Les médicaments des otages sont vitaux, mais sans supervision, ils peuvent être nocifs
Des médecins israéliens avertissent que la reprise de médicaments pourrait causer des problèmes si elle se fait sans supervision de professionnels de la santé
Tout en exprimant leur soulagement, mercredi, à la suite de la livraison aux otages de Gaza de médicaments attendus depuis longtemps, certains médecins israéliens ont souligné les dangers potentiels encourus par les otages qui prennent ces médicaments – même ceux qu’ils prennent régulièrement pour soigner des maladies chroniques – sans soins ni surveillance médicale appropriés. Ils ont également souligné que certains des otages étaient en danger de mort depuis leur enlèvement le 7 octobre.
« Reprendre des médicaments après une si longue période pendant laquelle ils ont souffert de malnutrition, de manque de sommeil et de soleil pourrait nécessiter des ajustements de dosage que seul un professionnel de santé qualifié serait en mesure de fournir à un patient », a déclaré le professeur Alon Hershko, président de l’un des départements de médecine de l’hôpital Hadassah.
Le Dr Itay Pessah, directeur de l’hôpital pédiatrique Edmond et Lily Safra au centre hospitalier Sheba, a expliqué que la situation était à double tranchant. « Ces médicaments sauvent des vies, mais d’un autre côté, l’état de santé des otages a empiré et ils ont besoin d’un suivi par des professionnels de la santé », a expliqué le Dr Pessah, qui a soigné quelques-uns des otages libérés dans le cadre d’un accord négocié par le Qatar et l’Égypte à la fin du mois de novembre.
Hershko a précisé que faire parvenir aux otages leurs médicaments était crucial, quoi qu’il arrive. « Ces personnes présentent des maladies telles que le diabète, l’insuffisance rénale et cardiaque congestive, pour n’en citer que quelques-unes, et ne peuvent survivre que grâce à leurs médicaments », a insisté Hershko. « Certains d’entre eux ne peuvent pas vivre plus d’une journée sans leur médicament. D’autres peuvent survivre plus longtemps mais souffrent de complications graves », a-t-il ajouté.
Pessah a cité en exemple les otages souffrant de problèmes de thyroïde qui doivent prendre une hormone appelée thyroxine. « Ces personnes doivent être surveillées et le niveau de l’hormone dans leur corps doit être vérifié régulièrement », a déclaré Pessah.
Le Qatar a officiellement annoncé mardi qu’il avait réussi à négocier un accord entre Israël et le Hamas pour que soient livrés aux otages de Gaza des médicaments. La France a également joué un rôle dans cet accord qui prévoit la fourniture de trois mois de médicaments pour des maladies chroniques à 45 des otages, ainsi que d’autres médicaments et vitamines.
La cargaison de médicaments, qui comprenait également des médicaments pour les Gazaouis, est arrivée mercredi en Égypte. Le transfert vers la bande de Gaza ayant été retardé par des désaccords concernant les autorisations de sécurité.
Moussa Abu Marzouk, haut responsable du Hamas, a déclaré que pour chaque boîte de médicaments fournie aux otages, 1 000 boîtes devraient être envoyées aux Palestiniens. L’accord prévoit également l’acheminement de l’aide humanitaire aux habitants de l’enclave côtière dirigée par le Hamas.
Il a également déclaré que les médicaments seraient livrés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux hôpitaux desservant l’ensemble de la bande de Gaza, y compris ceux destinés aux otages,.
Il n’a pas été précisé si les otages seraient amenés dans les hôpitaux pour y recevoir leurs médicaments, ou si le personnel médical de Gaza ou du CICR se chargerait de leur apporter les médicaments dans les lieux où ils sont détenus.
Plus de 130 otages (pas tous en vie) sont toujours détenus à Gaza. Beaucoup souffrent de maladies chroniques et certains ont été blessés lors de leur enlèvement ou en captivité et on ignore s’ils ont bénéficié de soins médicaux appropriés.
Depuis le 7 octobre, Israël réclame des soins et des médicaments pour les otages et reproche vivement à la Croix-Rouge de ne pas avoir rendu visite aux otages et de ne pas leur avoir prodigué les soins prescrits par le droit international humanitaire.
Une semaine après les enlèvements violents, l’équipe médicale et de résilience du Forum des otages et des familles disparues a remis à la Croix-Rouge un document détaillé énumérant les problèmes de santé aigus et chroniques de tous les otages, qui étaient au nombre de 240 à l’époque, ainsi que les noms des médicaments qu’ils prenaient régulièrement.
Le CICR a refusé les paquets de médicaments préparés par l’équipe, le gouvernement israélien et des familles individuelles et destinés à être livrés aux otages.
Pessah a rapporté que certains des otages libérés ont raconté que leurs ravisseurs leur avaient dans un premier temps demandé quels médicaments ils prenaient et qu’ils leur en avaient fourni. Mais les stocks se sont rapidement épuisés en raison de la détérioration de la situation sanitaire dans la bande de Gaza.
Cette information a été corroborée par Nili Margalit, infirmière à l’hôpital Soroka et ex-otage, lors d’interviews, et notamment d’un entretien télévisé avec la Douzième chaîne israélienne.
Nili Margalit a elle-même été prise en otage et a soigné du mieux qu’elle a pu des otages âgés atteints de maladies chroniques qui se trouvaient avec elle. Elle a été libérée le 30 novembre.
Le professeur Hagaï Levine, chef de l’équipe médicale et de résilience du Forum des familles d’otages et de disparus, s’est dit prudemment optimiste.
« La livraison des médicaments n’a pas encore eu lieu, mais lorsqu’elle aura lieu, elle servira de lueur d’espoir dans l’obscurité », a-t-il déclaré.
Selon Levine, le point de départ pour les otages doit être leur état actuel, qui inclut les complications qu’ils auront développées en captivité.
« Chaque otage a de nombreux besoins médicaux. Ils doivent être examinés par des professionnels de la santé du CICR. Leurs antécédents médicaux doivent être pris en compte, des examens physiques doivent être effectués et divers tests doivent être réalisés. Ce n’est qu’après cela que nous pourrons déterminer quel seront les soins médicaux les plus appropriés », a expliqué Levine.
« Et ce n’est qu’une étape [initiale] avant que ces personnes ne retournent chez elles et reçoivent des soins médicaux et une réhabilitation adéquats ici », a-t-il ajouté.
Pessah a ajouté qu’il espérait que, de l’autre côté, se trouverait un professionnel de la santé qui « ferait semblant d’être humain et soignerait ces personnes. »
« Nous devons continuer à faire pression pour que les otages reçoivent des soins médicaux et des médicaments, mais avant tout, il est impératif qu’ils rentrent chez eux maintenant », a-t-il déclaré.