Netanyahu évite-t-il vraiment les médias palestiniens ?
Alors que Mahmoud Abbas accueille des délégations israéliennes, le Premier ministre israélien serait simplement « ouvert à la rencontre »
C’est un fait largement connu que le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne s’entendent pas du tout. Mais tandis que le premier a pris l’habitude d’accueillir des Israéliens sur une base fréquente, le second semble totalement indifférent à répondre aux Palestiniens.
Au cours de la dernière année seulement, Abbas a accueilli des députés israéliens dans son complexe présidentiel à Ramallah à plusieurs reprises, expliqué ses positions à des centaines d’étudiants israéliens, et accueilli les questions des journalistes israéliens, à la fois dans des rencontres individuelles et collectives.
En décembre 2012, Abbas a créé un comité pour le dialogue avec la société israélienne, plaçant le responsable du Fatah et ancien gouverneur de Bethléem Mohammed Al-Madani à sa tête.
Depuis début 2013, Madani a déclaré au Times of Israel qu’Abbas avait tenu des dizaines de réunions avec des centaines d’Israéliens de tous les horizons de la société dans le but d’apaiser les craintes israéliennes d’un Etat palestinien.
« L’extrémisme a engendré la peur au sein de la société israélienne » a déclaré Madani. « Lors de ses réunions, [Abbas] les rassure, en expliquant que l’Initiative de paix arabe accordera une reconnaissance d’Israël de tous les Etats arabes et musulmans lorsque deux États seront créés ».
Madani a affirmé qu’il avait espéré que les ouvertures palestiniennes seraient réciproques du côté israélien, mais en vain.
« Nous avons demandé à nos partenaires israéliens à plusieurs reprises d’organiser une rencontre entre la société civile palestinienne et M. Netanyahu, mais nous n’avons reçu à ce jour aucune réponse » a-t-il assuré.
Le député travailliste Yehiel Hilik Bar, partenaire de Madani au parlement israélien, a déclaré que ses appels publics à Netanyahu pour accueillir des délégations palestiniennes à Jérusalem, semblables aux groupes israéliens accueillis à Ramallah, n’ont rencontré qu’une sourde oreille.
« Dans les réunions ouvertes entre la direction et le public, vous pouvez arriver à de nombreuses idées » a déclaré Bar au Times of Israel, citant la précision d’Abbas – lors d’une rencontre avec des étudiants israéliens en février – de sa position sur la Shoah et sa reconnaissance qu’une incitation contre Israël existait dans l’Autorité palestinienne.
« Je ne contrôle pas l’emploi du temps de Netanyahu, mais je pense qu’il est certainement souhaitable pour notre chef d’Etat de répondre à de larges segments de la société palestinienne et de leur expliquer ce que veut Israël ; ce sur quoi Israël ne transigera jamais. Il n’a pas besoin de leur donner les réponses qu’ils veulent entendre. Il n’a pas à dire que nous sommes d’accord pour [accueillir] un million de réfugiés ; au contraire. Mais ils en ont besoin pour être en mesure de lui poser des questions et d’obtenir des réponses. Je pense qu’il doit y avoir réciprocité sur ce sujet ».
« Pour être honnête, au-delà de mes déclarations publiques, je n’ai jamais envoyé à Netanyahu une lettre lui demandant de tenir de telles réunions » a ajouté Bar. « Peut-être devrais-je le faire ».
Netanyahu n’est, bien sûr, pas le seul à blâmer pour ce manque de contacts. Après la réunion d’Abbas avec les étudiants israéliens en février dernier, Laura Talinovsky, directrice exécutive de One Voice Israel, une organisation de promotion de la solution à deux Etats, a essayé d’organiser une rencontre similaire entre Netanyahu et des étudiants palestiniens. Elle a affirmé que l’idée a été écartée presque après avoir été soulevée.
« Cela a été accueilli par le ridicule, non seulement du côté de Netanyahu, mais aussi du côté des étudiants palestiniens qui ne voulaient pas le rencontrer » a déclaré Talinovsky au Times of Israel.
Elle a noté, cependant, que Netanyahu n’avait jamais exprimé aucun intérêt à rencontrer les Palestiniens, contrairement à Abbas, qui, après le conflit de cet été entre Israël et le Hamas, a proposé une autre réunion avec les étudiants israéliens.
