Les femmes rabbins devraient-elles compter dans le quorum de la prière ?
Alors qu'un récent communiqué de l’Union orthodoxe excluant les femmes des fonctions religieuses a suscité la controverse, certains s’interrogent : Comment ces nouveaux leaders peuvent-ils guider la prière communautaire ?
Un tourbillon de fêtes pour accompagner ce couple de cinquantenaires, récemment mariés, Ils ont fêté cette joyeuse occasion et cet amour découvert sur le tard pendant une semaine de traditionnelle sheva brachot. Les nombreux amis des nouveaux époux les ont accueillis pour les sept repas festifs des sept bénédictions de la célébration. Parmi eux, une professeur à l’université, une chirurgienne, deux avocates et quelque enseignantes
Toutefois, le dernier repas du soir qui était organisé par l’une des plus proches amies de la mariée – a failli ne jamais pouvoir commencer.
Les sept bénédictions exigent un quorum de dix hommes et ces messieurs, ce soir-là, s’étaient fait plutôt rares – ce qui avait peut-être quelque chose à voir avec un match de basket qui se jouait au cœur de Jérusalem.
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L’hôtesse remarque quelques adolescents qui jouaient au football dans le jardin de la résidence. Elle les a invités à l’intérieur. Considérés comme des hommes dans la loi juive, ces jeunes garçons de 13 ans, transpirants, lui ont « sauvé la mise ». Dans des cas comme celui-là, de nombreuses femmes juives pratiquantes, habituées à se débrouiller toutes seules, commencent à trouver leur exclusion du quorum pour la prière orthodoxe de plus en plus insupportable.
« Ne pas compter devant Dieu est l’offense la plus profonde qui puisse vous être faite en tant qu’être humain. Vous savez, quand un type commence à compter les têtes et que vous êtes là, que vous n’existez plus, votre corps, votre âme, deviennent invisible », explique l’écrivain féministe et chercheuse Elana Sztokman, auteur de « The Men’s Section: Orthodox Jewish Men in an Egalitarian World« .

Le statut des femmes dans le judaïsme est l’une des questions les plus lourdes de sens et les plus clivantes de l’orthodoxie moderne.
Sur ce sujet douloureux, un récent communiqué diffusé par l’organisation cadre du mouvement, l’Union orthodoxe, a une fois encore souligné la ligne rouge du judaïsme dominant en répétant l’exclusion des femmes des fonctions religieuses, tout en soutenant l’importance du rôle des femmes éduquées dans les communautés et dans les écoles.
Suite à ce communiqué et au vu du nombre toujours croissant de femmes – assumant des fonctions religieuses ou de conseil Halakhique – qui travaillent dans les communautés orthodoxes modernes, les penseurs des deux côtés ont exprimé des opinions diverses sur la pertinence – et sur la validité – de la déclaration de l’organisation.
D’un côté, il y a des précédents Halakhiques clairs qui font état explicitement de l’interdiction faite aux femmes d’assumer une myriade de rôles dans la vie communautaire publique. De l’autre, à une époque où les femmes ont remporté le vote populaire lors des élections présidentielles aux Etats-Unis, il est difficile de soutenir que la fonction de la femme ne va pas au-delà des quatre murs de son foyer.
Mais alors que les conversations litigieuses abondent sur la question des femmes rabbins, d’autres voix, émanant de ceux qui considèrent d’ores et déjà ces femmes comme leurs leaders spirituels, s’interrogent : Comment ces femmes érudites, ordonnées, peuvent encore ne pas être « comptées » dans les quorums des mêmes prières qu’elles dirigent – pas même par les rabbins qui les ont ordonnées ?
Un nouveau livre écrit par le rabbin novateur et égalitariste Ethan Tucker à travers un regard éclairé sur l’histoire du féminisme juif orthodoxe permettent d’éclairer ce sujet controversé.
Le problème juif qui n’a pas de nom
A travers ses écrits explosifs et la fondation de l’Organisation nationale des Femmes (NOW) dans les années 1960, l’auteur juive laïque Betty Friedan a planté les graines de la « deuxième vague » du féminisme américain.
