Israël en guerre - Jour 373

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Les fermes situées à la frontière avec Gaza reçoivent le renfort des citadins israéliens

Alors que de nombreux résidents des communautés du sud ont été évacués ou rappelés par l'armée, ce sont des milliers de bénévoles qui affluent pour aider les agriculteurs

Des vaches laitières dans le kibboutz Galgal. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Des vaches laitières dans le kibboutz Galgal. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

TEL AVIV (JTA) — Le sauvetage spectaculaire de la famille d’Amir Tibon, qui résidait dans le kibboutz Nahal Oz, par le père de ce dernier, le général à la retraite Noam Tibon, 62 ans, lors de l’assaut meurtrier perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, est l’un des récits qui a été le plus partagé et raconté par les Israéliens.

L’histoire d’un autre membre de la famille Tibon, Dudik Laniyado, est moins connue – mais elle est également héroïque. L’homme avait immédiatement revêtu son uniforme de l’armée et il s’était rendu en hâte, défiant la ligne de feu, pour s’occuper des vaches qui avaient été abandonnées en cette journée funeste.

Laniyado, qui est le beau-frère de Noam Tibon, est éleveur de vaches laitières au kibboutz Kalya, près de la mer Morte. Alors qu’il suivait l’évolution du massacre par le biais des informations confuses qui lui parvenaient, le départ d’Amir Tibon du kibboutz lui avait fait comprendre que les vaches de Nahal Oz et des autres fermes situées à proximité de la frontière avec la bande de Gaza étaient dorénavant en péril.

« Des vaches laitières peuvent vivre sans traite pendant un ou deux jours », explique Laniyado, mais elles peuvent développer une infection et la lactation peut s’arrêter, un processus parfois irréversible. Attendre plus longtemps, ajoute-t-il, est susceptible d’entraîner la mort de l’animal.

Lorsqu’il était arrivé dans cette zone militaire fermée, le 9 octobre, il avait découvert que les terroristes du Hamas avaient détruit le bâtiment utilisé pour la traite et les équipements qui servaient à nourrir le bétail. Sous le feu des échanges de tirs qui se faisaient entendre à étroite proximité, il avait ouvert toutes les portes de l’exploitation et il avait laissé les veaux sortir de leurs cages, les laissant se déplacer pour la première fois depuis plusieurs jours et manger la nourriture récupérée auprès d’un centre agricole local.

« Nous sommes arrivés dans une zone de guerre », raconte-t-il. « Il y avait des dégâts énormes dans toutes les exploitations de la zone frontalière ».

Dairy cows in Kibbutz Galgal (photo credit: Miriam Alster/Flash90)
Des vaches laitières dans le kibboutz Galgal. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Laniyado a été l’un des premiers à s’adonner à une activité qui est devenue une nouvelle passion pour les Israéliens – une activité, disent-ils, qui est presque aussi vitale pour l’avenir du sud du pays que la guerre que mène actuellement l’armée israélienne à Gaza : s’occuper des exploitations, des élevages, des champs et des animaux qui ont été abandonnés suite au massacre du 7 octobre et aux événements survenus dans le sillage de ce dernier.

La guerre a éclaté lorsque le Hamas a lancé une attaque-surprise et meurtrière dans les communautés du sud d’Israël, près de la frontière avec Gaza. Cet assaut a fait environ 1 200 morts du côté israélien – des civils en majorité, qui ont été massacrés et qui ont subi des atrocités brutales. Les terroristes ont aussi pris en otage au moins 240 hommes, femmes et enfants qui sont actuellement retenus en captivité dans la bande de Gaza.

Depuis le début du conflit, des milliers d’Israéliens se sont portés volontaires au travail agricole, rejoignant des groupes régionaux, sur WhatsApp, qui envoient des bénévoles ou des agriculteurs chevronnés là où le besoin se fait le plus ressentir. Les places sont prises en quelques minutes par des citadins qui choisissent de troquer leur environnement urbain pour aller récolter les cultures laissées en plan par les ouvriers qui ont perdu la vie lors de l’assaut, qui ont quitté Israël ou qui se trouvent dans l’incapacité d’entrer sur le territoire.

Des marchés agricoles improvisés font leur apparition au cœur des villes du pays, avec des clients, venus nombreux, qui souhaitent que leur argent puisse aider les agriculteurs dont le travail a été interrompu.

