Les diamants, meilleurs amis d’un escroc
Ne se laissant pas décourager par l'interdiction des options binaires, un ex-employé décrit comment son entreprise s'est tournée vers le 'courtage' en diamants
« Un diamant est éternel », annonçait la société internationale de diamants De Beers dans sa publicité, vers la fin des années 1940. Ian Fleming a utilisé le slogan pour son roman sur James Bond, « Les Diamants sont éternels », dans les années 1950, suivi du film avec Sean Connery en 1971. Tout cela est vrai, tant que les gemmes en question existent réellement.
Récemment, en Israël, les arnaqueurs ont vendu des diamants en ligne et par téléphone avec des promesses de profits importants alors que ces profits et l’existence même des pierres, sont dépendants des conjonctures.
Deux mois après que la Knesset a adopté une loi interdisant l’industrie israélienne des options binaires, les groupes d’emplois, en particulier pour les candidats parlant une langue étrangère, font de la publicité agressive pour que des candidats viennent travailler dans leurs centres d’appel.
« L’expérience en options binaires est définitivement un plus ! », annoncent certains d’entre eux. Dans la communauté francophone d’Israël, certains escrocs ont abandonné les options binaires il y a deux ans et sont passés à des escroqueries de diamants d’investissement.
Le Times of Israël a parlé à un ex-employé d’une de ces entreprises, « Robert » (il a demandé que nous n’utilisions pas son vrai nom). Il y a un an ou deux, les propriétaires d’un centre d’appel francophone où travaillait Robert ont jugé que l’industrie des options binaires, largement frauduleuse, était trop exposée, avec notamment des reportages dans les médias français et une série d’articles parue dans le Times of Israël. Ils ont adopté une nouvelle arnaque, qui consiste à persuader des étrangers, lors de conversations téléphoniques, d’investir dans des diamants. Cette « affaire », bien que loin d’être aussi importante que les options binaires, s’est développée en une industrie artisanale israélienne, impliquant principalement des francophones.
Sur l’Internet français de nos jours, on peut voir des annonces pour investir dans le diamant. Certaines ont même été diffusées sur BFM TV, le réseau d’information le plus regardé en France, aux heures de grande écoute.
https://youtu.be/hReRw_wv6i0
En novembre 2016, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), qui dispose d’une très longue liste d’avertissements contre les firmes d’options binaires et forex israéliennes, a mis sur sa liste noire la première société d’investissement en diamants, Blue Stone, Ltd. société enregistrée au Royaume-Uni.
L’AMF, selon le communiqué, « a mis en garde les investisseurs français contre les documents marketing émis par BLUE STONE LTD via plusieurs sites internet proposant des offres d’investissement dans les diamants ».
« Compte tenu de l’incertitude quant à la nature des activités exercées par BLUE STONE LTD et les sociétés qui lui sont liées et compte tenu du caractère partial des supports marketing, notamment l’absence de mention de risque, l’AMF recommande aux investisseurs de ne pas répondre aux sollicitations desdites entités et de ne pas les communiquer à des tiers, sous quelque forme que ce soit. »
L’AMF ne l’a pas mentionné dans son avertissement, mais Blue Stone, Ltd., enregistrée au Royaume-Uni, opérait depuis Israël.

Depuis la mise en garde contre Blue Stone, environ 80 sites supplémentaires de vente de diamants exploités par d’autres sociétés ont été ajoutés à la liste noire de l’AMF (français). Les organisations de protection des consommateurs en France estiment que beaucoup d’entre elles ont des liens avec Israël.
L’AMF a déclaré au Times of Israël qu’aucune de ces sociétés n’est agréée et que, par conséquent, aucune d’entre elles ne fonctionne légalement.
L’AMF indique aussi sur son site internet : « Il semble également que les adresses postales prestigieuses de ces plate-formes ou entreprises soient souvent fictives ».
Fraude multinationale
En mars dernier, les médias français ont rapporté le cas de Stock Diamond, Ltd., qui utilisait le site internet stockdiamond.com. Selon un article paru en février 2017 dans le journal Le Républicain Lorrain, « des centaines de clients ont acheté des diamants auprès de courtiers sans scrupules, présentés comme un investissement juteux avec un taux de rendement de 8 % ».
L’entreprise s’est étendue sur plusieurs juridictions. Il avait un bureau à Lyon-Part-Dieu, à Lyon, France, dont les directeurs (français) ont été arrêtés l’an dernier par les autorités françaises. Les forces de l’ordre françaises auraient été alertées par un organisme de protection des consommateurs connu sous le nom d’Association de défense des consommateurs de Lorraine (ADC 54).
