Litzman accuse les oncologues pour enfants de Jérusalem de “putsch”
Les médecins soulignent que la direction d’Hadassah est responsable de la saga en cours, où l’on utilise de manière “cynique, cruelle et dangereuse des enfants malades”
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Une vicieuse guerre des mots a éclaté mercredi, alors que la crise sur le seul service d’oncologie pédiatrique de Jérusalem s’intensifie.
Elle a commencé avec un éditorial publié en Une de Yediot Ahronoth, le quotidien le plus vendu du pays, qui accusait les médecins qui ont démissionné de l’hôpital Hadassah Ein Kerem en raison d’un conflit avec la direction de l’hôpital d’être responsable de « longs mois d’utilisation cynique, cruelle, dangereuse et sans précédent d’enfants malades et de leurs familles ».
Le ministère de la Santé, selon l’article, met une grande partie de la responsabilité sur le directeur de l’hôpital rival d’Hadassah à Jérusalem, Shaare Zedek, qui a discuté de la mise en place d’un service d’oncologie pédiatrique dans son hôpital, et l’a accusé d’un « manque de loyauté et de bonne foi ».
Les médecins ont eux annoncé qu’ils n’auraient plus de contact avec Hadassah et les autorités sanitaires avant que la Haute cour ne se prononce sur leur cas le 28 juin.
En mars, six médecins et trois internes du service d’onco-hématologie pédiatrique ont démissionné. Ces démissions ont pris effet ce mois-ci.
La crise a été déclenchée par un projet de la direction qui date de l’automne dernier, pour muter une experte des greffes de moelle osseuse pédiatrique, le Dr Paulina Stefansky, du service sans consulter le chef de service, le professeur Michael Weintraub, et de la nommer directrice d’une unité de greffe adulte dans un autre bâtiment.
L’idée était d’utiliser les lits disponibles dans le service destiné aux adultes pour soigner des « touristes médicaux » enfants non israéliens, qui auraient payé des frais importants pour les greffes et auraient ainsi participé au renflouement des caisses vides d’Hadassah, et que l’équipe médicale de l’unité pédiatrique s’occupent d’eux, en plus des patients israéliens du département pédiatrique.
Weintraub et ses médecins avaient prévu de faire croître au fur et à mesure le service pédiatrique, en ajoutant des chambres et des employés formés, avant de recevoir d’autres patients, selon une enquête de la Dixième chaîne diffusée ce mois-ci.
Selon l’enquête, le professeur Zeev Rotstein, qui dirige l’hôpital Hadassah, avait une autre idée : d’abord faire venir les enfants payants, et que l’équipe existante les soigne en attendant.
Avant la démission des médecins, le département pédiatrique comptait six médecins et trois internes pour 160 nouveaux enfants atteints d’un cancer par an. A titre de comparaison, selon la Dixième chaîne, le département d’oncologie pédiatrique de l’hôpital Sheba, près de Tel Aviv, compte 13 médecins et quatre stagiaires pour 170 nouveaux cas par an, et l’hôpital pédiatrique Schneider de Petah Tikva a 15 médecins et cinq internes pour 160 nouveaux cas par an.
« Il n’est pas possible que six médecins assurent des soins responsables », a dit à la Dixième chaîne l’un des médecins d’Hadassah, le Dr Tal Ben-Ami. « Chaque instant est important, à un point qu’il peut entraîner la mort. »
Fermement opposé à l’introduction d’enfants dans le service pour adultes, pour des raisons aussi bien médicales que d’équipes et logistiques, Weintraub s’est tourné le 1er novembre vers le directeur de l’hôpital rival, Shaare Zedek, le Dr Yonatan Halevy, pour explorer la possibilité de la mise en place d’un nouveau département pour les six médecins et les trois internes.
« Naïvement, j’ai dit que s’il n’y avait plus de département à Hadassah, un département ouvrirait à Shaare Zedek », a dit Halevy à la Dixième chaîne. Il a cependant démenti avoir promis quoique ce soit aux médecins de Hadassah, et lui et les médecins affirment que leurs rencontres sur le sujet sont restées très générales.
