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Interview

L’artiste qui était à Nova la veille du pogrom trouve de l’apaisement à créer des portraits des victimes

Les "visages du 7 octobre" qui ont été peints par l'artiste Benzi Brofman - avec des fresques qui représentent les personnes qui ont été tuées ou prises en otage lors du massacre du 7 octobre - sont à découvrir à Jérusalem

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

  • L'artiste Benzi Brofman peint l'une de ses fresques sur le pogrom du Hamas, le 7 octobre 2023, en Allemagne, sur une photo non-datée. (Autorisation : Ruthe Zuntz)
    L'artiste Benzi Brofman peint l'une de ses fresques sur le pogrom du Hamas, le 7 octobre 2023, en Allemagne, sur une photo non-datée. (Autorisation : Ruthe Zuntz)
  • Portrait de Kfir Bibas, un bébé pris en otage, réalité par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation)
    Portrait de Kfir Bibas, un bébé pris en otage, réalité par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation)
  • Une fresque réalisée par l'artiste Benzi Brofman (Autorisation : Zeev Stein)
    Une fresque réalisée par l'artiste Benzi Brofman (Autorisation : Zeev Stein)
  • Le Bédouin Amer Abu Sabila, tué par les terroristes du Hamas à Sdérot, le 7 octobre, peint ici par l'artiste Benzi Brofman (Autorisation : Tzachi Kivenshtein)
    Le Bédouin Amer Abu Sabila, tué par les terroristes du Hamas à Sdérot, le 7 octobre, peint ici par l'artiste Benzi Brofman (Autorisation : Tzachi Kivenshtein)
  • Un portrait de Shani Gabay, victime du pogrom du 7 octobre à la rave-party Nova, réalisé par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation)
    Un portrait de Shani Gabay, victime du pogrom du 7 octobre à la rave-party Nova, réalisé par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation)
  • Un portrait de l'otage Matan Angrest avec la phrase "Attendez mon retour, demain je serai revenu à la maison", réalisé par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation)
    Un portrait de l'otage Matan Angrest avec la phrase "Attendez mon retour, demain je serai revenu à la maison", réalisé par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation)
  • Une fresque du 7 octobre réalisée par l'artiste Benzi Brofman  en Allemagne. (Autorisation :  Ruthe Zuntz)
    Une fresque du 7 octobre réalisée par l'artiste Benzi Brofman en Allemagne. (Autorisation : Ruthe Zuntz)
  • L'ex-otage Noa Argamani et sa mère, décédée peu de temps après le retour de sa fille de captivité à Gaza, un portrait réalisé par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation :  Tzachi Kivenshtein)
    L'ex-otage Noa Argamani et sa mère, décédée peu de temps après le retour de sa fille de captivité à Gaza, un portrait réalisé par l'artiste Benzi Brofman. (Autorisation : Tzachi Kivenshtein)

Le jeudi 5 octobre 2023, le graffeur Benzi Brofman s’était rendu sur le parking de Reim, dans le sud du pays, pour un événement précédant le festival de musique électronique Nova, organisé dans le désert, qui devait s’y tenir la nuit suivante. Il était revenu chez lui, dans la vallée de Jezreel, dans l’après-midi du vendredi.

Il se souvient que le lendemain matin, Brofman et son épouse avaient regardé avec incrédulité leur écran de télévision – assistant aux scènes d’horreur qui étaient en train de se succéder en direct dans le sud du pays, y compris sur le parking même où il avait organisé sa démonstration de street art.

Au cours des 12 derniers mois, Brofman est devenu le portraitiste des victimes assassinées ou prises en otage par les terroristes du Hamas et des soldats tombés au champ d’honneur à Gaza – dessinant pour les familles les visages de leurs êtres chers.

Plusieurs dizaines de ces portraits sont actuellement à découvrir dans le cadre d’une exposition sobrement intitulée « Visages du 7 octobre », une exposition ouverte au public jusqu’au 30 octobre dans les locaux de l’organisation Stand With Us, un centre d’éducation israélien à but-non lucratif de Jérusalem, en hommage aux défunts et en signe de soutien aux familles plongées dans la douleur.

« Il ne s’agit pas vraiment d’une exposition de dessins, l’objectif étant clairement de commémorer les personnes qui figurent sur les œuvres », dit Brofman, qui crée des portraits réalistes en noir et blanc, agrémentés de touches de couleur.