Le président Guy Grandgirard de l’ADC 54, une partie civile dans l’affaire criminelle contre Stock Diamond, Ltd., a mené une enquête sur l’entreprise. Il a constaté qu’environ 200 clients avaient payé entre 2 500 et 40 000 euros pour acheter des diamants, sans les avoir vus, à des fins d’investissement.
Quand les clients demandaient à voir les diamants, on leur donnait des excuses ou la compagnie coupait le contact avec eux, selon Grandgirard et plusieurs reportages parus dans les médias français, y compris l’article du Républicain Lorrain.
Lorsque Grandgirard a tenté de savoir qui était propriétaire de Stock Diamond, Ltd., il a découvert, selon ses mots, « un Français vivant en Israël, qui a créé une société basée dans un immeuble londonien avec 956 autres entreprises ! La société britannique avait cinq directeurs en huit mois. Le dernier directeur est originaire de Chypre », a déclaré Grandgirard au Républicain Lorrain.

Mais finalement, a-t-il dit, toutes les pistes ont conduit à Israël. Dans une enquête détaillée sur le site internet de l’ADC 54, Grandgirard a montré que le site internet stockdiamond.com avait été enregistré par quelqu’un à Tel Aviv.
Les quatre administrateurs de la société britannique Stock Diamond, Ltd. étaient Yonatan Muyal, un citoyen canadien; Jason Hughes, un citoyen britannique basé à Chypre; Joshua Baron, un citoyen britannique qui a vécu en Israël; et Dan Amouyal, un Israélien.
Le Times of Israël a contacté les quatre hommes. Un seul, répondant au nom de Joshua Baron s’est manifesté, citoyen britannique vivant en Israël, et ayant la même date de naissance, le 31 juillet, que le Joshua Baron, administrateur de Stock Diamond Ltd. Il a insisté sur le fait qu’il n’était pas le directeur de la compagnie : « Je ne sais pas de quoi vous parlez, je pense que vous ne tenez pas le bon Joshua Baron car je suis sûr qu’il y en a beaucoup dans le monde. »
Grandgirard a écrit qu’en outre, plusieurs des sites Web d’investissement de diamant qu’il a analysés utilisaient les services d’une compagnie appelée IGL LABS, qui « évaluait » des diamants pour les clients. Cette société est dirigée par un Israélien nommé Noam Lenzini, selon le UK Insolvency Service.
Lenzini a fourni ses services à un certain nombre de sites web d’investissement dans le diamant, y compris un site qui vend des investissements dans les diamants colorés, selon le Service des insolvabilités. Le UK Insolvency Service a déclaré que IGL LABS est détenu conjointement par Lenzini et Israël Or, un personnage connu dans les colonnes des potins israéliens, un riche homme d’affaires qui sort avec des mannequins et des reines de beauté.
Le 8 juin, IGL Labs a été liquidé par le UK Insolvency Service. Le juge lors de l’audience du tribunal des sociétés du 8 juin a déclaré que IGL Labs avait fourni des évaluations à un certain nombre de stratagèmes d’investissement frauduleux.
« Compte tenu de l’ensemble des preuves », a déclaré le juge à l’audience, « à mon avis, les certificats IGL n’étaient pas de véritables évaluations, mais ils sont en réalité des faux. Ils étaient simplement élaborés par rapport à un prix de diamants de couleur fantaisies qui avaient été vendus à des investisseurs et pour fournir une fausse assurance à savoir que le prix payé représentait une évaluation professionnelle indépendante. » Le Times of Israël a contacté Israël Or et Noam Lenzini afin d’obtenir une réponse, sans succès.
Le travail dans l’arnaque aux diamants
Le Times of Israël a parlé à Robert, un ancien employé de Tel Aviv d’une société de diamants d’investissement. Il nous a dit que l’entreprise commettait des fraudes, utilisant ce qui ressemblait aux ruses des fraudeurs d’options binaires, avec des fausses identités, déformant leur expertise et leur localisation, et rompant le contact avec les clients qui cherchaient à retirer leurs fonds.
Tel que Robert a décrit l’escroquerie, le client répond à une publicité, généralement sur Google Ads ou à la télévision, en laissant ses coordonnées sur une page web. Un employé de Tel Aviv l’appelle alors et lui propose un investissement ostensiblement attractif : Il peut gagner un rendement annuel de 6-8 % s’il achète un diamant, une partie d’un ou un lot. (Même dans les véritables investissements du diamant, la promesse d’un retour de 8% par an sur les diamants est « très optimiste », pour ne pas le dire autrement, a précisé Grandgirard de l’ADC 54 au Times of Israël.)
