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Les dernières paroles de Primo Levi publiées en français

L'un des plus importants témoins de la Shoah s'est suicidé le 11 avril 1987

Primo Levi (Crédit : Wikimedia Commons)
Primo Levi (Crédit : Wikimedia Commons)

« Tu as déjà en tête un plan de bataille ? » Cette question, c’est Primo Levi qui la pose d’emblée à l’universitaire Giovanni Tesio venu l’interroger en vue de rédiger sa biographie. La scène se passe à Turin le 12 janvier 1987, trois mois avant le suicide de l’écrivain.

« Je dus lui avouer que je n’avais pas le moindre plan de bataille », se souvient Giovanni Tesio, rencontré par l’AFP à Paris à l’occasion de la sortie en français (le 16 mars) du livre « Moi qui vous parle » (Pocket/Tallandier), un ouvrage où sont consignées les dernières conversations de l’auteur de « Si c’est un homme ».

Quand ils se retrouvent dans l’appartement de Primo Levi à Turin, les deux hommes se connaissent déjà. « La première fois que j’ai parlé avec lui c’était en 1977 », raconte l’universitaire, spécialiste de l’oeuvre du rescapé d’Auschwitz. « Nous n’étions pas amis – le mot est un peu galvaudé – mais nous étions devenus proches. »

Le projet de Tesio était d’écrire une « biographie autorisée » de Primo Levi. Ils se rencontreront à trois reprises, « toujours l’après-midi », dans l’appartement bourgeois de Levi entre le 12 janvier et le 8 février 1987.

« Après notre troisième entretien, il m’indiqua que nous devions interrompre nos rendez-vous car il devait se faire hospitaliser. J’ai repris contact avec lui par téléphone en avril et il m’accueillit avec toute sa gentillesse. Je devais le rappeler la semaine suivante pour convenir de notre prochain tête-à-tête mais cela n’eut jamais lieu. »

Primo Levi, un des plus importants témoins de la Shoah, s’est suicidé le 11 avril 1987.

‘Terriblement inhibé’

En lisant ses confessions, on découvre un enfant timide, « terriblement inhibé ». « Il était très réservé, davantage que la moyenne, sujet à des épisodes de profonde dépression », confirme Giovanni Tesio.

Evoquant sa timidité quasi maladive vis-à-vis des filles lorsqu’il était adolescent, Primo Levi confie que « cela a été une souffrance épouvantable, au point que j’en suis arrivé à songer au suicide ».

A un autre moment, l’écrivain évoque ses grands-parents paternels. « Je n’ai pas connu mon grand-père. Il s’est suicidé dans des circonstances que je ne connais pas, peut-être à cause de problèmes financiers, je ne sais pas. Je porte son prénom, je m’appelle Michele comme lui. »

« Michele ? » s’étonne Tesio. « Oui, répond Levi, Primo Michele, j’ai deux prénoms (…) Il était ingénieur lui aussi. »

Giovanni Tesio se souvient des moments de passage à vide de Levi pourtant célébré en Italie, récipiendaire de nombreux prix littéraires et dont des livres comme « La trêve » figurent dans les programmes scolaires italiens.

« Un jour, il était particulièrement déprimé. Je tente de lui remonter le moral. Il m’écoute et me répond: « Tu peux me dire tout ce que tu veux. Je me sens comme un fusil déchargé. Je suis vidé. »

« L’expression ‘fusil déchargé’ est exactement celle utilisée par Cesare Pavese », le grand écrivain italien hanté par l’incommunicabilité qui se suicida en août 1950 à Turin, fait remarquer Giovanni Tesio.

« Primo Levi était un homme à jamais blessé », analyse l’universitaire qui souligne que, dans le même temps, Primo Levi était « un homme capable de rire et d’être ironique ».

« Il était doté d’un humour remarquable », tient à rappeler le spécialiste de l’oeuvre de Levi.

En fait, seule les excursions en montagne l’apaisent. « En montagne, sa timidité disparaît. Il devient un autre homme. »

« Nous ne devons pas voir Primo Levi comme quelqu’un de faible », insiste Giovanni Tesio. « Il était timide, psychologiquement blessé, dépressif, en proie à des cauchemars récurrents, mais ce n’était pas un homme vaincu, il savait se battre même si la vie, d’une certaine façon, l’a soumis. »

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