Et l’aide afflue même depuis l’étranger : L’organisation Birthright Israel a appelé ses 850 000 anciens, dans le monde entier, à venir en Israël pour occuper des postes bénévoles qui comprennent notamment la cueillette des fruits et le ramassage des légumes.

Comme les centaines de milliers d’Israéliens qui ont rejoint la réserve militaire, les volontaires se présentent pour pallier la pénurie de main-d’œuvre entraînée par le carnage – avec l’espoir que la région connaîtra un avenir meilleur quand le calme de la nature ne sera plus troublé par le bruit des armes et que le quotidien pourra reprendre ses droits.

Sara Goldsmith, qui vit dans un kibboutz du nord d’Israël, bénévole dans une ferme du sud du pays. (Autorisation : Sara Goldsmith via JTA)

« Ce qui s’est passé le 7 octobre, ça a été une sorte de Shoah locale. Son impact pourrait aussi être un holocauste économique, ici », s’exclame Dudi Alon, chef adjoint du Conseil régional d’Eshkol, à la frontière avec l’enclave côtière. Il fait partie des quelques agriculteurs et personnels sécuritaires à être resté chez lui, au moshav Yated, à l’est du poste-frontière de Kerem Shalom qui sépare l’État juif de la bande de Gaza.

« Il y a des gens qui pensent que nous devons tous être, à notre manière, des soldats dorénavant et venir apporter un coup de main ici, c’est comme prêter main forte au combat », ajoute-t-il. « D’un autre côté, d’autres estiment que c’est un problème moral de risquer la vie des bénévoles et des agriculteurs qui travaillent dans les champs sous tous ces tirs ».

Après avoir arpenté sa région, Alon a la certitude que le Hamas a voulu détruire le secteur de l’agriculture, au sud d’Israël, en plus de sa population. Les exploitations implantées à la frontière de l’enclave côtière, note-t-il, produisent 70 % des tomates israéliennes et 30 % de ses pommes de terre, en plus d’autres légumes et produits laitiers, et elles s’appuient sur un grand nombre d’ouvriers qui viennent de l’étranger.

Avant le 7 octobre, dit-il, le Conseil régional d’Eshkol comptait 4 000 ouvriers agricoles d’origine thaïlandaise, expérimentés dans ce genre de travail. Des dizaines d’entre eux ont été tués le 7 octobre et des dizaines de plus sont actuellement retenus en otage à Gaza. Nombreux sont les ouvriers thaïlandais qui ont pris la fuite pour retourner dans leur pays, ajoute-t-il, et ils ne sont dorénavant que moins d’un millier à être restés sur le territoire, « ce qui sonne le glas de l’agriculture, ici », ajoute Alon (des ouvriers palestiniens de Gaza étaient, eux aussi, intégrés dans cette main-d’œuvre). Le cycle de plantation des récoltes, dans les exploitations, peut durer jusqu’à huit mois, ce qui compliquera beaucoup les choses pour les agriculteurs désireux de relancer la production qu’ils ont été dans l’obligation d’abandonner.

« Le Hamas a intentionnellement kidnappé et assassiné les ouvriers étrangers pour faire peur aux autres qui pourraient être tentés de venir, pour ruiner l’économie – et il a réussi », déclare Amon. « Un grand nombre de bénévoles incroyables nous rejoignent pour nous aider et pour nous soutenir mais, en fin de compte, il s’agit d’un travail qui est physiquement dur et qui nécessite des compétences spéciales, c’est un travail qui ne peut pas dépendre que des bénévoles ».

Des ouvriers agricoles thaïlandais travaillent dans un champ situé à proximité du kibboutz Beerim, dans le sud d’Israël, le 16 juillet 2014. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Un grand nombre des habitants du secteur ont été évacués par le gouvernement et relogés dans des régions plus sûres dans le pays – mais quelques-uns ont choisi de rester. Evie Atiya, qui vit au moshav Pri Gan et qui a décidé de ne pas partir, raconte que « dix terroristes sont entrés à vélo et ils ont commencé à ouvrir le feu sur les maisons » le 7 octobre, tuant quatre résidents et piégeant la population du village tout entier – une population qui est restée dans les pièces blindées des habitations pendant 48 heures avant d’être évacuée par l’armée.

