Les ultra-orthodoxes cherchent à revenir sur les réformes religieuses
De retour au pouvoir, les partis haredi espèrent annuler les lois sur la conscription, les conversions et l'éducation
JTA – La précédente coalition au pouvoir en Israël – qui était divisée sur la guerre, la paix et l’économie – ne s’accordait que sur un point : la politique religieuse d’Israël avait besoin de changer.
Il semble à présent que la nouvelle coalition sera organisée autour du principe opposé : ces changements doivent prendre fin.
Un accord de coalition signé la semaine dernière entre le Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu et la faction ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah promet d’abroger une série de lois adoptées durant ces deux dernières années et qui avaient rogné plusieurs droits dont jouissaient de longue date la communauté ultra-orthodoxe, également connue sous le nom ‘haredi‘. Shas, le parti ultra-orthodoxe sépharade, a signé cette semaine son propre accord de coalition avec le Likud qui va cimenter l’influence des partis religieux dans le prochain gouvernement.
A l’initiative du parti Yesh Atid, le dernier gouvernement avait adopté des lois pour inclure les ultra-orthodoxes dans la loi sur le service militaire obligatoire et encourager l’enseignement des mathématiques et de l’anglais dans les écoles haredi financées par le gouvernement. Le gouvernement, qui ne comprenait pas de parti haredi, a également permis à des dizaines de rabbins orthodoxes municipaux d’effectuer des conversions, augmentant ainsi considérablement le nombre de tribunaux de conversion (par rapport aux quatre tribunaux contrôlés par des groupes ultra-orthodoxes). D’autres lois ont coupé les subventions aux yeshivas haredi et aux familles nombreuses, dont beaucoup sont ultra-orthodoxes.
L’accord Likud-Yahadout HaTorah promet de revenir sur les changements en matière de conversions, d’augmenter les subventions aux écoles talmudiques et aux familles, et de dispenser les écoles ultra-orthodoxes de l’obligation d’enseigner des matières profanes. L’accord donne également au ministre de la Défense entrant la seule autorité de décider de mettre en œuvre la loi sur l’incorporation – lui permettant en fait de choisir de ne pas l’appliquer. Un député de Yahadout HaTorah sera à la tête de la puissante commission des Finances de la Knesset, tandis que le Shas va contrôler le ministère des Affaires religieuses, qui gère l’essentiel des politiques entre l’Etat et la religion.
« Dans la dernière Knesset, les gens ont essayé de brouiller le judaïsme et de renforcer la démocratie au détriment du judaïsme », a déclaré Yair Eiserman, un porte-parole du député Uri Maklev de Yahadout HaTorah. « Nous avons l’occasion avec l’actuel gouvernement de renforcer la définition d’Israël comme un Etat juif. »
Les Israéliens haredi célèbrent les accords comme un retour à un confortable statu quo, mais les défenseurs du pluralisme religieux ont du mal à comprendre comment faire avancer leur cause, qui a un important soutien dans le public . Un sondage commandé en septembre par Hiddush, une ONG qui milite pour le pluralisme religieux, a montré que les deux tiers des juifs israéliens sont en faveur de la légalisation du mariage civil et 64 % soutiennent la reconnaissance des conversions masorti et libérales. Un sondage de Hiddush, en 2011, avait révélé que 87 % des Israéliens juifs soutenaient l’incorporation des ultra-orthodoxes dans l’armée israélienne.
« Le public a besoin de dire à ses dirigeants ce qu’il veut », a déclaré le député Ofer Shelah (Yesh Atid) à JTA. « Le rôle des citoyens ne se termine pas avec le vote aux élections. Le public a besoin de faire savoir clairement que si une majorité de la population pense qu’il doit y avoir un partage dans le service [militaire] et le travail, ils ont besoin de l’exprimer. »
Le projet de loi, adopté en mars 2014 en dépit des manifestations de masse des ultra-orthodoxes, visait à redresser un déséquilibre historique de la société israélienne. Le service militaire obligatoire est un rite de passage pour la plupart des Israéliens, dont les Israéliens haredi avaient été exemptés depuis la fondation de l’Etat, en 1948. Le leader de Yesh Atid, Yair Lapid, avait salué la loi comme un compromis réaliste qui « équilibrait le fardeau » dans la société.
Mais le retard de trois ans dans sa mise en œuvre – ses dispositions les plus difficiles ne sont pas censées entrer en vigueur avant 2017 – font douter de l’effectivité de la loi de nombreux Israéliens . Ses opposants ultra-orthodoxes ont fait valoir que la loi menaçait de braquer les modérés qui auraient rejoint volontairement l’armée israélienne. L’année où la loi a été adoptée, la conscription haredi n’a augmenté que de 11 % – une baisse substantielle par rapport à l’augmentation de 28 % de l’année précédente.
« Yahadout HaTorah dit être prêt à prendre part à l’équilibrage du fardeau, mais d’une manière équitable et pas d’une manière populiste », affirme Shmuel Drilman, le PDG de WeBetter, une nouvelle société de médias concentrée sur la défense des ultra-orthodoxes. « Il y a un processus, et Yahadout HaTorah y est engagé, contrairement à Lapid, qui veut juste se bagarrer. »
Quand il a convoqué les élections l’année dernière, Netanyahou avait déclaré qu’il voulait collaborer avec les partis ultra-orthodoxes, qui ont longtemps protesté contre les réformes de Yesh Atid. A présent, les militants du pluralisme religieux qui avaient accueilli les réformes espèrent prévenir leurs abrogations grâce à la mobilisation populaire, le lobbying et l’action juridique. Le PDG de Hiddush, Uri Regev, espère que la Cour suprême d’Israël va déclarer illégal un projet renouvelé d’exemption des haredim, comme elle l’avait fait en 2012.
« Il y aura de multiples litiges sur de nombreux sujets », a annoncé Regev. « Les accords de coalition violent les principes fondamentaux du droit constitutionnel israélien et toute notion d’égalité. »
Mais pour Yizhar Hess, qui dirige le mouvement masorti d’Israël, les réformes n’ont guère affecté les Juifs non-orthodoxes , donc il en sera de même pour leur abrogation. La réforme de la conversion n’a eu pour effet que d’élargir les conversions orthodoxes, sans reconnaître les cérémonies masorti et libérales. Yesh Atid, affirme Hess, aurait dû mettre l’accent sur les unions civiles plutôt que sur ce projet.
« Ils auraient dû insister sur une réforme du mariage, estime Hess. S’il y avait eu des unions civiles, cela aurait touché la vie de tant d’Israéliens qu’aucun gouvernement n’aurait pu changer. Au lieu de cela ils se sont occupés de choses marginales. »
D’après Shelach, Yesh Atid espère mobiliser le public israélien pour s’opposer aux accords de coalition, mais les Israéliens laïcs doivent pour cela remplir les rues en signe de protestation. Pour faire pression sur le gouvernement israélien, Regev et Hess regardent plutôt de l’autre côté de l’océan. Ils espèrent que les accords de coalition vont convaincre les dirigeants juifs américains, qui avaient commencé à organiser une campagne en 2013 pour la réforme du mariage en Israël, d’intensifier leur activisme.
Les plans de Hiddush sont « d’impliquer les dirigeants de la diaspora juive et du leadership américain en soulignant le fait que ces questions ne concernent pas seulement les Israéliens, a déclaré Regev. Elles sont un sujet de préoccupation mondiale car elles détermineront le visage d’Israël dans le futur proche ».