Les scénarios, tous aussi improbables, qui pourraient éviter des 3e élections
Les députés sont confrontés à 6 options potentielles qui pourraient arrêter le compte à rebours vers un autre vote national et, finalement, former le 35e gouvernement d'Israël
Lorsque minuit sonnera mercredi, Israël se retrouvera de nouveau en territoire politique inexploré, sur la voie d’un troisième tour d’élections sans précédent en moins d’un an – à moins que l’une des six options improbables ne se réalise.
Le chef de Kakhol lavan, Benny Gantz, a encore deux jours et demi avant la date limite de mercredi soir, où il doit présenter un gouvernement à la Knesset ou admettre qu’il n’a pas réussi à former une coalition dans les 28 jours prévus.
Alors c’est la saison de la chasse : l’échec de la formation d’un gouvernement déclencherait une étape sans précédent dans le processus déjà long de formation d’une coalition au cours de laquelle tout membre de la Knesset pourrait essayer, en 21 jours, de recueillir les signatures d’au moins 61 des 120 députés qui, chacun recommandant qu’il ou elle forme un gouvernement. Si un député réussit, il aura 14 jours pour former une coalition.
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Et enfin, si ce membre de la Knesset ne parvient pas à former une coalition, des élections seraient convoquées pour le premier mardi au moins 90 jours plus tard : le 3 mars 2020.
Chacun des neuf partis élus à la Knesset lors des élections de septembre a déclaré qu’il ferait tout son possible pour éviter à Israël de tenir ce qui serait sa troisième élection en un an.
Pourtant, les chances de Gantz de former une coalition semblent aussi sombres (sinon plus sombres) que celles du Premier ministre Benjamin Netanyahu, lorsqu’il a échoué à former une coalition après les élections d’avril et de septembre. Et de troisièmes élections semblent toujours être la conséquence la plus probable.
Voici différentes options, toutes aussi farfelues les unes que les autres, qui pourraient empêcher le pendule de s’orienter vers les troisièmes élections et de voir se dessiner le 35e gouvernement d’Israël.
1. Gouvernement d’unité
La solution la plus simple pour sortir de l’impasse semble être celle proposée par Kakhol lavan et le Likud – les deux partis capables de la faire aboutir. Gantz et Netanyahu ont tous deux déclaré qu’ils étaient favorables à la formation d’un gouvernement d’unité composé principalement de leurs partis Kakhol lavan et Likud.
Mais les deux parties blâmant l’autre, les pourparlers d’unité ont échoué sur l’insistance de Netanyahu et de ses partenaires religieux de droite à négocier comme un bloc commun, une condition rejetée par Kakhol lavan, et la décision de Gantz de ne pas siéger dans un gouvernement avec le chef du Likud alors qu’il fait face à des accusations de corruption.
Dans le même temps, ni l’un ni l’autre n’a encore accepté la proposition d’Avigdor Liberman, président d’Yisrael Beytenu, le potentiel faiseur de roi – pour Netanyahu de mettre de côté son bloc de négociation et pour Gantz d’accepter la proposition d’unité de Rivlin (qui permettrait à Netanyahu de servir comme Premier ministre en rotation mais de se retirer temporairement si accusé), disant qu’il permettrait à celui d’entre eux qui accepterait ses conditions de former un gouvernement.
Kakhol lavan et le Likud détiennent collectivement 65 sièges à la Knesset, ce qui est suffisant pour former une coalition majoritaire à la Knesset de 120 sièges sans aucun autre parti.
Pour que Gantz accepte la proposition de Liberman, cependant, il lui faudrait probablement revenir considérablement sur une promesse électorale : ne pas servir sous la direction d’un Premier ministre menacé de mise en accusation. Il devrait également persuader un certain nombre de personnalités clés de son parti – notamment Yair Lapid, le n°2 du parti, et Moshe Yaalon, ancien ministre de la Défense de Netanyahu – qui ont juré séparément et avec véhémence de ne pas siéger avec Netanyahu.
Si Netanyahu abandonnait publiquement son bloc, acceptant d’entamer des négociations pour rejoindre un gouvernement d’unité sans ses partenaires religieux et ultra-orthodoxes, il risquerait d’être poignardé dans le dos par Kakhol lavan, qui pourrait alors négocier directement avec ces partis fraîchement bafoués par Netanyahu, et former un gouvernement sans le Likud tout court.
Et si une percée d’un gouvernement d’unité composé uniquement du Likud et de Kakhol lavan semble peu probable dans les deux prochains jours, elle pourrait être encore plus improbable pendant les 21 jours où Kakhol lavan et le Likud devraient chacun obtenir au moins 28 et 29 de leurs 33 et 32 députés respectifs pour soutenir le leader de l’autre parti comme Premier ministre.
2. Gouvernement minoritaire soutenu par la Liste arabe unie
Netanyahu a intensifié sa rhétorique contre la possibilité que Gantz forme un gouvernement minoritaire soutenu par les factions arabes d’Israël. La tactique vise apparemment à laisser Gantz sans autre choix que d’accepter un gouvernement d’unité avec le leader du Likud comme Premier ministre, ou d’admettre son échec à former une coalition et à risquer de nouvelles élections.