Brofman s’adresse aux potentiels visiteurs avec ardeur : « Allez-y, partez, quittez tout ce que vous faites, prenez votre voiture et venez, même si c’est difficile, pour voir ça, pour faire face. Il s’agit d’un acte de commémoration, d’un acte de soutien aux familles ; il s’agit de pleurer, même si c’est difficile à faire ».

L’exposition « Visages du 7 octobre » dans les locaux de Stand With Us à Jérusalem jusqu’au 30 octobre 2024 (Autorisation : Benzi Brofman)

L’exposition est présentée dans une immense galerie située dans les locaux de l’organisation, à côté de la rue King David. Les portraits sont répartis en deux catégories : les otages et les personnes qui ont perdu la vie lors du massacre du 7 octobre, d’un côté, et au cours des douze derniers mois de l’autre.

Parmi ces visages devenus familiers figurent ceux de la famille Bibas – les otages Yarden Bibas, Shiri Bibas, son épouse, et leurs deux petits garçons, les deux petits rouquins, Ariel et Kfir. Il y a aussi les cinq observatrices de Tsahal qui se trouvent aujourd’hui encore en captivité à Gaza : Liri Albag, Karina Ariev, Agam Berger, Naama Levy et Daniella Gilboa.

Il y a aussi des portraits de victimes de Nova – comme celui d’un jeune homme, Ben Bernstein, et des œuvres représentant six hommes entretenant des liens avec le secteur de Kfar Saba : les otages Yair et Eitan Horn, Guy Gilboa-Dalal et Eviatar David ; Oz Daniel, un soldat tué le 7 octobre dont le corps sans vie a été emmené à Gaza et Hadar Goldin, un militaire qui avait perdu la vie en 2014 et dont la dépouille est toujours retenue à Gaza.

Pour Brofman, l’exposition est « une boîte ou un espace pour pleurer, pour parler de ce qui s’est passé, pour le ressentir au plus profond de soi-même ».

« Les gens ne pleurent pas, ils évitent de le faire », fait-il remarquer. « Je le comprends, les esprits sont en proie à une lassitude extrême. Mais c’est un endroit où on peut laisser sortir des émotions par ailleurs enfouies ».

Portrait des cinq observatrices de Tsahal qui avaient été prises en otage – avec la phrase « Regardez-les dans les yeux » – à découvrir dans l’exposition « Visages du 7 octobre » dans les locaux de Stand With Us à Jérusalem, jusqu’au 30 octobre 2024. (Autorisation : Benzi Brofman).

L’année dernière, dès le 8 octobre, Benzi Brofman, 41 ans, muraliste autodidacte qui conçoit habituellement des fresques pour des entreprises et pour des projets urbains, avait pris le volant pour intervenir dans le cadre d’une soirée graffiti à destination des survivants du sud qui avaient été déplacés dans sa région.

« J’ai rejoint le groupe et l’organisateur m’a pris à part et il m’a dit en me montrant certains enfants : ‘Notez que le père de cet enfant a été tué et que le père de cet enfant a été pris en otage’, » raconte-t-il.

Brofman avait pris part à différents événements de ce type au cours des premiers jours qui avaient suivi le pogrom du Hamas. Il avait ensuite reçu un appel téléphonique de deux jeunes fans qui connaissaient bien son travail et qui lui avaient demandé de faire le portrait de Vitaly Karasik, un sergent de la police israélienne qui avait été tué en combattant des terroristes lors de la rave Nova.

Ils voulaient que le portrait de Karasik soit réalisé sur un mur mais Brofman avait pensé qu’il était plus logique de le dessiner sur une toile – afin qu’il puisse être offert à sa famille et qu’il puisse être placé là où elle le souhaitait, dans sa maison, à une date ultérieure.

C’est ainsi que le projet ad-hoc avait pris de l’ampleur. Brofman avait d’abord fait le portrait de Karasik, puis celui d’Inbar Haiman, une jeune femme venue au festival de musique électronique Nova qui était toujours considérée comme porté-disparue au mois d’octobre – il s’est depuis avéré qu’elle avait été assassinée lors de la rave-party.

Portrait d’une victime de la rave-party Nova, Inbar Haiman, par l’artiste Benzi Brofman. (Autorisation)

« À partir de ce moment-là, j’ai compris que c’était ça que j’allais faire », explique Benzi Brofman.

À la fin du mois d’octobre, les ambassadeurs d’Israël en Angleterre, en Allemagne et aux Pays-Bas avaient demandé à Benzi Brofman de recréer ses portraits d’otages dans des lieux bien connus des grandes villes – tels que Shoreditch ou Camden à Londres ou Mitte à Berlin.

