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Mandelblit recadre Ohana pour ses attaques du système judiciaire

Le procureur général affirme que le ministre de la Justice, du Likud, agit par intérêt politique évident et qu'il ne sera pas intimidé par les attaques dont il fait l'objet

Le procureur général Avichai Mandelblit prend la parole à l'université de Bar-Ilan, le 4 mars 2020. (FLASH90)
Le procureur général Avichai Mandelblit prend la parole à l'université de Bar-Ilan, le 4 mars 2020. (FLASH90)

Le procureur général Avichai Mandelblit a utilisé des mots remarquablement forts mercredi pour réprimander le ministre de la Justice Amir Ohana pour ses attaques continues contre le système judiciaire israélien et ses efforts pour discréditer ses décisions et ses prétendues machinations depuis son entrée en fonction l’année dernière.

Depuis la nomination d’Amir Ohana par Benjamin Netanyahu en juin 2019, Mandelblit et lui se sont affrontés à plusieurs reprises sur leur rôle respectif au sein du système judiciaire israélien, le ministre cherchant à exercer un plus grand contrôle et attaquant sans relâche la légitimité des poursuites contre le Premier ministre.

Lors d’une conférence juridique à l’université Bar-Ilan, le procureur général a dénoncé l’idée que le système judiciaire du pays devrait être soumis à la volonté des responsables politiques et leur témoigner de la loyauté plutôt que du professionnalisme.

« Les gardiens [de l’État de droit] n’agissent pas contre le gouvernement », a-t-il déclaré. « Ils agissent à ses côtés pour promouvoir les politiques des élus. Mais dans les situations extrêmes, lorsqu’il y a un conflit entre le régime et la loi – et malheureusement, comme nous le savons, de tels cas peuvent se produire et ne sont pas théoriques – les gardiens doivent choisir la loi ».

« Un gardien dont la loyauté repose sur les responsables politiques qui l’ont nommé et non sur l’intérêt public ne peut pas remplir son rôle de gardien », a-t-il souligné.

Le ministre de la Justice Amir Ohana à la Knesset, le 11 septembre 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Netanyahu, Ohana et d’autres alliés de droite ont cherché à maintes reprises à qualifier d’illégitimes les trois affaires pénales pesant sur le Premier ministre – pour lesquelles un procès débutera le 17 mars – qui résulteraient d’une chasse aux sorcières politiquement motivée.

A LIRE : Etat d’Israël vs. Netanyahu : détails de l’acte d’accusation du Premier ministre

Au début de cette semaine, le Premier ministre a clamé, apparemment à tort, que des informations ont décrit comme étant « de gauche » les juges qui présideront son procès et a demandé un démenti de cette affirmation.

Selon M. Mandelblit, les attaques contre le système judiciaire « sont devenues monnaie courante ces derniers temps » et l’ont visé personnellement, ainsi que d’autres personnes.

« Il est important pour moi de dire : ces attaques ne me font pas peur. Rien au monde ne me détournera de la voie du droit et de la justice. Je fais mon travail pour maintenir l’État de droit dans le pays », a-t-il rappelé.

Le procureur général a poursuivi en attaquant Amir Ohana pour ses critiques contre les mises en examen du Premier ministre, dénonçant « une réalité dans laquelle le ministre de la Justice affirme dans une interview que le système judiciaire a fait ‘une erreur extrême et grave’ en déposant un acte d’inculpation et que les affaires ‘ne conduiront à aucune condamnation' ».

Mandelblit a reproché à Ohana de proférer des affirmations qu’il ne pouvait pas prouver et déclaré que ses motivations politiques étaient évidentes.

Il a fait remarquer que le ministre n’était pas réellement au courant des éléments de preuve dans l’affaire ni « partie à des discussions approfondies concernant les implications des éléments de preuve et une analyse juridique de ceux-ci ».

Il a poursuivi en fustigeant « une situation dans laquelle le ministre de la Justice annonce qu’il y a des décisions de la Cour suprême qui ne devraient pas être respectées« , et bien qu’il ait plus tard fait marche arrière sur ces commentaires, lorsque la Cour suprême a récemment émis une injonction qu’il n’a pas aimée contre la formation d’une commission d’enquête sur le département des enquêtes internes de la police, il a affirmé que la Cour suprême « s’est alliée avec le procureur général [sur cette question] ».