Samedi soir, Netanyahu a tenu une conférence téléphonique avec les ministres du Likud et les députés dans laquelle il a mis en garde contre « une situation d’urgence », affirmant que le parti Kakhol lavan de Gantz a décidé d’essayer d’établir un gouvernement minoritaire « historiquement dangereux » basé sur le soutien des partis de majorité arabe.
Bien qu’ayant fait des affirmations similaires à de nombreuses reprises dans le passé, les commentaires de Netanyahu n’étaient pas clairs, et il n’y a eu aucune déclaration à cet effet par les dirigeants de Kakhol lavan, qui ont insisté pour dire qu’ils continuaient à chercher une coalition d’unité. Dans le même temps, cependant, le parti ne nie pas qu’il chercherait un « gouvernement de transition » si les pourparlers pour l’unité échouaient ; et Gantz a réitéré son engagement à former un « gouvernement d’unité libéral large », mais il reste « ouvert aux alternatives ».
Le candidat à qui le président accorde le droit de former un gouvernement n’a pas besoin d’une majorité de 61 voix pour le faire. Tout ce qu’il faut vraiment, c’est une situation où plus de mains votent en faveur du gouvernement que contre lui.
Kakhol lavan dispose donc d’un certain nombre d’options pour un gouvernement minoritaire soutenu de l’extérieur par la Liste arabe unie, mais sans recevoir de ministères ou sans faire officiellement partie de la coalition. Avec ses 33 sièges, Kakhol lavan pourrait s’associer au Parti travailliste (6) et au Camp démocratique (5) pour atteindre 44 sièges. Il faudrait alors qu’au moins 12 députés de Yisrael Beytenu (8) et de la Liste arabe unie (13) votent en faveur du gouvernement afin de dépasser le bloc des 55 députés soutenant Netanyahu qui s’opposerait probablement.
Les membres de la Liste arabe unie ont signalé qu’au moins quelques-uns du parti, moins les trois membres de la faction nationaliste palestinienne Balad, seraient disposés à voter pour ce gouvernement afin de chasser Netanyahu de ses fonctions.
Liberman, cependant – qui a longtemps qualifié les politiciens arabes israéliens de « cinquième colonne » soutenant le terrorisme – a averti dimanche soir (après une réunion « positive » avec Netanyahu) qu’un gouvernement minoritaire serait une « catastrophe » pour Israël et que ce serait « impossible à gérer ».
3. Un gouvernement minoritaire soutenu par des rebelles de droite
Alors que presque toutes les discussions d’un gouvernement minoritaire se sont concentrées sur le soutien de la Liste arabe unie, il reste une autre option pour une coalition non majoritaire qui n’aurait pas besoin de députés de la faction arabe pour la soutenir.
Il faudrait cependant inclure au moins deux rebelles de droite prêts à abandonner leur soutien au parti encore au pouvoir de Netanyahu pour l’apporter plutôt à Benny Gantz – une perspective qui semble presque improbable puisque Liberman accepte de collaborer avec la Liste arabe unie.
Néanmoins, Kakhol lavan (33), les Travaillistes (6), Yisrael Beytenu (8) et le Camp démocratique (5) comptent 53 députés ensemble et n’auraient donc besoin que de deux défections du bloc ultraorthodoxe de droite de 55 pour pouvoir obtenir un vote de confiance à la Knesset dans le nouveau gouvernement.
Les transfuges les plus évidents ne sont pas les députés haut placés du Likud qui ont fait savoir qu’ils voudraient un jour diriger leur propre parti, car cela les obligerait probablement à démissionner du parti de droite et faire face à des représailles féroces de la part de la faction parlementaire du Likud et de l’ensemble des membres du Likud.
Au lieu de cela, Kakhol lavan chercherait à retourner certains des anciens membres du parti centriste Koulanou, qui a fusionné avec le Likud après les élections d’avril.
Les ministres Koulanou du Logement, Yifat Shasha Biton, et de l’Économie, Eli Cohen, pourraient-ils être tentés par des promotions au poste de ministre de l’Intérieur et ministre des Finances ? Peut-être. Peut-être que non.
4. Liberman rejoint l’aile droite
Détenant l’équilibre du pouvoir, Liberman pourrait finalement revenir sur sa promesse d’établir un gouvernement d’unité et sur son raisonnement de quitter le gouvernement de Netanyahu en décembre 2018 pour revenir au bloc de droite et permettre la formation du gouvernement de droite mené par Netanyahu et excluant Kakhol lavan.
Les huit sièges de son parti Yisrael Beytenu permettraient facilement au bloc de 55 députés de dépasser les 61 sièges de la majorité à la Knesset.
Le parti était auparavant un pilier des gouvernements dirigés par Netanyahu qui comprenait les ultra-orthodoxes. Après les élections d’avril, cependant, Liberman a refusé de se joindre à la future coalition du Premier ministre à moins qu’un projet de loi pour stimuler l’enrôlement militaire des Haredi étudiant en yechiva soit adopté sans changement, une demande rejetée par Yahadout HaTorah et Shas.