Au moment où il était rentré en Israël, l’armée israélienne était déjà dans Gaza – ouvrant la première page, pour Brofman, du « chapitre 2 » du monde qui est devenu le sien depuis le 7 octobre.

Des soldats perdaient la vie tous les jours et il s’était retrouvé « à dessiner les portraits d’enfants de la vallée de Jezreel et des communautés locales, des kibboutzim, que je connaissais et qui avaient été tués », explique-t-il.

Au printemps, Brofman avait réalisé une centaine de portraits – une majorité sur toile, une quinzaine sous forme de fresques sur les murs du pays.

La famille Siman Tov, composée de cinq personnes, a été tuée dans sa maison du kibboutz Nir Oz par des terroristes du Hamas le 7 octobre dernier, un portrait réalisé par l’artiste Benzi Brofman. (Autorisation)

« Cela m’aide », dit-il. « Pouvoir se lever le matin et avoir la certitude de faire quelque chose pour aider les autres, ça améliore l’existence ».

Il raconte être retourné pour la première fois sur le lieu de la rave Nova, au parking de Reim, il y a environ un mois, un matin de Shabbat, pour y rencontrer des familles en deuil dont il s’est rapproché ces derniers mois.

« Je me souviens de l’aller et du retour, mais j’ai eu l’impression d’y avoir été tous les jours de l’année dernière », dit-il.

Brofman avait été engagé pour présenter son spectacle Graffiti Live le 5 octobre 2023 – dessinant une œuvre à grande échelle représentant trois personnalités de la musique trance israélienne de renommée mondiale qui étaient décédées au cours des 20 dernières années.

« Ce n’est pas ce que je fais habituellement mais j’avais ressenti le besoin de rendre hommage à ces trois Israéliens qui ont joué un rôle central dans le monde de la trance locale », dit Brofman. « Je voulais me souvenir d’eux avec amour ».

Il voulait que la jeune scène trance puisse les connaître, eux et leur musique.

Le graffeur Benzi Brofman devant son œuvre représentant trois figures majeures du mouvement trance israélien décédées au cours de la décennie précédente, peinte par Brofman lors d’une rave pré-Nova dans le désert le 6 octobre 2023 sur le parking du kibboutz Reim (Autorisation)

Brofman est généralement accompagné de son épouse ou d’un ami lors de ses déplacements – mais lorsque son épouse a appris que l’événement avait lieu à Reim, à dix minutes de la frontière de Gaza, elle n’avait pas voulu y aller.

Il n’avait pas trouvé d’amis pour l’accompagner et, après avoir été malade de la COVID le dimanche précédent, il n’avait pas été sûr de pouvoir se rendre à l’événement.

Mais Brofman n’était pas inquiet concernant l’endroit qui avait été choisi, sachant que l’armée avait approuvé la fête.

Le jeudi matin, Brofman s’était senti mieux – et il avait appelé le kibboutz Beeri, puis le kibboutz Alumim pour trouver un endroit où dormir cette nuit-là. Il s’était dirigé vers le sud, il avait dormi dans la soirée du jeudi dans sa chambre à Alumim, se couchant suffisamment tôt pour commencer à travailler au milieu de la nuit du jeudi, dans le cadre de la fête qui avait précédé la rave Supernova.

Il avait terminé son œuvre le vendredi, aux environs de midi, et il s’était demandé s’il devait rester au festival de musique électronique ou rentrer chez lui.

« Si mon épouse était venue – ou un ami – et si je ne venais pas de me remettre tout juste du coronavirus, je suis sûr que je serais resté », indique Brofman.

Mais il était rentré chez lui et il s’était endormi. Lorsqu’il s’était réveillé, dans la matinée du 7 octobre, son épouse était déjà assise sur le canapé, regardant les scènes de terreur qui se déroulaient dans le sud.

« Je sais que j’aurais pu être pris en otage, souffrir de stress post-traumatique ou être assassiné », explique Brofman. « Même aujourd’hui, je ne peux pas vraiment expliquer ce que je ressens ».

Ce qu’il sait en revanche, c’est que peindre des portraits et parler aux familles endeuillées et aux personnes angoissées vient en aide à ces dernières – et que cela l’aide lui-même.

« Pour l’instant, c’est ce que je fais », confie Brofman.

L’exposition « Visages du 7 octobre » comprend une vidéo, un écran tactile interactif portant sur les événements du 7 octobre et une expérience de réalité virtuelle liée aux événements de cette journée. Les billets, vendus au prix de 30 shekels, doivent être réservés à l’avance.

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