Le témoignage de Netanyahu ne doit pas être coordonné avec la Knesset – conseillère juridique
Yoav Kisch et Gideon Saar demandent à la Cour de reporter le témoignage du Premier ministre au vu de l'évolution de la situation sécuritaire et de la chute du régime syrien
Malgré l’affirmation du président de la Knesset, Amir Ohana, il n’y a aucune obligation légale de coordonner avec la Knesset le témoignage à venir du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le cadre de son procès pénal, a insisté dimanche le bureau de la conseillère juridique de la Knesset, Sagit Afik.
Dans un avis de neuf pages soumis à la Cour de Jérusalem, le bureau d’Afik a fait valoir qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une telle consultation dans les cas où les parlementaires sont des accusés, même si cela ne s’applique pas aux autres députés qui pourraient être amenés à témoigner plus tard au cours du procès.
Ohana a estimé que le fait que la Cour n’ait pas coordonné avec lui le moment du témoignage de Netanyahu constituait une violation de la séparation des pouvoirs.
Citant la loi sur les membres de la Knesset (immunité, droits et devoirs), Ohana a déclaré dans une lettre adressée au juge Tzahi Uziel, chef de la branche judiciaire, que le tribunal était tenu de consulter le président de la Knesset pour fixer le moment du témoignage d’un membre de la Knesset.
Ohana a déclaré que la loi a été mise en place pour garantir « qu’une autorité [le pouvoir judiciaire] n’interfère pas avec le travail d’une autre autorité [le pouvoir législatif] ».
La Cour a demandé au bureau de la procureure générale et à la conseillère juridique de la Knesset de répondre à l’argument d’Ohana d’ici dimanche.
L’accusation d’Ohana a été portée après que le tribunal a rejeté la demande de Netanyahu de passer de trois à deux jours par semaine devant le tribunal. Le témoignage du Premier ministre devrait débuter ce mardi.
Le Premier ministre doit témoigner dans une salle souterraine du tribunal de Tel Aviv, après que les juges supervisant le procès ont approuvé la semaine dernière une demande visant à déplacer son audition du palais de justice de Jérusalem pour des raisons de sécurité.
L’article de loi cité par Ohana ne s’applique pas aux personnes en cours de jugement car il leur procurerait un avantage dont ne bénéficient pas les autres accusés, a fait valoir le bureau de la conseillère juridique de la Knesset.
La semaine dernière, Yaïr Lapid, le chef de l’opposition, avait qualifié les arguments d’Ohana de « bidons ». « La séparation des pouvoirs existe en Israël et la Cour n’a [donc] pas à coordonner quoi que ce soit avec lui [Ohana] », avait-il écrit sur le réseau social X.
L’opposition a accusé Netanyahu d’essayer de repousser indéfiniment son témoignage potentiellement préjudiciable. Ce témoignage fait suite à une série de retards dus à la guerre menée contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, puis contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah au Liban jusqu’à la semaine dernière.
Dimanche matin, en réaction à la chute soudaine du régime du dictateur syrien Bashar el-Assad en Syrie, le ministre de l’Éducation Yoav Kisch a appelé à un nouveau report du procès de Netanyahu. Kisch a écrit sur X que le témoignage du Premier ministre devrait être retardé de trois mois, ajoutant que « compte tenu des changements spectaculaires, insister pour tenir l’audience à ce moment serait une erreur et ne serait pas pratique ».
Le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, a également demandé le report du témoignage de Netanyahu, écrivant à la procureure générale, Gali Baharav-Miara, que la demande de Netanyahu était « raisonnable » au regard des récents événements survenus aux frontières d’Israël.
« En tant que participant aux réunions du cabinet, vous connaissez la situation en matière de sécurité, y compris les récents développements tragiques survenus en Syrie », a écrit Saar.
« En ce moment, une lourde responsabilité repose sur le gouvernement et encore plus sur le Premier ministre. L’intérêt de l’État est d’en tenir compte et de permettre un fonctionnement optimal pour le bien de l’État et de sa sécurité. »
Netanyahu est accusé de fraude et d’abus de confiance dans trois affaires distinctes, dont une dans laquelle il est également poursuivi pour corruption.
Le Premier ministre est jugé pour corruption, fraude et abus de confiance dans l’Affaire 4 000. Il est accusé d’avoir autorisé des décisions réglementaires favorables à un magnat des télécommunications en échange d’une couverture médiatique plus favorable sur un organe d’information appartenant à l’homme d’affaires.
Netanyahu est également accusé de fraude et d’abus de confiance dans deux autres affaires. L’une d’elles, l’Affaire 2 000, concerne des allégations selon lesquelles Netanyahu aurait tenté d’obtenir une couverture médiatique positive dans le journal Yedioth Ahronoth en échange d’une loi restreignant la diffusion d’Israel Hayom, le quotidien du milliardaire Sheldon Adelson. Dans l’autre affaire, l’Affaire 1 000, les procureurs affirment que Netanyahu a reçu illégalement des cadeaux onéreux de la part de milliardaires bienfaiteurs.
Le Premier ministre a toujours nié avoir commis la moindre infraction dans ces trois affaires. Il a affirmé que les accusations avaient été fabriquées de toutes pièces dans le cadre d’une chasse aux sorcières menée par la police et le ministère public.
Près de 50 % des Israéliens estiment que Netanyahu ne peut pas exercer ses fonctions de Premier ministre de manière appropriée en temps de guerre tout en témoignant pendant son procès en cours pour corruption.
Selon un récent sondage de l’Institut israélien de la démocratie (IDI), 48 % des Israéliens estiment qu’il ne peut pas exercer ses fonctions pendant qu’il témoigne, tandis que 46 % pensent qu’il peut le faire.
Si 49 % des répondants juifs estiment que le Premier ministre peut exercer ses fonctions dans ces circonstances, leur opinion est divisée en fonction de leur appartenance politique : 70 % des répondants de gauche et 55 % de ceux du centre estiment qu’il ne peut pas remplir ses fonctions de manière appropriée lorsqu’il témoigne, contre 34 % pour les répondants de droite.