Le courtier explique ensuite au client ce qu’il sait déjà : le rendement des investissements en France est très faible (le taux du Livret A, produit financier historique offert par les banques françaises, est d’environ 1 %). Le courtier dit au client que les diamants sont un bon investissement parce que la demande dépasse l’offre, ce qui signifie que la valeur de tout diamant qu’il achète ne fera qu’augmenter.
Les clients des entreprises de diamants d’investissement qui estiment avoir été victimes de fraude ont publié de nombreuses plaintes sur le site web de Signal-Arnaque, un forum destiné aux personnes qui pensent avoir été victimes d’une arnaque. Parmi les allégations : une fois qu’ils ont déposé leur argent, leur courtier en diamants est devenu très difficile à joindre.
Robert, l’ancien employé, a déclaré au Times of Israël que la société dans laquelle il travaillait vendait des options binaires. Il y a plus d’un an, a-t-il dit, il a vu ses employeurs retirer l’ancien logo de l’entreprise d’options binaires et en raccrocher un nouveau à la place pour l’entreprise de diamants d’investissement. « Les bureaux, le personnel, les ordinateurs, tout est resté », a-t-il dit.
Ses patrons ont dit à l’époque qu’ils estimaient que l’activité d’investissement dans le diamant avait deux ans devant elle avant d’être exposée, comme les options binaires.
« Nous devons agir intelligemment et rapidement », ont-ils dit, a déclaré Robert. « Nous avons deux ans pour faire de l’argent. »
En octobre 2017, la Knesset a voté pour interdire toute l’industrie des options binaires, une vaste fraude de plusieurs milliards de dollars qui a perduré pendant 10 ans avec peu ou pas d’action de la part des forces de l’ordre. La loi entre en vigueur plus tard ce mois-ci. En réponse, certains opérateurs d’options binaires ont déplacé leurs centres d’appels à l’étranger, tandis que d’autres continuent d’exploiter des centres d’appels en Israël et vendent désormais des devises, des crypto-monnaies, des assurances et d’autres produits.
Le directeur de Robert était un opérateur dans l’économie souterraine israélienne, a déclaré Robert. Il avait déjà été impliqué dans de fausses escroqueries publicitaires un casino en ligne, puis les options binaires. Il a laissé entendre à Robert et à ses collègues qu’il avait connu plusieurs démêlés avec la justice, mais qu’il avait réussi à échapper à toute forme de poursuite.
« Vous êtes protégés », a-t-il souvent dit à ses vendeurs, a déclaré Robert. « Nous sommes habitués à la justice israélienne et nous savons comment procéder. Je suis là pour vous. »
Robert a confié qu’il y avait une sale atmosphère dans le bureau le jour, en janvier dernier où le Times of Israël a rapporté l’histoire d’un homme canadien, Fred Turbide, qui s’est suicidé après avoir été volé par une compagnie d’options binaires basée en Israël.
Mais quelques heures plus tard, se souvient Robert, les vendeurs se sont rassurés en disant que «nous ne faisons pas d’options binaires», et que par conséquent ce qui est arrivé à Turbide n’était pas lié à leur propre activité commerciale.
Le système
« Il y a environ 20 personnes qui appellent des clients pour les convaincre d’investir. Ils sont les « agents de conversion» », a expliqué Robert. « Leur objectif est d’obtenir un premier dépôt du client. »
Certains de ces agents de conversion sont des personnes qui avaient un historique d’emploi légitime avant de travailler pour la société d’investissement en diamants, a déclaré Robert. D’autres sont des recalés de lycée français qui font des erreurs grammaticales dans leur façon de parler, mais réalisent néanmoins beaucoup de ventes.
Après le premier dépôt, les agents de conversion transfèrent le client à un agent de rétention, un vendeur plus expérimenté, qui demande des dépôts supplémentaires au client.
Si à un moment donné, le client demandait son diamant ou son argent, et insistait, a rappelé Robert, les agents de vente appuyaient sur le bouton « conformité » dans le logiciel.
Le client était alors dirigé vers un département dans lequel « deux ou trois jeunes femmes s’efforçaient de garder le client à tout prix », a déclaré Robert.
Une façon de procéder était de transférer le client d’agent à agent jusqu’à ce qu’il soit lassé.