Jusqu’aux années 1980, cette icône internationale du féminisme réclamait un bouleversement de l’ordre social établi et l’égalité des rôles et des droits légaux des femmes dans leurs foyers comme dans la sphère publique.

La conversation s’est assez rapidement développée dans les communautés juives de tous les courants, chacune s’y intéressant à sa façon.
En termes d’enseignement supérieur et de rôles publics pour les femmes, certains mouvements ont été les premiers à accepter des chefs spirituels femmes : en 1972, le mouvement réformé a ordonné la première femme rabbin américaine, Sally Priesand. Le mouvement reconstructionniste a suivi cet exemple deux ans après en ordonnant le Rabbin Sandy Eisenberg Sasso.
Le mouvement conservateur, qui se considère officiellement comme une confession halakhique et lié à une loi juive toujours en évolution, a commencé à se pencher sur la question des femmes par de petites mais cruciales initiatives, incluant en 1974 par l’Assemblée rabbinique du Comité de la loi juive et des normes d’Amérique du Nord, l’adoption d’une opinion minoritaire autorisant le témoignage des femmes.
Plus d’une décennie plus tard, en 1985, le rabbin Amy Eilberg a été ordonnée par le mouvement conservateur.
Toutefois, le rythme relativement rapide des initiatives prises en faveur de l’acceptation des femmes aux fonctions de chefs spirituels au sein du mouvement conservateur a créé des divisions.
En 1983, l’ancien professeur de Talmud au séminaire théologique juif d’Amérique, David Weiss Halivni, a fondé un courant dissident, appelé Union pour le Judaïsme traditionnel (UTJ). Aujourd’hui disparu, mais soutenant alors son propre séminaire et sa propre organisation rabbinique, l’UTJ a occupé une niche entre le mouvement conservateur de plus en plus libéral et l’orthodoxie moderne.
A la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’orthodoxie moderne a également commencé à s’intéresser à la nécessité d’ouvrir le mouvement à l’érudition des femmes et à l’idée controversée des groupes de prières féminins, dans lesquels les femmes assureraient les rôles rituels.
Le penseur fondateur de l’orthodoxie moderne, le rabbin Joseph B. Soloveitchik, a commencé à enseigner des cours de Talmud au niveau universitaire au collège Stern pour les femmes de la Yeshiva University en 1977.
Peu de temps après, en 1979, le rabbin David Silber a créé le Drisha Institute, pour les étudiantes adultes. Mais le mouvement n’était pas prêt à offrir des rôles publics aux femmes.
« En 1980, ceux qui avaient avancé l’idée que les femmes devaient tenir de plus grands rôles dans les rituels et dans le leadership orthodoxes ont reconnu qu’il y avait toutefois des positions fermement établies. Ils n’avaient jamais exprimé, au moins en public, le désir de reformuler la halakha. Ils avaient plutôt cherché à remplir ce qu’ils avaient cru être des vides dans lesquels la halakha laisserait une liberté des comportements », explique le docteur Zev Eleff, historien du judaïsme orthodoxe et auteur du livre en anglais Modern Orthodox Judaism: A Documentary History.
Selon un article écrit par Eleff, « The Modern Orthodox Women’s Agenda, the Eighties, and Bottom-Up Opposition », « les discussions et les traitements halakhiques de cette forme de culte semi-formelle [les groupes de prières féminins] ont laissé de côté toutes les prières qui exigent un quorum et qui sont substantielles ».
« Cela n’a pas été une chose facile pour les Juifs modernes orthodoxes de soutenir simultanément le Talmud pour les femmes tout en rejetant les tentatives de formation de groupes de prière. Des groupes de prière féminins variés ont revendiqué le soutien du rabbin Soloveitchik, du rabbin Moshe Feinstein et du rabbin Rabbi Shlomo Goren », écrit Eleff.
Parmi les forces féministes déterminantes au sein du mouvement orthodoxe moderne, la spécialiste Blu Greenberg qui, depuis le début des années 1970, avait tenté de lier les sujets « laïcs » relatifs aux femmes comme l’avortement, à la pensée orthodoxe dominante.