Cependant, Ofir Gendelman, porte-parole de Netanyahu pour les médias arabes, a déclaré que les réunions entre le Premier ministre et les Palestiniens n’ont presque jamais lieu non pas à cause de l’indifférence de Netanyahu, mais en raison d’une culture d’intimidation et d’anti-normalisation répandue dans la société palestinienne.
« [Netanyahu] est entièrement ouvert [pour répondre] » a déclaré Gendelman. « Ce qui est nécessaire, c’est que de l’autre côté on arrête de politiser ses propres médias. Il y a un courant très militant au sein de la société palestinienne qui s’oppose à tout contact avec les Israéliens. Même lorsque des [Israéliens] militants de gauche arrivent à Ramallah, il y a ceux qui manifestent contre des réunions avec eux. Il y a un problème ».
Les journalistes palestiniens fustigent, quant à eux, le fait que l’accès au Premier ministre israélien soit constamment bloqué. Un correspondant politique majeur, parlant sous couvert d’anonymat au Times of Israel et précisant que les liens de son journal avec le bureau du Premier ministre « ne sont pas entièrement rompus », a déclaré que Netanyahu n’a jamais accepté une seule requête palestinienne pour une entrevue. (Il est intéressant de noter que Netanyahu n’est pas vraiment ouvert aux demandes d’interviews israéliennes non plus).
Gendelman, le porte-parole de Netanyahu, a insisté sur le fait qu’aucune demande n’avait jamais été présentée.
« Il y a quelques années, les Américains ont proposé qu’Abbas donne une interview à des médias israéliens et que Netanyahu fasse de même avec des médias palestiniens. Abbas a accepté et Netanyahu a refusé » a déclaré le journaliste palestinien.
Gendelman a affirmé que les tentatives pour organiser une entrevue avec Netanyahu à la télévision officielle palestinienne ne s’était jamais matérialisée « pour diverses raisons », insinuant que c’était Abbas lui-même qui avait bloqué l’entretien.
« Une telle entrevue dépend de l’autorisation personnelle d’Abu Mazen [Abbas]. Ici [en Israël], un entretien avec Abu Mazen à la télévision israélienne ne nécessite pas l’autorisation du Premier ministre. La situation dans l’Autorité palestinienne est complètement différente. Là-bas, les médias sont politisés, et diverses restrictions leur sont imposées ».
Netanyahu va probablement donner une interview à des médias palestiniens « à un moment donné », a spéculé Gendelman, notant que peu de temps avant, le Premier ministre avait donné des interviews à deux chaînes de télévision panarabes : Al-Arabiya et BBC Arabic. Le département médiatique du Premier ministre est ouvert aux questions des journalistes arabes « d’Irak au Maroc, y compris à Gaza », a-t-il expliqué.
« Ici [en Israël], il n’y a pas de boycott. Je ne suis pas accusé de trahison si je parle à certains journalistes, contrairement à la situation de l’autre côté » a déclaré Gendelman.
Mais le correspondant politique palestinien décrit une réalité beaucoup moins rose dans ses contacts avec le bureau du Premier ministre. Les quelques journalistes palestiniens qui détiennent des cartes de presse israéliennes passent par de tels contrôles de sécurité lors des conférences de presse gouvernementales qu’ils préfèrent souvent rester à la maison.
« Le bureau de Netanyahu nous traite comme des terroristes, pas comme des journalistes » lance-t-il. « Enlevez votre pantalon, faites-ci, faites ça. Personne n’est prêt à y aller et à être humilié. C’est comme si on nous disait ‘Ne venez pas !’ ».
Les boycotts et le harcèlement des journalistes israéliens sont monnaie courante en Cisjordanie. Avi Issacharoff du Times of Israel a décrit la terrible épreuve qu’il a vécue en Cisjordanie en mai.
Mais ce n’est pas toujours le cas au niveau supérieur. Après que des journalistes israéliens se soient plaints au bureau d’Abbas qu’aucun porte-parole officiel de l’AP n’était disponible pour commenter les dernières nouvelles, le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas a nommé Fayez Abbas, journaliste à l’agence officielle palestinienne Wafa, comme sa propre liaison avec les médias israéliens.
« Netanyahu parle toujours de ‘réciprocité’, mais nous ne la voyons pas vraiment », a déclaré le journaliste palestinien.
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