Ouverture d’une enquête sur des allégations d’antisémitisme à l’université du Vermont
L'établissement aurait fermé les yeux sur des groupes de soutien qui ont exclu des sionistes, sur un enseignant qui s'est livré à de la cyber-intimidation
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
Le Bureau des droits civils du ministère américain de l’Éducation a ouvert une enquête formelle sur une discrimination anti-juive présumée à l’université du Vermont, la dernière en date d’une série d’enquêtes pour antisémitisme contre des universités américaines.
Une plainte contre l’université principale du Vermont fait état d’une « campagne d’intimidation, de harcèlement et de discrimination » contre les étudiants juifs, et affirme que l’administration de l’université « ferme les yeux sur l’antisémitisme » qui sévit en son sein.
« Cela a créé un environnement hostile sur le campus, dans lequel les étudiants juifs sont exclus des clubs universitaires et des groupes de soutien », indique la plainte. Les groupes qui ont déposé la plainte ont annoncé mardi l’ouverture d’une enquête.
La discrimination présumée, qui sévit à l’université du Vermont, comprend l’exclusion des Juifs d’un groupe de soutien aux victimes d’agressions sexuelles sur le campus, le harcèlement par une assistante d’éducation et le vandalisme du bâtiment Hillel du campus.
L’enquête du département d’investigations fait suite à une plainte déposée l’année dernière. La plainte alléguait que l’université autorisait un environnement hostile et antisémite sur le campus, en violation du Titre VI de la Loi sur les droits civils de 1964.
Cette loi interdit toute discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’origine dans les programmes qui reçoivent un financement fédéral. La discrimination antisémite a été incluse comme une violation du Titre VI en 2019 grâce à un décret de l’ancien président américain Donald Trump, ouvrant un nouveau champ de bataille juridique pour les défenseurs juifs alléguant un antisémitisme sur les campus.
De nombreux groupes progressistes aux États-Unis sont très critiques à l’égard du sionisme, une attitude qui, selon les opposants, vire à l’antisémitisme ou en une haine des Juifs déguisée.
La plainte contre l’université du Vermont, ainsi que d’autres plaintes similaires, indique que le sionisme et tout lien avec Israël font partie intégrante de la foi et de l’identité de nombreux étudiants juifs, de sorte que le harcèlement et la diabolisation du sionisme constituent une discrimination. Les anti-sionistes, quant à eux, affirment que la croyance en une patrie juive en Israël est discriminatoire envers les Palestiniens.
Le Bureau des droits civils du ministère de l’Éducation ne mène d’enquête que sur les plaintes qu’il juge dignes d’une enquête approfondie, ce qui signifie que l’enquête sur l’université du Vermont est une étape importante. L’université, qui surplombe la ville pittoresque de Burlington et le lac Champlain, est considérée comme une institution publique prestigieuse et l’une des meilleures universités de Nouvelle-Angleterre. Elle compte environ 12 000 étudiants et se targue d’une réputation de bastion libéral et progressiste.
La plainte a été déposée par le Louis D. Brandeis Center for Human Rights Under Law, un groupe de défense des droits civils à but non lucratif qui se concentre sur les questions liées aux Juifs et à Israël, et par le groupe de défense « Jewish on Campus ».
Le Brandeis Center a déposé d’autres plaintes pour antisémitisme qui ont conduit à des actions contre le Brooklyn College, l’Université de Californie du Sud, l’université de Stanford et l’université de l’Illinois.
La plainte indique que le harcèlement anti-juif est présent sur le campus depuis des années mais qu’il s’est intensifié l’année dernière, à peu près au moment où Israël a mené une opération militaire contre les terroristes de Gaza.
En mai 2021, un mouvement important sur le campus a commencé à protester contre la gestion des agressions sexuelles par l’université, des milliers d’étudiants ayant organisé une manifestation en signe de protestation.
Un groupe appelé UVM Empowering Survivors a été créé pour soutenir les victimes d’agressions sexuelles. Son compte Instagram, qui compte des milliers d’abonnés, a ensuite annoncé que les étudiants sionistes seraient « bloqués ». Le compte affirmait faussement que les Israéliens « faisaient subir à tant de Palestiniens » des « abus sexuels dégoûtants ».
Des étudiants juifs ont contacté l’organisation, qui leur a répondu « être un groupe anti-sioniste ». Le compte compte désormais plus de 6 700 abonnés et la publication est toujours visible.