Et tout en soutenant ouvertement la frontière récemment ouverte de la formation et de la spécialisation des femmes aux côtés d’autres féministes appartenant au mouvement orthodoxe moderne, elle avait raillé la tendance des groupes féminins de prière, ne les considérant pas comme une solution à la marginalisation des femmes au sein de la communauté.
Dans son article, Eleff cite la penseuse féministe Greenberg, qui avait écrit dans son ouvrage en anglais « On Women and Judaism: A View from Tradition » paru en 1981 que les groupes de prière de femmes étaient « au mieux une solution intermédiaire ».
Dans le contexte du mouvement d’un mynian effectué en partenariat aujourd’hui – tel qu’il a été fondé dans les années 2000 en Israël et aux Etats-Unis pour favoriser l’inclusion des femmes dans les rituels publics – Eleff écrit : « Elle [Greenberg] prévoit à juste titre qu’un minyan séparé continuera à n’être satisfaisant que pour un petit nombre de femmes ».

Parmi les femmes du courant orthodoxe moderne aujourd’hui, il y a de nombreux membres de l’Alliance féministe juive orthodoxe (JOFA),un mouvement fondé par Greenberg en 1997 pour « étendre les opportunités spirituelles, rituelles, intellectuelles et politiques des femmes dans le cadre de la Halakha ».
Avec la JOFA, le mouvement féministe orthodoxe s’est organisé et a pu se concentrer sur le rôle public tenu par les femmes dans le Judaïsme.
‘Les femmes rabbins orthodoxes ne sont plus un rêve – elles sont un fait’
Et en 2017, cette stratégie aura porté ses fruits.
Cette année, 1 200 hommes et femmes de 24 états et de quatre continents ont assisté à la conférence de la JOFA. 40 femmes ont été ordonnées ou ont été enrôlées dans les rangs de la Yeshivat Maharat orthodoxe dirigée par le rabbin Sara Horowitz, qui a été ordonnée en 2009, et des douzaines d’autres femmes sont en train d’être formées dans des séminaires orthodoxes similaires pour femmes, avec pour objectif de devenir des spécialistes de la halakha et/ou des leaders communautaires.
« Les femmes rabbins orthodoxes ne sont plus un rêve – elles sont un fait », écrit Shira Eliassan, gestionnaire de programme à la JOFA.
Une ère du judaïsme halakhique post-confessionnelle
Quelles sont les communautés les plus adaptées à ces femmes rabbins prêtes à prendre leur envol ? Dans la Diaspora et en Israël, un cadre d’individus bien informés et engagés dans la lecture de la loi juive cherche des pratiques progressistes alternatives dans un contexte sociologique changeant.
Dans un grand nombre d’institutions ouvertes mais toutefois rigoureuses d’enseignement du judaïsme en Israël et à l’étranger, avec la prolifération mondiale d’un mode de prière prévoyant un minyan établi en partenariat et le phénomène plus récent d’ordination halakhique mixte, une nouvelle niche de la pratique juive « halakhique » prend son essor.

Parmi les chercheurs respectés et les rabbins impliqués au sein de ce mouvement informel et hétérogène, les rabbins Avi Weiss, Daniel Sperber, Daniel Landes et Herzl Hefter.
Pour de nombreuses personnes de cette niche post-confessionnelle, l’idée « d’autorité » préoccupe peu. Elles sont plutôt attirées par les raisonnements et les personnalités évocatrices des leaders.
Il faut noter dans l’orthodoxie dominante que, toutefois, aucun de ces penseurs n’a le poids nécessaire ni la capacité de faire dévier la pratique orthodoxe normative, comme l’avait fait Soloveitchik, et que leurs penchants égalitaristes sont parfois considérés comme un anathème.
Aujourd’hui, dans ce mélange de judaïsme post-confessionnel intellectuel, il y a également de jeunes novateurs halakhiques qui ont grandi en tant que future élite du mouvement conservateur déclinant, ou qui sont mécontents de la misogynie perçue dans l’orthodoxie. Ils conservent l’espoir que le débat fermé jusqu’à présent sur la question des femmes, s’ouvre lentement.