Ce ne sont là « que quelques exemples parmi tant d’autres », a-t-il dénoncé, illustrant le postulat selon lequel « les systèmes de droit et de justice devraient faire preuve de loyauté envers l’échelon politique, sinon leurs décisions devraient être ignorées et non respectées ».

Il a ajouté qu’une déclaration passée de M. Ohana, selon laquelle il se préparait à la possibilité que des fonctionnaires de la justice cherchent à enquêter sur lui sur la base d’accusations inventées de toutes pièces, était « non fondée et sans objet ».

Le procureur général par intérim Dan Eldad. (Site internet du bureau du procureur de l’Etat)

Mandelblit et Ohana se sont également affrontés à propos de la nomination d’un procureur intérimaire à la suite du départ à la retraite de l’ancien procureur de l’État Shai Nitzan. Étant donné qu’Israël est dirigé par un gouvernement intérimaire depuis avril 2019 en raison d’échecs à former un gouvernement qui ont conduit à trois élections, M. Mandelbit a fait savoir que la nomination devait se faire avec son accord. Mais Ohana a choisi deux fois des candidats auxquels le procureur général s’est opposé. Dans le premier cas, la personne nommée Orly Ginsberg Ben-Ari a finalement renoncé à se présenter en raison de l’opposition de Mandelblit. Dans le deuxième, ce dernier a fini par céder et a accepté la nomination temporaire de Dan Eldad, ancien directeur de la division des crimes économiques du ministère public.

Mais Mandelblit a attaqué mercredi l’insistance d’Ohana pour qu’Eldad ne soit nommé que pour une période initiale de trois mois, à l’issue de laquelle le ministre déciderait s’il faut prolonger son mandat de trois mois supplémentaires.

« Le procureur général en exercice ne peut pas dépendre de la seule bonne volonté du ministre de la Justice pour sa nomination et la durée de son mandat », a-t-il déclaré. « Une situation dans laquelle le procureur général en exercice opère dans l’ombre de la possibilité de ne pas prolonger son mandat s’il ne fait pas preuve de loyauté est inappropriée ».

Netanyahu est accusé de fraude et d’abus de confiance dans trois affaires criminelles – ainsi que de corruption dans l’une d’elles – qui portent sur des accusations selon lesquelles il aurait reçu des cadeaux illégaux et accordé des faveurs politiques en échange d’une couverture médiatique positive.

La semaine dernière, un média a affirmé que Netanyahu pourrait chercher à licencier le procureur général ou à le discréditer sérieusement après les élections.

Haaretz a rapporté vendredi que des émissaires de Netanyahu ont travaillé ces derniers mois pour déterrer des informations sur Mandelblit – en particulier son implication dans la fameuse « affaire Harpaz » de 2010. L’intéressé était un suspect dans cette affaire, mais a finalement été blanchi de tout méfait par la Cour suprême.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu prend la parole devant la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines à Jérusalem, le 16 février 2020. (Olivier Fitoussi/Flash90)

L’édition de vendredi soir du journal télévisé de Kan a donné du crédit à ces rumeurs, rapportant que Netanyahu était préoccupé par les décisions à venir de Mandelblit sur deux questions cruciales : son éligibilité à être chargé de former un gouvernement après les élections malgré son procès à venir ; et l’opportunité d’ouvrir une nouvelle enquête concernant son défaut de divulgation présumé de ses parts dans la société de son cousin.

Kan a rapporté que le procureur envisageait actuellement de lancer une enquête.

Et sur la Douzième chaîne, la célèbre journaliste Ilana Dayan a indiqué que Mandelblit se préparait à la possibilité que Netanyahu tente de l’évincer de son poste s’il remporte la majorité à la Knesset lors des élections du 2 mars, pour être remplacé par le procureur général par intérim Dan Eldad.

Avant les élections, de nombreuses informations ont également fait état de pressions exercées par le Premier ministre pour que diverses mesures législatives soient prises afin de retarder ou de faire capoter son procès.

Mais mercredi soir, Netanyahu n’a pas réussi à obtenir une majorité au Parlement, avec seulement 58 sièges remportés par son bloc, ce qui semble garantir que les procédures judiciaires à son encontre pourront se poursuivre sans interférence.

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