La Haute Cour suspend la commission d’enquête sur la police des polices
Le gouvernement devra justifier la mise en place de la commission chargée d'enquêter sur le département des enquêtes internes de la police, une "ruse électorale" pour Mandelblit

La Haute Cour de justice a ordonné lundi le gel temporaire des activités d’une commission qui avait été formée pour enquêter sur l’unité des affaires internes de la police. Le procureur général Avichai Mandelblit s’était opposé à la mise en place de cette commission par le cabinet.
Les magistrats Hanan Melcer, David Mintz et Yitzhak Amit ont donné au gouvernement 60 jours pour expliquer pourquoi la commission ne devait pas être démantelée au vu de l’opposition de Mandelblit.
En conséquence, celle-ci demeurera inopérante avant les prochaines élections du 2 mars. Dans un courrier envoyé la semaine dernière à la cour, Mandelblit avait demandé l’arrêt des travaux de la commission et exprimé son inquiétude que la formation de cette dernière ne réponde qu’à une motivation politique, liée au prochain scrutin.
Le ministre de la Justice Amir Ohana a répondu avec colère à la décision de lundi, disant que la cour s’était « associée au procureur général dont l’opinion sur la question a été donnée sur fond de conflit d’intérêts ».

Ohana faisait apparemment référence au fait que le Département des enquêtes internes de la police est une division du ministère de la Justice tandis que Mandelblit est un haut responsable du système judiciaire.
« Il y a un grave problème de confiance au sein du Département… Le public mérite un département dans lequel il pourra placer sa confiance », a ajouté Ohana. « C’est la raison pour laquelle j’ai voulu former une commission d’enquête pour que le prochain gouvernement puisse bénéficier de ses conclusions ».
Dans leur décision, les magistrats ont demandé au gouvernement pourquoi il se hâtait autant dans la mise en place de la commission et ce, malgré l’avis donné par le procureur général.
« Le gouvernement a pris l’opinion du procureur général et l’a jetée à la poubelle », a estimé le juge Amit. « À combien de reprises est-ce arrivé dans l’histoire de l’État ? C’est difficile de se souvenir de tels cas ».
L’établissement de la commission chargée d’enquêter sur la police des polices était une demande-clé du député Kakhol lavan Gadi Yevarkan, parti au Likud seulement quelques heures avant la date-limite de dépôt des listes de parti, le 15 janvier.
C’est Ohana qui avait présenté l’initiative au cabinet. Ce dernier est membre du Likud et allié du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et accuse les responsables du système judiciaire d’avoir tenté de commettre un « coup d’État » en inculpant le chef de gouvernement de corruption présumée.

Mandelblit a précisé que cette initiative pouvait s’apparenter à un « pot-de-vin électoral », ce qui est un délit selon les dispositions de l’Article 122 de la loi électorale qui interdit d’offrir des bénéfices directs aux électeurs pour influencer leurs votes ou pour les convaincre d’en influencer d’autres.
Deux plaintes ont été déposées contre la commission. Le gouvernement y a répondu, clamant qu’il n’était pas dans l’obligation d’agir conformément à l’opinion du procureur général.
Vendredi dernier, Mandelblit a écrit à la cour et souligné que le cabinet cherchait à mettre en place la commission avant les prochaines élections du 2 mars.
« La décision d’établir la commission d’enquête seulement trois semaines avant la date du scrutin soulève une inquiétude très réelle que le moment choisi pour cette décision a été motivé par des considérations extérieures, liées aux prochaines élections », peut-on lire dans sa lettre.
Mandelblit a ajouté que la cour devait ordonner l’arrêt des travaux de la commission, arguant que la Haute Cour accepterait probablement les appels et que l’établissement du panel n’était pas urgent.

Le Likud a tenté de courtiser Gadi Yevarkan, membre de la communauté juive d’origine éthiopienne, afin de glaner les votes des Juifs éthiopiens, qui ont tourné le dos au parti au pouvoir au cours des scrutins de l’année dernière après une série d’incidents de violences policières et dans un contexte d’inquiétudes quant à la négligence du gouvernement vis-à-vis d’une communauté qui se dit également victime de discriminations.
Gadi Yevarkan a demandé que des investigations soient menées sur le département des enquêtes internes en raison de sa gestion présumée laxiste par les Juifs d’origine éthiopienne des cas de violences policières à l’égard de leur communauté.
Les magistrats de la Cour suprême estiment que la commission ne sera pas chargée d’enquêter sur des cas de heurts entre la police israélienne et les Israéliens d’origine éthiopienne, mais qu’il lui sera plutôt demandé d’ouvrir une enquête sur « la tentative de coup d’État » de la part de la police et du procureur d’État que représenteraient, selon Netanyahu, les mises en examen décidées à son encontre – une accusation au centre de la campagne électorale du Likud.
Tandis que Mandelblit ne s’est pas opposé à l’établissement de la commission dans son principe, il a mis en garde contre l’éventuel caractère illégal de cette dernière dans la mesure où le pays est actuellement dirigé par un gouvernement non élu et intérimaire.
Les deux précédents scrutins électoraux ont échoué à faire sortir l’État juif de l’impasse politique, laissant Israël sans gouvernement permanent et entraînant un troisième retour aux urnes pour les Israéliens en moins d’un an.
Le mois dernier, Mandelblit a mis en examen Netanyahu pour fraude et abus de confiance dans trois affaires, et pour pots-de-vin dans l’une d’entre elles.
Le Premier ministre, pour sa part, dément tout acte répréhensible.
C’est vous qui le dites...