Le rabbin Ethan Tucker est l’un de ces jeunes spécialistes ayant grandi entre ces deux mondes. Fils d’un rabbin conservateur libéral, Gordon Tucker, et d’une mère plus pratiquante religieusement, Hadassah Lieberman, Tucker a réussi à dépasser le clivage des pratiques de ses parents en tant que président et rosh yeshiva à Mechon Hadar, une institution égalitariste de New York.
Après 15 ans de travail, Tucker a récemment publié « Gender Equality and Prayer in Jewish Law », un riche recueil qui passe en revue les arguments favorables et défavorables à l’inclusion des femmes dans les rituels.
Tucker, qui a été ordonné par le Grand Rabbinat d’Israël, a dit « avec ironie » que le message portant sur l’importance des questions relatives aux femmes lui avait été davantage transmis par son père que par sa mère.
Il indique qu’après avoir grandi dans un mélange de règles égalitaristes et plus traditionnelles au sein du mouvement orthodoxe, il avait commencé à penser que la disparité entre les rôles des hommes et des femmes dans le judaïsme halakhique était « incohérent », notamment au moment où il était entré à l’université.
Dans son nouveau livre, co-écrit avec le rabbin Michael Rosenberg, il passe en revue les sources bibliques classiques et rabbiniques qui interdisent aux femmes de tenir des rôles rituels et les conclusions traditionnelles qui en sont tirées.
« L’un des points de tension est la manière dont nous comprenons les termes dont nous avons hérité du passé », a récemment expliqué Tucker au Times of Israel. Il donne un exemple : « Les femmes sont-elles exclues ou exemptées ? C’est un choix interprétatif que le texte ne résout pas pour nous ».
Dans le livre, il s’intéresse à l’idée des « femmes » et se demande s’il s’agit là d’un terme biologique ou d’une manière de signifier une classe sociale.
“Ce qui est litigieux en ce moment, ce qui est sans précédent dans le champ de l’expérience, c’est de séparer la biologie de la sociologie”, explique Tucker. Il indique que son idée d’une catégorie sociale de la « femme » soulève la question de la tradition et de la stabilité au sein de l’orthodoxie dominante.

D’un point de vue orthodoxe normatif, les hommes sont dans l’obligation d’effectuer bien plus de mitzvot
(commandements) que les femmes.
Entre autres, cela se confirme dans les trois prières quotidiennes. Pour plusieurs raisons, dont le manque d’obligations et les devoirs inhérents à l’éducation des enfants, dans la majorité des quorums des prières orthodoxes quotidiennes et dans tout le monde juif, les femmes sont peu nombreuses ou complètement absentes.
Les changements dans le fonctionnement des communautés dominantes n’auront pas lieu à travers une campagne prônant un changement politique, a estimé Tucker, mais seulement lorsque « suffisamment d’individus seront convaincus que c’est ce que voudrait la Halakha si elle était écrite aujourd’hui ».
A une époque où les femmes sont capables d’agir à égalité avec les hommes dans presque toute la sphère publique, la Halakha aurait probablement imposé les femmes dans la prière.
C’est une démarche qualifiée de « courageuse » par Tucker. Pour un grand nombre de ceux qui se trouvent à la frontière de cette niche éphémère post-confessionnelle, il y a cette préoccupation. « Nous sommes encore dans l’orthodoxie, mais si nous passons à l’étape suivante, ce ne sera plus le cas », explique Tucker.
Par exemple, « pour de nombreuses personnes, le minyan mixte est inacceptable ».
« Une grande part du débat tend à tourner à tort autour des notions de l’autorité et du changement », dit-il.
L’une des solutions est de revenir à l’idée de communauté. Si, par exemple, une communauté a les mêmes attentes des hommes et des femmes – « tout le monde est pleinement obligé » – alors une telle communauté peut compter les femmes dans le minyan sans renoncer à son « kavod hatzibur » (honneur public) (un concept halakhique qui a historiquement écarté les femmes de la participation aux rituels publics).
‘Il pourrait y avoir une place pour une pratique rituelle qui soit pleinement égalitaire en terme de sexualité – mais qui ne soit pas aveugle face aux genres’
« C’est une catégorie [l’honneur public] qui est intérieurement lié à des considérations sociologiques en ce qui concerne la Halakha », a dit Tucker.
