jours, ajoutant que le groupe se préparait à des attaques plus graves.
« Le nombre d’incidents qui ont été rapportés depuis samedi représentent approximativement le triple de ce à quoi nous nous attendons habituellement à cette période », a noté Dave Rich, le chef de la politique au sein du CST, auprès de JTA.
« Nous anticipons que les chiffres vont encore augmenter », a-t-il ajouté. « Nous sommes encore en train de consigner et de vérifier les données avant de les introduire dans notre système. »
La police métropolitaine a confirmé qu’elle avait augmenté le nombre de ses patrouilles dans toute la ville et qu’elle donnait des conseils de sécurité aux synagogues, aux mosquées et aux commerces. Elle a précisé s’être rendue sur des lieux « où des incidents de troubles à l’ordre public mineurs » avaient pu se produire et dont les images avaient circulé sur les réseaux sociaux, comme à une fête organisée dans le secteur d’Acton où des groupes d’hommes avaient dansé en brandissant le drapeau palestinien au rythme du bruit des klaxons activés en soutien au Hamas – déclarant que tous ces incidents avaient pu se terminer sans arrestation.
Le CST travaille en étroite collaboration avec la police pour garantir que sa présence sera renforcée dans les secteurs juifs. « Nous ne partons pas de zéro », a expliqué Rich. « Nous nous sommes déjà trouvés dans une telle situation à plusieurs reprises. Nous avons élaboré des plans au fil de nombreuses années ».
Espagne
En Espagne, la principale synagogue de Madrid, au cœur du quartier Chamberi, a été vandalisée. Des graffitis « Libérez la Palestine » y ont été peints dimanche à la bombe à côté d’une étoile de David barrée. Les responsables de la Fédération des communautés juives d’Espagne ont déclaré à JTA que ces graffitis avaient été effacés de la porte principale du lieu de culte deux heures environ après leur découverte.
Le ministère espagnol de l’Intérieur a aussi renforcé la surveillance autour des synagogues et des lieux juifs, selon Isaac Benzaquén Pinto, le président de la Fédération juive. 12 000 à 15 000 Juifs vivraient à Madrid, selon les estimations.
« Notre communauté est connue pour être particulièrement soudée à chaque fois qu’elle est prise pour cible, et c’est une attaque contre Israël et contre tous les Juifs du monde. Nous nous tenons aux côtés des victimes de façon inconditionnelle, de toutes les victimes, de l’État d’Israël et de son armée dont la mission est de défendre la population », affirme Benzaquén Pinto.
A Ceuta, petite enclave espagnole située sur la côte du Maghreb, à proximité du Maroc, notable par la forte présence de Juifs espagnols, les autorités locales ont particulièrement revu à la hausse la surveillance et la protection de la synagogue locale et du cimetière juif. Les Juifs de Ceuta, qui sont en majorité d’origine séfarade, ont toujours été la cible d’antisémitisme dans l’Histoire en raison de la situation géopolitique de la région – avec notamment une série d’incidents antisémites qui ont marqué ces dernières années.
« En ce qui concerne cette nouvelle vague de violence contre Israël et contre les Juifs, ce n’est malheureusement pas une nouveauté. Nous, ainsi que les organisations internationales et l’Union européenne, condamnons cette recrudescence des violences depuis longtemps », déplore Benzaquén Pinto.
Le maire de Madridn José Luis Martínez-Almeidan a qualifié lundi l’assaut du Hamas « d’injustifiable ». Il a fait part de son inquiétude face à certains membres de la coalition politique Sumar, qui comprend des partis d’extrême-gauche et écologiques – et qui œuvre à rejoindre une coalition au pouvoir à l’issue des élections du mois de juillet – qui hésitent à dénoncer clairement le groupe terroriste de la bande de Gaza.
Le parti Podemos d’extrême-gauche a publié un post sur X affirmant que les violences en Israël étaient le résultat de l’occupation israélienne, évitant de condamner ouvertement les actions du Hamas. Dans la soirée de lundi, le parti a pris la tête de centaines de personnes qui s’étaient rassemblées sur la place Puerta Del Sol, à Madrid, » pour exprimer toute notre solidarité avec les Palestiniens ». Les participants ont entonné des slogans tels que « État sioniste, État terroriste » et « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide ».
L’Anti-Defamation League a signalé une hausse de la rhétorique antisémite en ligne dans les dix-huit heures qui ont suivi le début de la guerre, samedi. Ses données indiquent que les extrémistes et les suprématistes blancs du monde entier se sont enhardis sur internet, certains saluant le Hamas, certains propageant des théories du complot et certains évoquant leurs espoirs de violences antisémites qui se propageraient dans le reste du monde.
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