Sans les sièges de Yisrael Beytenu, Netanyahu était à un siège d’une majorité gouvernementale et plutôt que d’avoir un autre député pour former un gouvernement, il a fait voter la dissolution de la Knesset et déclenché les élections de septembre.
Mais face à la perspective d’un gouvernement minoritaire, à laquelle sa rhétorique a laissé entendre qu’il s’opposerait, Liberman a toujours la possibilité de dire qu’il a promis de faire tout son possible pour empêcher la tenue de troisièmes élections et qu’un retour au bloc de droite est maintenant le seul moyen de le faire, bien que cela ait effectivement causé une année de chaos politique en refusant de le faire.
Dans le même temps, Netanyahu aurait demandé au chef du parti ultra-orthodoxe Shas de faire preuve de plus de souplesse sur les questions de religion et d’Etat pour ouvrir la porte au parti Yisrael Beytenu afin qu’il puisse rejoindre un gouvernement de factions de droite et religieuses.
5. Shas rejoint Kakhol lavan
Si Shas est prêt à assouplir sa position sur les questions de religion et d’Etat pour s’adapter à Liberman, alors peut-être qu’il est aussi prêt à abandonner complètement le bloc de droite afin de rejoindre Kakhol lavan.
Un tel scénario peut paraître encore plus extravagant que les autres options, mais de tous les partis du bloc des 55, c’est Shas qui a manifesté la plus grande volonté d’envisager des partenariats au-delà des partis de droite et religieux. Si Netanyahu abandonne son bloc de droite, alors Shas pourra négocier directement avec Kakhol lavan.
Et les chiffres s’additionnent, et le compte est bon.
Kakhol lavan (33), Yisrael Beytenu (8), Travaillistes (6), Camp démocratique (5) et Shas (9) arrivent ensemble au nombre magique de 61.
Cela signifierait qu’une coalition dirigée par Kakhol lavan, soutenue par le Shas, pourrait, en théorie, être formée dans les deux prochains jours, ainsi que dans la période de 21 jours pour la collecte des signatures, où une majorité claire est requise.
Bien sûr, une telle coalition ne pourrait exister que si Yisrael Beytenu et Shas étaient tous deux prêts à faire des compromis sur un certain nombre de questions clés, mais bien que le parti ultra-orthodoxe, principalement sépharade, soit souvent assimilé au parti Judaïsme unifié de la Torah, il a dans le passé montré beaucoup plus de flexibilité que ses partenaires ashkénazes en matière du religieux et de l’Etat.
6. Quelqu’un d’autre se lève.
Si Gantz ne parvient pas à former une coalition, n’importe quel député peut, en théorie, essayer de recueillir 61 signatures afin d’obtenir le mandat pour former un gouvernement. Gantz et Netanyahu auraient tous deux le droit d’essayer d’obtenir à nouveau le mandat, mais il est possible qu’un autre membre de la Knesset tente sa chance pour devenir un candidat de consensus afin de sortir de l’impasse.
Alors qu’un certain nombre de hauts responsables du Likud ont cherché à se positionner comme le successeur éventuel de Netanyahu, aucun d’entre eux n’est apparu comme un favori clair pour le faire et aucun n’a obtenu le soutien politique au sein du parti afin de le défier pour le poste de Premier ministre à ce stade.
Même sans successeur évident, ceux qui étaient considérés comme des candidats possibles pour succéder un jour à Netanyahu – l’ancien ministre populaire Gideon Saar, le président de la Knesset Yuli Edelstein, le ministre des Affaires étrangères Yisrael Katz, le ministre de la Sécurité publique Gilad Erdan, l’ancien maire de Jérusalem Nir Barkat, pour ne citer que ceux-là – ont été peu disposés à prendre la tête du mouvement face à ce vénérable chef.
Saar, qui a dit qu’il se présenterait contre Netanyahu lors d’éventuelles primaires du parti, est peut-être le mieux placé pour essayer de monter un effort pour obtenir 61 signatures. Mais avec la constitution du Likud qui stipule que le Premier ministre doit être à la tête du parti (ce qui signifie que Saar devrait démissionner du Likud pour devenir Premier ministre), il peut préférer attendre qu’une autre occasion de leadership se présente, sans être considéré comme un renégat.
Le président de la Knesset, Edelstein, est l’un des gros bonnets du Likud probablement mieux placé que Saar.
Largement respecté des deux côtés du plénum de la Knesset, Edelstein pourrait-il justifier sa démission du Likud et servir en tant que Premier ministre indépendant pendant plusieurs mois avant de permettre au Likud et à Kakhol lavan de se partager le poste de Premier ministre restant (et peut-être de devenir président dans deux ans lorsque le mandat de Rivlin sera terminé) ? Pourrait-il se lever devant la Knesset et dire : « Trop, c’est trop ! Je ne veux pas faire ça, mais on ne peut pas avoir de troisièmes élections et c’est la seule option ? » Pourrait-il réussir à persuader suffisamment de ses collègues législateurs du Likud de se joindre à lui pour tendre la main à Kakhol lavan ?
Cela peut sembler tiré par les cheveux. Mais pas nécessairement plus que toutes les autres options farfelues sur la table.
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