Et également, a-t-il ajouté, « il pourrait y avoir une place pour une pratique rituelle qui soit pleinement égalitaire en terme de sexualité – mais qui ne soit pas aveugle face aux genres ».
Il y a ceux qui « veulent la mehitza [barrière physique entre les hommes et les femmes], pour qui les hommes et les femmes sont différents mais qui ne veulent pas pour autant appliquer l’inégalité », a-t-il poursuivi.
Il a qualifié, en plaisantant à moitié, cette posture comme représentant un « modèle à la fois égal et séparé ».
Interrogé toutefois sur un prochain comptage des femmes car elles sont de plus en plus nombreuses à la tête de communautés orthodoxes, il a expliqué que « c’est très difficile à prévoir « .
« Si vous m’aviez demandé il y a 20 ans s’il y aurait une femme assumant une fonction religieuse, j’aurais répondu que c’était beaucoup trop tôt. Cette partie de moi dit dorénavant – Peut-être ? Mais il y a beaucoup de choses encore à changer dans les esprits », a conclu Tucker.
Parmi les plus progressistes, la résistance à ‘compter’ les femmes
Malgré le tourbillon de réponses qui a suivi le communiqué de l’Union Orthodoxe sur le rôle des femmes et leur nomination à des fonctions religieuses, quelques rabbins – parmi ceux qui ont ordonné des femmes ou qui ont travaillé avec des rabbins de sexe féminin – ont accepté de parler ouvertement du comptage des femmes dans les quorums de prière.
« Intellectuellement et idéologiquement, je reconnais la dissonance que représente le fait de pouvoir diriger une prière et de ne pas être comptée », écrit un rabbin qui a requis l’anonymat. Il dit que sa communauté gère la question, en partie, à travers une terminologie plus nuancée.

« Nous soulignons l’expérience de la prière et de la communauté (tzibbur) bien plus que la composante du quorum (minyan), plus étroite. Nous appelons spécifiquement les services de prière tefillot [le mot hébreu pour prière], et pasminyanim, et nous considérons que cela reflète davantage l’activité spirituelle et communautaire qui se déroule ici », dit-il.
« Il y a des moments de désagrément que je ressens moi-même lorsque nous n’avons pas 10 hommes présents lors d’une occasion, alors qu’une tefilah un jour de semaine doit débuter, et qu’une femme assumant des fonctions religieuses (ou n’importe quelle femme, mais c’est plus conséquent avec les femmes qui assument un rôle chez nous) est présente. Mais nous acceptons tous cette dissonance comme faisant partie de la réalité de notre communauté orthodoxe/halakhique, et nous tâchons donc d’aller de l’avant avec ça », indique le rabbin. Ceci dit, ce rabbin ordonné par la Yeshivat Chovevei Torah estime qu’hommes et femmes ont la même obligation dans la prière.

Un autre rabbin, Herzl Hefter, chef de la Beit Midrash Har’El, a ordonné l’année dernière, quatre rabbins à Jérusalem – dont deux femmes.
Il indique que s’il respecte les auteurs du communiqué de l’UO qui « sont soucieux du peuple juif et animés par le désir de rapprocher ce peuple de Dieu à travers la Torah », cette démarche est « hilul Hashem » (une désacralisation du nom de Dieu). Leurs pensées, dit-il, est circulaire : « Cela s’est toujours passé comme cela donc cela devra toujours rester comme cela ».
Sur la question du comptage des femmes dans le minyan, toutefois, il se montre moins équivoque et indique « travailler actuellement sur le problème posé par le minyan ».
‘Je me soumets humblement aux normes communes et halakhiques. Et si cela avait concerné l’ordination, je me serais soumise aussi’
« Je pense que ce genre de question, la question des femmes dans le rabbinat et le changement du statut des femmes au sein de la communauté, dans la mesure où cela impacte également les rituels, est une question dont la communauté doit se saisir », dit Hefter.