Une autre façon de dissuader les clients de demander leurs diamants ou l’équivalent en argent était d’expliquer que les diamants n’étaient pas stockés en France, mais dans une installation de la zone franche de Gex à la frontière franco-suisse, et que pour recevoir les diamants, le client devrait payer la taxe sur la valeur ajoutée, ou la TVA, qui représente 20% de son investissement. Souvent, cela suffisait à dissuader les investisseurs.
« L’escroquerie est si bien conçue qu’ils étaient comme des marionnettes entre nos mains », a déclaré Robert. « Certains investisseurs ont investi 200 000 euros; d’autres ont même utilisé leur assurance vie. » « Quand j’y pense, c’était surréaliste », raconte-t-il. « Il y avait un juif orthodoxe, qui a étudié en yeshiva, avec une kippa noire. Il criait littéralement aux clients qui hésitaient à investir. Il leur criait en disant : « Vous êtes de la merde ! » En un mois seulement, il est devenu le plus grand gestionnaire de portefeuille de l’entreprise – il était le numéro un.
L’escroquerie
Personne n’a dit à Robert verbalement qu’il travaillait pour une arnaque. Mais ses doutes sur la légalité de l’entreprise sont rapidement apparus. « Tout était un mensonge, du récit à l’existence même des pierres qui sont vendues ». Par exemple, Robert devait dire à ses clients qu’il était un expert en diamants qui travaillait à la place Vendôme à Paris, une luxueuse place avec de nombreux magasins vendant des marques de luxe. Il lui a été dit de mentionner qu’il visitait Anvers, où se trouve la principale Bourse européenne du diamant, quatre à cinq fois par mois pour rencontrer des acheteurs.
En fait, dit Robert, les immigrants français installés à Tel Aviv n’étaient pas des experts en diamant, aucun d’entre eux ne se rendait à Anvers, et il doutait que les diamants qu’il prétendait vendre existaient réellement. Le client recevait un certificat d’un expert qui avait supposément évalué la valeur du diamant, mais Robert a également posé des questions sur l’authenticité du certificat.

Un autre mensonge, a déclaré Robert, est que « nous disons au client que son investissement concerne seulement l’achat de la pierre, et que nous ne sommes pas payés sur cela. Mais c’est faux. Les agents de conversion prennent 4,5 % des dépôts qu’ils apportent, et les agents de rétention 9 %. »
Pour rassurer les clients, les courtiers en diamants pouvaient à tout moment appuyer sur un bouton « bonne offre » permettant un rachat immédiat du diamant à un prix supérieur de 5 à 10 % à celui de l’investisseur. Le client pouvait alors choisir de vendre ou non le diamant à cet acheteur virtuel.
Comme aucun des agents de son centre d’appels ne s’est rendu à la bourse européenne du diamant à Anvers, Robert s’est demandé si ces acheteurs virtuels existaient réellement. Ces « bonnes offres » ont peut-être été utilisées pour créer une demande imaginaire, a-t-il suggéré, afin de rassurer le client sur son investissement et l’inciter à faire d’autres investissements.
La prochaine escroquerie
En l’absence d’une application efficace de la loi, les industries israéliennes en marge ont fait preuve de résilience. Beaucoup ont simplement changé leur produit avant ou depuis que la Knesset a banni les options binaires et ont continué comme si de rien n’était.
Robert a quitté son emploi il y a plusieurs mois. Des demandeurs d’emploi postulant ces derniers mois dans la société où travaillait Robert ont déclaré au Times of Israël que les responsables disaient qu’ils vendaient toujours des diamants, mais selon eux cette arnaque précisément est en voie de disparition.
Les demandeurs d’emploi ont dit qu’on leur avait annoncés, qu’aujourd’hui le nouveau produit vendu avec beaucoup de conviction par la société était le bitcoin.
Interrogée sur la façon dont elle aborde le problème des centres d’appels francophones fraudant les personnes à l’étranger, la police israélienne a déclaré cette semaine au Times of Israël : « Dans la mesure où il existe un soupçon de crime en général et de ce crime en particulier, la police israélienne opère sur une base de renseignement, d’enquête et d’opérations en collaboration avec les autorités compétentes en Israël et à l’étranger. »
« Nous aimerions souligner qu’il y a eu récemment plusieurs affaires impliquant une » manipulation sociale « et des soupçons d’escroqueries menées par téléphone et par Internet contre des entreprises à l’étranger. Après les enquêtes terminées, le procureur de l’Etat a inculpé plusieurs des personnes impliquées. »
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