L’absence de certains ambassadeurs à l’iftar organisé par Israël était intentionnelle
Selon un diplomate européen, l'absence des émissaires des EAU unis et de Bahreïn était volontaire, car les liens d'Israël avec ses alliés arabes ne se sont pas encore stabilisés
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Les ambassadeurs des alliés israéliens du Golfe ont évité un dîner d’iftar organisé par le ministère des Affaires étrangères en avril pour envoyer un message à Jérusalem, a déclaré un diplomate européen au Times of Israel mercredi.
Le 2 avril, le ministère des Affaires étrangères a organisé un dîner pour les diplomates des pays musulmans en poste en Israël. Les ambassadeurs turc et égyptien ont rejoint le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen et le directeur-général du ministère, Ronen Levy, à la rupture du jeûne, comme cela a été également le cas d’Abderrahim Beyyoudh, à la tête du bureau de liaison marocain au sein de l’État juif.
En revanche, l’ambassadeur de Bahreïn, Khaled Yousif al-Jalahma, et l’ambassadeur des Émirats arabes unis, Mohamed Al Khaja, sont restés à l’écart, déclarant au ministère des Affaires étrangères qu’ils étaient affairés ailleurs.
Cette absence n’aurait pas été particulièrement notable, si ces derniers temps, l’état des relations publiques entre Israël et ses partenaires du Golfe n’avait pas connu une série de développements décourageants. Il n’y a pas eu de visites de haut niveau dans les deux sens et les deux pays du Golfe – les Émirats arabes unis en particulier – ont ouvertement et à maintes reprises condamné les dirigeants et les politiques israéliens sous le nouveau gouvernement.
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En outre, la dernière édition du sommet du Néguev, qui devait initialement se tenir en mars au Maroc, n’a pas eu lieu.
« Il est gelé pour l’instant », a déclaré le diplomate, bien que le ramadan, qui avait été précédemment cité par les responsables comme raison de la réticence à organiser le sommet, soit terminé.

Les données révèlent également une tendance inquiétante et indéniable : au fil du temps, les Accords d’Abraham deviennent de moins en moins populaires dans les rangs des nouveaux alliés d’Israël.
Selon des sondages du Washington Institute, 45 % des Bahreïnis avaient une opinion très ou plutôt positive des accords en novembre 2020. Ce soutien s’est progressivement érodé pour atteindre le chiffre dérisoire de 20 % en mars 2022.
La tendance est la même aux Émirats arabes unis, où les 49 % d’opinions défavorables aux Accords d’Abraham en 2020 représentaient en septembre 2022 plus de 66 %. Et seulement 31 % des Marocains se disaient favorables à la normalisation, selon Arab Barometer.
Dans le même temps, ceux qui souhaitent se concentrer sur les évolutions positives ont de nombreuses raisons de le faire. La semaine dernière, les relations économiques entre les Émirats arabes unis et Israël ont franchi une étape importante, puisque les deux parties ont signé le dernier volet, et le plus important, d’un accord de libre-échange (en l’absence d’un ministre émirati).
Quelques jours plus tard, ils ont finalisé un accord accordant une reconnaissance mutuelle aux permis de conduire de leurs citoyens.
L’ambassadeur Khaja a également participé ouvertement à la réception organisée par le président Isaac Herzog à Jérusalem à l’occasion de Yom HaAtsmaout, et a ensuite tweeté des photos de l’événement.
השתתפנו היום בחגיגות יום העצמאות של מדינת ישראל בבית הנשיא.
תודה על האירוח @Isaac_Herzog, נעים להיות בין חברים ועמיתים.
יום העצמאות שמח! #Israel75 pic.twitter.com/bDxS2tbr79— Mohamed Al Khaja (@AmbAlKhaja) April 26, 2023
« Depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement israélien de droite, de nombreux progrès ont été accomplis », a déclaré John Hannah, membre de l’Institute for National Security of America (Institut juif pour la sécurité nationale des États-Unis) et ancien conseiller en matière de sécurité nationale du vice-président américain Dick Cheney.
Il a évoqué la réunion par vidéoconférence de janvier entre les conseillers à la sécurité nationale des États-Unis, d’Israël, du Bahreïn et des Émirats arabes unis, qui ont publié une déclaration commune engageant toutes les parties à poursuivre l’approfondissement de leurs relations. Le chef d’état-major de Tsahal et une délégation de la Knesset s’étaient rendus à Bahreïn.
« La marine israélienne a participé ouvertement non seulement avec les marines du Maroc, du Bahreïn, des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de la Jordanie à l’exercice maritime international 2023 du CENTCOM [Commandement militaire américain pour le Moyen Orient], mais aussi avec celles de nombreux pays arabes avec lesquels Israël n’a pas encore normalisé ses relations, notamment l’Arabie saoudite, le Qatar, Oman, la Tunisie et le Liban », a poursuivi Hannah.
« Personne ne se retire des Accords d’Abraham », a déclaré Joshua Krasna, directeur du Center for Emerging Energy Politics in the Middle East. « C’est un choix stratégique qu’ils ont fait, chacun pour des raisons légèrement différentes. Cette logique stratégique n’a pas changé. »
Un diplomate israélien, impliqué dans les Accords d’Abraham, a insisté sur le fait que les condamnations étaient la conséquence naturelle de tendances positives.
« Il y a plus de critiques parce qu’ils sont plus attentifs », a-t-il déclaré. « Nous sommes là maintenant, ils nous entendent plus, nous les entendons plus. »
Il a ajouté que les Accords d’Abraham avaient surpris toutes les parties concernées et qu’il faudrait du temps pour que chacun comprenne comment travailler les uns avec les autres.