L’une des femmes ordonnée l’année dernière par Hefter, le rabbin Meesh Hammer-Kossoy, estime que « c’est notre travail de continuer à créer des faits sur le terrain et de montrer aux sceptiques la profondeur de la contribution que peuvent apporter les femmes leaders dans le judaïsme de la Torah. Je suis là pour longtemps, nous avançons dans la bonne direction et j’ai totalement confiance en Hashem et dans ce processus ».
Mais elle n’est pas favorable au comptage des femmes dans le quorum de la prière parce qu’elle se considère « directement dans la tradition orthodoxe et dans la Halakha et ce n’est pas la même chose », dit Hammer-Kossoy.
« Je ne considère pas comme inter-dépendants le problème du mynian et mon rôle au sein de la synagogue. C’est facile de parler des femmes qui dirigent la prière d’un point de vue halakhique… Je ne réduis pas la halakha à mes désirs. Je me soumets humblement aux normes communes et halakhiques. Et si cela avait dû concerner l’ordination, je m’y serais soumise aussi », dit Hammer-Kossoy.
Le ‘prochain chantier’ dont les rabbins devront se saisir ?
Hefter explique qu’il pense que le comptage des femmes sera ‘probablement le prochain chantier’ auquel devront s’atteler les rabbins progressistes.
« Ce à quoi les gens sont sensibilisés est à mettre en relation avec les processus historiques. Ce qui m’ennuie, c’est que j’ai pris conscience de choses dont je n’étais pas conscient avant », dit Hefter. « Aujourd’hui, la question des femmes rabbins m’interpelle encore davantage », mais il ajoute qu’il est bien plus sensible aux inquiétudes liées au comptage des personnes présentes lors du quorum de la prière, qu’il y a cinq ans.
Mais le fait que la question ne figure pas à l’ordre du jour de la majorité des rabbins libéraux orthodoxes – hommes et femmes – suscite la colère de certaines féministes juives.
« Cela n’a plus de sens de ne pas compter les femmes lors du minyan [quorum de la prière]. Les femmes peuvent être neurochirurgiennes, Premier ministre, mais elles ne sont pas comptées dans le groupe ? Il n’y a plus rien qui vienne expliquer ça », s’exclame le professeur Tova Hartman, l’une des grandes personnalités du féminisme orthodoxe israélien.
« Il y a une différence entre savoir qu’il y a quelque chose qui ne va pas, et savoir s’il y a un mécanisme dans la Halakha qui puisse permettre de le changer », dit-elle.
Hartman, fondatrice du mouvement du minyan en partenariat, est la fille du docteur David Hartman, ordonné à la Yeshiva University, qui était un grand penseur de la promotion du pluralisme et de la tolérance.
« Est-ce que les gens ont le sentiment que c’est un problème et vont-ils s’engager à participer au processus qui permettra le changement ? » s’interroge Hartman, qui s’intéresse au rôle du genre dans la religion et dans la psychologie.
« Les gens disent : Maintenant, il y a des femmes qui sont poskot halacha [interprètes de la loi juive], on ne les compte pas mais elles peuvent vous enseigner la Halakha. Est-ce que cela crée une injustice dans leurs esprits et dans leur cœur, qu’est-ce que cela signifie ? »
‘Est-ce que les gens ont le sentiment que c’est un problème et vont-ils s’engager à participer au processus qui permettra le changement ?’
Aux côtés d’autres personnes, Hartman a fondé la congrégation Shira Hadasha de Jérusalem. Là-bas, les services de prière ne commencent qu’au moment où 10 femmes et 10 hommes sont présents.
« Je pense que l’orthodoxie a des solutions. Dans notre synagogue, nous en avons trouvé une : une communauté avec seulement vingt personnes. Est-ce que c’est satisfaisant à 100 % ? Manifestement non », dit-elle.
« Les gens disent que face à une injustice, on travaille sur tous les fronts », ajoute Hartman.
« Je veux savoir si cela vous gêne, si vous vous sentez mal à l’aise quand, au moment d’une sheva brachot, vous devez vous résoudre à faire venir deux jeunes adolescents de 13 ans qui jouent au footlball alors que les femmes qui sont là sont une poseket halacha et une neurochirurgienne ? »
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