Le procès « impossible » de Beny Steinmetz, selon son avocat
L'avocat de l'homme d'affaires franco-israélien, accusé de corruption d'agents publics en Guinée, a fustigé l'absence de personnages clés de l'affaire aux audiences
Un procès « impossible » en l’absence de tout « personnage corrompu » : au terme du procès de l’homme d’affaires franco-israélien Beny Steinmetz à Genève, accusé de corruption d’agents publics en Guinée, son avocat a fustigé l’absence de personnages clés de l’affaire aux audiences.
Beny Steinmetz, 64 ans, comparaît depuis une semaine devant le tribunal correctionnel de Genève. Il est accusé d’avoir promis dès 2005, puis versé ou fait verser, de 2006 à 2012, des pots-de-vin, dont certains auraient transité par des comptes suisses, à la quatrième épouse de l’ancien président guinéen Lansana Conté, Mamadie Touré, en échange de droits miniers dans ce pays pauvre d’Afrique.
Mme Touré a reconnu avoir reçu des versements et est depuis protégée par la justice américaine. Convoquée comme témoin à Genève, elle ne s’est pas présentée, tout comme une dizaine d’autres témoins de la défense.
« Je tiens ce procès pour impossible (…): parce que tout ceux qui devaient comparaitre n’y sont pas et tout ce qui y sont ne devraient pas », a déclaré l’avocat de M. Steinmetz, Me Marc Bonnant, au dernier jour des audiences.
« Mamadie Touré qui serait le personnage corrompu n’est pas à cette table mais s’y trouve Beny Steinmetz qui serait le corrupteur », a-t-il insisté.
Il a plaidé l’acquittement du diamantaire, niant tout « acte corruptif », et assuré que les faits sont « prescrits ».
En Suisse, la prescription pour corruption d’agent public étranger est de 15 ans. Pour le procureur en charge du dossier, Yves Bertossa, il n’y a « pas de problématique de prescription », car les « paiements s’étirent jusqu’en 2012 ».
Ce procès est l’aboutissement d’une longue enquête internationale lancée en 2013 en Suisse et portant sur des permis miniers octroyés en Guinée au Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), dans lequel le diamantaire a le titre de conseiller.
Ce dernier avait obtenu en 2008, peu avant la mort de Lansana Conté, une licence d’exploitation d’une mine de minerai de fer dans la région de Simandou où il a investi 170 millions de dollars. Il en a depuis revendu 51% au groupe brésilien Vale, pour 2,5 milliards.
Il est accusé d’avoir mis en place un montage financier via des sociétés-écran afin de verser environ 10 millions de dollars (8,2 millions d’euros) de pots-de-vin à Mme Touré, afin que BSGR supplante Rio Tinto.
« Ni photo, ni vidéo »
Beny Steinmetz, qui résidait à Genève lorsque les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés, a assuré n’avoir « jamais » demandé à quiconque de verser des fonds à Mme Touré, et l’a accusée de raconter des « mensonges ».
La défense a assuré même que cette dernière n’était pas l’épouse de l’ancien président Conté, mais une maîtresse n’exerçant aucune influence, en expliquant qu’aucun certificat de mariage n’a été produit.
« Elle ne se rappelle ni la date, ni du lieu, ni des personnes qui ont assisté à ce mariage », et « aucune photo ou vidéo n’ont été prises à cette occasion supposée », a ironisé Me Camille Haab, autre avocate de M. Steinmetz, indiquant par ailleurs que le passeport diplomatique de Mme Touré ne lui a été délivré que bien des années après son « supposé mariage ».
En outre, Mamadie Touré « n’était pas un agent public », peu importe qu’elle soit une « femme légitime ou poligamite », a assuré Me Bonnant.
Le verdict est attendu vendredi après-midi. Le parquet a requis 5 ans de prison contre M. Steinmetz et la confiscation de 50 millions de francs suisses (46 millions d’euros).
Beny Steinmetz est jugé aux côtés de deux partenaires d’affaires, dont le Français Frédéric Cilins, contre lesquels le procureur a requis 4 ans de prison.