Peu après avoir quitté son abri – « j’étais terrifié », dit Ataya – ce dernier a appris que l’ambassade de Thaïlande avait déjà procédé à l’évacuation de plus de la moitié de tous les ouvriers du secteur et qu’il n’en restait plus que sept – ils étaient 24 avant l’assaut – dans son exploitation.

« Tout s’est effondré », explique-t-il. Et alors que le gouvernement offre depuis longtemps une assistance financière aux agriculteurs de la zone, la réponse « insuffisante », dit-il, qui a été apportée par le ministère des Finances et le ministère de l’Agriculture – correspondant aux longues heures passées par les résidents dans les abris avant l’arrivée des soldats – illustre parfaitement la déception ressentie par de nombreux Israéliens face aux dirigeants du pays à la suite du 7 octobre.

« Il semble qu’ils n’aient pas été prêts », explique-t-il, ajoutant qu’il a l’impression « qu’ils tentent de nous venir en aide mais qu’ils sont complètement perdus. »

Eitan Aharon, secrétaire du moshav Mivtahim, au sein du Conseil régional d’Eshkol, a récemment confié à Zman Israel, le site hébréophone du Times of Israel, avoir « peur que nos agriculteurs se suicident » avant l’arrivée des aides.

Mercredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a défendu le bilan de son gouvernement concernant l’assistance financière apportée aux communautés qui ont été impactées. Lors d’une réunion du cabinet, il a fait savoir que son gouvernement avait inscrit au budget presque 3,4 milliards de fonds supplémentaires qui serviront à aider les évacués et les autorités locales du nord et du sud du pays au cours du mois de novembre et au cours du mois de décembre.

« Je veux souligner la somme que nous allons allouer au bénéfice des citoyens israéliens », a-t-il déclaré. « Nous avons d’ores et déjà dépensé des milliards de shekels pour aider les évacués, pour aider les familles des personnes kidnappées ou portées-disparues, pour aider les autorités dans le nord et dans le sud, pour soutenir les réservistes et les entreprises. Et nous allons encore donner bien plus ».

Certaines des initiatives prises par le gouvernement font déjà ressentir leurs effets : jeudi, le ministère de l’Agriculture a converti le complexe Cinema City, à Jérusalem, en marché pour les agriculteurs du sud et du nord du pays.

Maaya Arfi travaille au sein de HaShomer HaChadash, une organisation israélienne qui aide les Israéliens à créer un lien avec la terre qui est la leur par le biais de l’agriculture. Le groupe avait été l’un des premiers à tirer le signal d’alarme face à la pénurie de main-d’œuvre agricole au lendemain du 7 octobre et il continue à livrer des efforts visant à soutenir les exploitants israéliens.

« Dans les deux prochaines semaines, on pourra d’ores et déjà être à 4 000 bénévoles par jour », explique Arfi, s’exprimant sur l’initiative de recrutement lancée par son organisation qui met en contact des citoyens et des agriculteurs par le biais d’une ligne d’urgence et d’une application téléphonique.

Ido Gilad, 17 ans, récolte des grenades dans le cadre de son travail de bénévole au sein d’une exploitation agricole d’Ashkelon, en Israël, le 27 octobre 2023. (Crédit : Maya Alleruzzo/AP)

Si le nombre précis de bénévoles reste indéterminé, un nouveau sondage réalisé auprès des Israéliens par l’université Tel Aviv et par l’université Ben-Gurion du Neguev a indiqué que plus de 40 % des personnes interrogées avaient fait une activité de volontariat, sous une forme ou sous une autre, pendant la troisième semaine de la guerre.

Certains volontaires viennent d’autres communautés de fermiers. Sara Goldsmith, 57 ans, guide touristique, qui vit au kibboutz Sde Eliyahu, a expliqué que travailler pour les agriculteurs en détresse, dans le sud, lui a permis d’oublier qu’elle-même a dû interrompre ses activités.

« Les mois d’octobre, de novembre et décembre, c’est le pic de la saison touristique en Israël et du jour au lendemain, j’ai perdu tous les groupes que je devais accompagner », dit-elle. « C’est une période vraiment difficile pour tous les guides touristiques sur tout le territoire et nombreux sont ceux qui font très exactement ce que je fais : apporter un coup de main là où on en a besoin. Nous ignorons quand notre revenu reviendra mais en attendant, nous avons des mains et la volonté de faire bénévolement quelque chose ».