Ce même mois, les médecins ont informé Rotstein qu’ils avaient étudié la possibilité d’ouvrir un département à Shaare Zedek. Rotstein, selon la Dixième chaîne, leur a dit qu’ils étaient des « traîtres » et que la conversation était terminée, à moins qu’ils ne promettent de couper tout contact avec l’hôpital concurrent.
En mars, Rotstein a écrit un poème pour la fête juive de Pourim, dans lequel il comparait les médecins aux Perses de l’antiquité qui, selon l’histoire, voulaient annihiler les Juifs.
« Dès l’instant où nous avons exprimé une opposition professionnelle, la force motrice a commencé à être une lutte de pouvoir dans laquelle l’objectif [de Rotstein] était de montrer qui quiconque s’oppose à une décision de la direction sera écrasée », a indiqué à la Dixième chaîne le Dr Iris Fried, l’un des médecins qui a démissionné.
Cette semaine, les couteaux ont été aiguisés.
Mardi, la Deuxième chaîne a accusé Shaare Zedek, citant un responsable anonyme du ministère de la Santé disant qu’il existait « un élément qui a tiré les ficelles de cette crise depuis longtemps, et c’est Yonatan Halevy, qui a vu dans cette affaire une autre opportunité d’étendre son hôpital aux dépens d’Hadassah. »
Dans l’article de mercredi de Yedioth Ahronoth, intitulé « La vérité est sortie », le journal a écrit que, « aujourd’hui, nous pouvons dire que les médecins qui ont démissionné sont les principaux coupables du chaos dingue dans lequel est plongé l’unité d’onco-hématologie d’Hadassah. »
« Après des mois d’utilisation cynique, cruelle, dangereuse et sans précédent d’enfants malades et de leurs familles, la vérité est apparue. »
Le journal a répété que le ministère de la Santé accusait principalement Halevy de la crise, citant des sources anonymes disant qu’ « ils ont entrepris une mesure soigneusement planifiée par désir de détruire l’unité d’Hadassah et de créer une nouvelle unité à Shaare Zedek […]. C’était une tentative de putsch. »
« Toutes les paroles selon lesquelles [Halevy] n’avait aucune intention de prendre partie dans la crise se trouvent être des mensonges. »
Yedioth a cité des e-mails envoyés en novembre, qui montrent, selon le quotidien, que les discussions entre Weintraub et Halevy sont allées bien plus loin que ne l’a laissé croire Halevy.
Dans l’un d’eux, daté du 15 novembre 2016, la vice-directrice des finances de Shaare Zedek, Ruth Ralbag, écrit à Weintraub que la nouvelle unité recevra probablement 1 000 m².
Dans un autre, Weintraub envoie à Halevy et Ralbag une lettre qu’il a reçue de Rotstein, ce à quoi Ralbag répond « [Rotstein] n’exprime clairement aucun intérêt à discuter de la décision concernant Paulina [Stefansky]. C’est une affaire close pour lui. »
Fin janvier, Halevy écrit à Weintraub : « je pense aussi que la saga atteint son apogée, et j’espère qu’elle se terminera comme nous le voulons. »
Yaakov Litzman, le ministre de la Santé, a parlé de l’article de Yedioth de mercredi à la Dixième chaîne : « personnellement, je suis choqué par ce que j’ai lu ce matin. Il est difficile pour moi de penser que des médecins tenteraient d’orchestrer un putsch contre un hôpital en secret. »
Il a ajouté qu’il « souligne une fois encore qu’il n’y aura pas de département à Shaare Zedek, c’est une volonté professionnelle du ministère de la Santé, et pas ma propre volonté de ministre de la Santé. »
Litzman a indiqué avoir ordonné à Rotstein d’accorder aux médecins ce qu’ils demandaient et que Rotstein avait accepté cet ordre, mais « à mon grand regret, pas les médecins ». Il a dit que les médecins avaient également rejeté une médiation.