UVM Empowering Survivors a ensuite déclaré qu’il était « profondément désolé qu’il y ait des victimes au sein de sa communauté qui s’identifient comme juifs et qui croient que leurs positions et leurs opinions sont nuisibles et antisémites », mais il a déclaré que ce qui leur est « insupportable, c’est Israël et les sionistes », et a directement attaqué la branche Hillel du campus. Le groupe a également déclaré que les Juifs étaient surreprésentés sur le campus par rapport aux autres minorités.
Dans un autre cas similaire, des étudiants juifs de l’université d’État de New York, à New Paltz, ont déclaré avoir été exclus d’un groupe de soutien aux victimes d’agressions sexuelles l’année dernière.
Après les incidents survenus à l’université du Vermont, la branche du Campus Hillel, un important groupe universitaire juif, a déclaré que des dizaines d’étudiants juifs s’étaient rendus au centre car « ils n’avaient nulle part où aller ».
Un club de lecture appelé UVM Revolutionary Socialist Union a également déclaré que les sionistes seraient exclus, assimilant le sionisme à l’homophobie, la transphobie, la bigoterie et les discours de haine. Le club est admissible à un financement universitaire, selon la plainte.
Quelques mois plus tard, en septembre 2021, un groupe d’étudiants en état d’ébriété a lancé des pierres sur le bâtiment Hillel du campus – qui comprend des dortoirs – pendant plus de 30 minutes. L’un des résidents a demandé aux agresseurs d’arrêter de jeter des pierres, ce à quoi les agresseurs ont répondu en criant : « Êtes-vous juif ? ». Les assaillants ont ensuite lancé une « substance collante » non identifiée contre la porte arrière du bâtiment. L’université a refusé de reconnaître l’attaque comme un incident à caractère antisémite.
L’année dernière, un conseiller résident et une assistante d’éducation se sont acharnés à plusieurs reprises sur des étudiants juifs sionistes en menaçant de baisser leurs notes et en encourageant les autres à les intimider.
L’assistante a déclaré sur Twitter qu’il était « bon et amusant » de « ne pas accorder de crédit aux sionistes ». Réduire les notes en raison de la religion ou de l’origine ethnique est une violation de la politique anti-discriminatoire de l’université, des lois de l’État et des lois fédérales, rappelle la plainte.
Cette personne a également déclaré sur Twitter qu’elle « ressent le besoin irrépressible de cyber-intimider les étudiants sionistes, et une montée de sérotonine à l’idée d’intimider des sionistes publiquement ». Il a également déclaré qu’il tente de rendre le sionisme « digne d’être publiquement condamné ». Il a, par ailleurs, fait l’éloge des vandales qui avaient volé un drapeau israélien.
La plainte rapporte que la harceleuse présumée, une étudiant diplômée, est également une assistante d’éducation cette année à l’université du Vermont.
Les incidents ont été portés à la connaissance de l’administration, mais « l’université n’a pris aucune mesure pour rectifier la situation », selon la plainte.
Certains étudiants juifs ont exprimé leur crainte de s’identifier comme tels et cachent leur identité, par exemple en n’accrochant pas de mezouzot à leur porte, en raison de l’atmosphère menaçante.
« J’ai dû apprendre à ne plus revendiquer mon identité et ce que cela signifie de vivre dans la peur parce que je suis juif », a déclaré un étudiant. « J’ai entendu mes camarades de classe invectiver d’autres Juifs et je les ai vus défiler dans le centre-ville en scandant des propos antisémites. Je suis terrifié par ce qui pourrait arriver s’ils en savaient plus sur moi. »
« Je portais un pendentif juif tous les jours jusqu’à ce que je commence à me sentir en danger à l’UVM en raison de la rhétorique antisémite sur le campus et sur les réseaux sociaux, ainsi que des messages antisémites que j’ai personnellement reçus », a déclaré un autre étudiant. « L’antisémitisme sur le campus a eu un sérieux impact sur ma santé mentale. »
La plainte demande à l’université d’éliminer toute atmosphère antisémite du campus, de veiller à ce que les clubs étudiants accueillent tous les étudiants, d’enquêter sur les discriminations, d’adopter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah) – qui inclut l’anti-sionisme -, de publier une déclaration dénonçant l’antisémitisme, de mener des formations pour éviter l’antisémitisme et de créer un groupe de travail pour améliorer la vie juive sur le campus.
Un rapport de l’association Jewish on Campus, publié au début de l’année, a révélé que l’université du Vermont était le campus américain qui avait signalé le plus d’incidents à caractère antisémite.