Lundi, elle est allée en compagnie d’environ 20 membres du kibboutz Sde Eliyahu — âgés de 15 à 80 ans, note-t-elle – au kibboutz Saad, que Sde Eliyahu a « adopté » depuis le début de la guerre. Saad qui, comme Sde Eliyahu, est un kibboutz religieux, a eu de la chance, le 7 octobre : Son portail était fermé pour cause de Shabbat et la communauté a été, en conséquence, largement épargnée lors de l’attaque du Hamas. Elle a toutefois subi son propre traumatisme – devenant une morgue improvisée, un refuge et un dispensaire pour les victimes du massacre, en particulier pour les survivants qui étaient parvenus à s’échapper d’une rave-party , le festival de musique électronique Supernova qui avait été organisé dans la communauté voisine de Reim.

Au kibboutz, Goldsmith a été assignée à la récolte des concombres dont les graines seront prélevées à des fins de culture – ils ne sont pas destinés à la consommation. Ses enfants, eux aussi, ont voulu participer à l’effort de guerre : sa fille sert dans la réserve militaire et son fils est revenu de l’étranger, où il vit, pour travailler à plein temps dans une ferme située à la frontière de Gaza.

« Nous sommes dans une situation où nous sommes réduits à l’impuissance », explique-t-elle. « Alors quand on fait quelque chose, on se sent un peu moins impuissant ».

Yael, une autre bénévole – qui n’a pas voulu décliner son patronyme pour des raisons de confidentialité – est venue de Tel Aviv au moshav Yesha, près de Gaza, samedi dernier, avec quelques amis et ses collègues de travail, employés comme elle dans un hôpital de Tel Aviv. Elle récolte des tomates et elle raconte que pour venir, il a fallu passer des checkpoints militaires sur une route jonchée de carcasses de voitures brûlées. Travailler dans les champs, dit-elle, est particulièrement déconcertant en l’absence « d’équipements de sécurité et d’abris dans les fermes » pour les protéger des barrages de roquettes tirées par le Hamas, des tirs qui prennent largement le sud pour cible.

Des roquettes tirées depuis Gaza vers Israël, le 15 octobre 2023. (Crédit :Abed Rahim Khatib/Flash90)

Une crainte par ailleurs justifiée, ajoute-t-elle. Alors qu’elle travaillait, Yael raconte avoir entendu « des ‘boum’ vraiment énormes à proximité » entraînés par les frappes aériennes israéliennes sur la bande de Gaza. Et à un moment, se souvient-elle, elle a regardé autour d’elle et « j’ai vu les gens qui s’étaient mis au sol et qui restaient là, figés, attendant que ça se termine ».

Quelques heures plus tard, quand elle a quitté le champ, le propriétaire de l’exploitation lui a montré le cratère causé par une roquette du Hamas qui avait frappé une partie de la serre, endommageant seulement les plants de tomate.

Des dangers qui ont amené certains à fuir le sud. Mais Atiya affirme que quoi qu’il arrive, il est déterminé à rester.

« Il faut qu’il y ait quelqu’un ici qui s’occupe de faire produire ce sol et c’est ce que je fais. Je n’ai pas eu d’autre choix que de revenir », explique-t-il. « Ce sont mes terres, c’est mon habitation, c’est tout ce que je connais, c’est ma vie ».

Laniyado reconnaît que le gouvernement se débat dans les difficultés, mais il ajoute que les conversations avec les jeunes soldats qui se trouvent dans le secteur le rendent optimiste. Selon certains récits, les militaires se sont occupés des serres qui avaient été abandonnées, le 7 octobre.

« J’ai discuté avec eux, on a aussi échangé des plaisanteries », dit Laniyado. « C’est une certitude pour moi que nous allons gagner la guerre, que nous reconstruirons nos villages, que l’agriculture redeviendra ce qu’elle était et que nous tirerons de tout ça une leçon – celle que nous savons nous unir autour du simple fait que nous sommes tous Juifs, que nous n’avons pas d’autre choix que celui-là. Nous sommes dépendants les uns des autres. »

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