Shaare Zedek a déclaré mercredi dans un communiqué n’avoir « jamais démenti que le professeur Weintraub avait demandé au professeur Halevy en novembre 2016 d’envisager l’ouverture d’un département, en raison de son intention et de celle de ses médecins de démissionner d’Hadassah. Et donc, à ce moment, l’option d’un département à Shaare Zedek a été étudiée du point de vue des infrastructures. »
« Mais à une étape très précoce, en février 2017, avant que les médecins ne démissionnent, et après que le ministère de la Santé a décidé qu’il ne permettrait pas l’ouverture d’un tel département à Shaare Zedek, le professeur Halevy a tenté de convaincre les médecins de rester à Hadassah, et toute communication entre lui et eux s’est faite sur cette base. »
Un communiqué d’Orny Lynn, l’avocate représentant Weintraub, a décrit les projets de Rotstein de réaliser des greffes de moelle osseuse pédiatriques dans le département des greffes destiné aux adultes comme une décision qui est une « erreur professionnelle, médicale et éthique », et que les médecins n’ont pas voulu y coopérer.
C’est pourquoi, indique le communiqué, « à partir de novembre, la possibilité d’un déménagement à Shaare Zedek a été examinée, et le professeur Rotstein a informé ses contacts dès le 14 novembre. »
« En janvier 2017, le ministre de la Santé a demandé aux médecins ce qu’ils feraient si le département n’était pas mis en place à Shaare Zedek, et ils ont répondu ‘nous allons démissionner de toute façon’. »
La décision des médecins de démissionner trouve son origine dans une crise de confiance personnelle et professionnelle envers le directeur d’Hadassah, explique Lynn, et n’a rien à voir avec la possibilité d’un nouveau service à Shaare Zedek.
Lynn a accusé Rotstein de divulguer aux médias les emails pris sur l’ordinateur de Weintraub, et a indiqué que le sujet serait abordé juridiquement.
Dans un autre article, Yedioth a écrit que le ministère de la Santé n’avait jamais eu de réponse des médecins depuis une réunion jeudi, pendant laquelle les deux parties avaient accepté de soumettre les noms de médiateurs potentiels.
Faisant écho aux déclarations de Litzman, le ministère de la Santé a dit avoir proposé de revenir en arrière et de restaurer les conditions qui existaient à Hadassah avant que la crise n’explose, mais que les médecins refusaient de coopérer.
Mardi, le site d’information de Yedioth, Ynet, avait annoncé que Moshe Bar Siman Tov, le directeur général du ministère de la Santé, avait écrit lundi aux avocats des médecins, disant que « pendant la discussion, nous avons exprimé notre volonté d’agir pour revenir à la situation qui était celle du département avant la crise, et pour améliorer les conditions de soin en ajoutant des lits, des ressources et des employés. »
« J’ai demandé, et je demande encore, que vous écriviez vos demandes professionnelles sur la manière dont le département devrait être dirigé, pour que nous puissions assurer le meilleur traitement. Même si vous refusiez, mes suggestions tiennent toujours. Pendant les discussions, vous avez suggéré que nous initions un processus de médiation. Comme je vous l’ai dit, nous sommes ouverts à cela. Mes efforts pour communiquer avec vous ce dernier jour ont échoué », a écrit Bar Siman Tov.
Les médecins ont répliqué mercredi. « Rotstein et le ministère de la Santé cachent le fait qu’ils n’ont aucun plan pour la direction du département, alors que pendant ces six derniers mois, Hadassah a mis des vies en danger avec le soutien du ministère », ont-ils dit dans un communiqué.
Les médecins ont déclaré que toute médiation ou discussion sur des solutions alternatives n’auraient par conséquent lieu que sous les auspices de la Cour suprême.
Les médecins ont dit à Bar Siman Tov qu’il n’y avait « aucun intérêt à d’autres contacts directs. Vous rejetez les suggestions des médecins et n’avancez pas sur les suggestions que les médecins ont acceptées. Vous ne faites aucune réelle proposition. De plus, tous les contacts entre nous sont divulgués aux médias et déformés. »
L’unité d’onco-hématologie pédiatrique est toujours en fonctionnement, avec une équipe composée des infirmières initiales et d’une poignée de médecins remplaçants. Les parents ont largement pris partie pour l’équipe médicale initiale et emmènent leurs enfants vers d’autres hôpitaux jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée à Jérusalem.
Une infirmière a dit ce mois-ci au Times of Israël que des erreurs étaient fréquemment faites dans le service, et qu’elle craignait que tôt ou tard, l’une de ces erreurs ne soit fatale à un enfant.