Plainte déposée à la Haute cour après la nomination de la procureure d’Etat
Une ONG fait part d'une "grave inquiétude" sur la possibilité qu'Orly Ginsberg Ben-Ari ait été nommée pour s'attaquer au système judiciaire au nom de Netanyahu
Une plainte a été déposée mercredi devant la Haute-cour de Justice contre la nomination au poste de procureur d’Etat par le ministre de la Justice, Amir Ohana.
La plainte précise que Ohana pourrait avoir été guidé par des motivations politiques quand il a nommé une responsable relativement subalterne pour pouvoir occuper le poste de procureur d’Etat.
Le procureur-général Avichai Mandelblit s’est d’ores et déjà insurgé contre la désignation d’Orly Ginsberg Ben-Ari en remplacement du procureur d’Etat Shai Nitzan, indiquant qu’Ohana était passé outre l’autorité que lui confère son statut de ministre par intérim en la nommant.
Dans sa plainte, le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, une ONG oeuvrant à la bonne gouvernance, a exprimé sa « profonde inquiétude, [craignant] que la nomination de Ginsburg Ben-Ari au poste de procureur d’Etat par intérim ne soit extrêmement déraisonnable et qu’elle ait été entièrement le résultat de considérations extérieures ».
La plainte laisse entendre que cette désignation s’est faite sur la base de considérations concernant les « gardiens et les éléments du système chargé d’appliquer la loi en lien avec les enquêtes menées sur Benjamin Netanyahu ».
Ohana est un fervent fidèle du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a été mis en examen par Nitzan. Ohana et Netanyahu ont lancé des attaques cinglantes à l’encontre du bureau du procureur d’Etat et d’autres instances judiciaires, les accusant d’avoir fomenté le renversement du Premier ministre en se basant sur des mensonges.
Le directeur du Mouvement pour un gouvernement de qualité, Eliad Shraga, a qualifié l’initiative prise par Ohana de problématique.
« Au beau milieu d’une procédure juridique conduite par le bureau du procureur contre l’accusé Netanyahu – qui a nommé le ministre Ohana à ce poste dans cet objectif très spécifique, à savoir celui de mener à bien la liquidation ciblée du bureau du procureur de l’Etat – le ministre nomme une personnalité dénuée des compétences requises pour assumer ce rôle », a-t-il dit dans une déclaration.
Le Camp démocratique de gauche a également l’intention de porter plainte contre cette nomination, a fait savoir la chaîne Kan.
Mandelblit, qui aurait fait savoir, dans le passé, qu’il était prêt à utiliser des moyens judiciaires pour stopper les actions entreprises par Ohana, ne prévoit pas pour le moment de déposer plainte lui-même, préférant attendre de voir l’issue des poursuites intentées par les autres, a fait savoir Kan. Il ne défendra pas néanmoins cette nomination devant les juges.
Mandelblit a estimé mardi qu’il y avait un « obstacle juridique » à la nomination d’Orly Ginsberg Ben-Ari, procureure-adjointe du district central, au poste de procureur d’Etat par intérim, précisant que cette désignation allait au-delà des pouvoirs conférés à un ministre exerçant dans un gouvernement intérimaire et qu’elle était donc « déraisonnable ».
Il a ensuite rencontré Ginsberg Ben-Ari et précisé que son opposition à cette nomination n’avait rien de personnel, a fait savoir la Treizième chaîne.
« Ce n’est pas quelque chose de personnel contre vous, mais cela concerne plutôt le système judiciaire », aurait-il dit, selon le reportage.
La chaîne a également annoncé que des responsables du bureau du procureur d’Etat, qui n’ont pas été identifiés, pressaient Ginsberg Ben-Ari pour qu’elle retire sa candidature.
Ginsberg Ben-Ari a travaillé au bureau du procureur d’Etat pendant 28 ans, au cours desquelles elle a occupé un certain nombre de hauts-postes. Elle a une vaste expérience dans les domaines de la criminalité et de la sécurité et est actuellement cheffe du Forum de sécurité au sein du bureau du procureur d’Etat.
Le procureur-général aurait rejeté la majorité des candidats proposés par Ohana, dont Ginsberg Ben-Ari. Il n’a donné son aval qu’à la candidature du procureur d’Etat-adjoint aux Affaires pénales, Shlomo Lemberger, seul capable dans la liste soumise par le ministre de la Justice, selon lui, de remplacer Shai Nitzan, dont le mandat de six ans a expiré lundi.
Ohana a souligné qu’il ne cherchait pas l’affrontement avec Mandelblit et qu’il avait tenté de gagner le soutien du procureur-général pour son choix. « Ce serait une erreur si le procureur-général ne changeait pas son avis juridique », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il était prêt à défendre la nomination s’il devait être appelé devant la Haute-cour de Justice.
« Je n’ai pas l’intention de m’incliner devant quelqu’un qui n’est pas autorisé à prendre de décision sur cette nomination », a clamé Ohana.
Cette désignation survient dans un contexte d’impasse politique qui a laissé l’Etat juif sans gouvernement élu depuis presque un an. Ohana y exerce la fonction de ministre de la Justice par intérim.
Deux élections consécutives, aux mois d’avril et de septembre, ont échoué à mettre en place une coalition ou un gouvernement d’unité. La Knesset s’est dissoute encore une fois la semaine dernière et un troisième scrutin est prévu en date du 2 mars 2020.
Le nouveau procureur d’Etat est habituellement choisi dans le cadre d’une commission spéciale désignée par le ministre de la Justice et présidée par le procureur-général, supérieur direct du procureur d’Etat. Ce dernier bénéficie alors de toute la latitude possible dans le choix d’un candidat.
Dans l’impasse politique actuelle, Mandelblit a déclaré que dans la mesure où Ohana faisait partie d’un gouvernement intérimaire, il n’avait pas l’autorité nécessaire pour mettre en place cette commission.
Ohana n’est en effet autorisé qu’à nommer un procureur d’Etat en titre dont le mandat doit alors être prolongé tous les trois mois.
Netanyahu est mis en examen pour fraude et abus de confiance dans trois dossiers et pour pots-de-vin dans l’un d’entre eux.
Mardi également, la Treizième chaîne a fait savoir que Ginsberg Ben-Ari avait eu des comptes à régler avec Nitzan, son prédécesseur – une situation qui l’avait amenée à se référer à lui sous le surnom de « Hitler ».
Des sources du ministère de la Justice ont expliqué que Ginsberg Ben-Ari s’était disputée avec Nitzan, dans le passé, en raison d’un procès pour meurtre, et qu’elle lui avait ensuite attribué la responsabilité du blocage de sa nomination au poste de procureur de district.
Cette querelle a eu lieu suite à des informations qui avaient été révélées après une condamnation pour meurtre, il y a six ans, et qui auraient pu venir en aide à l’accusé mais qui avaient été gardées secrètes, ont expliqué ces sources.
Les détails du dossier sont placés sous embargo et ne peuvent donc être publiés.
L’incident avait amené Nitzan à retirer son soutien à sa promotion au poste de procureur de district. Depuis, ont ajouté les sources, Ginsberg Ben-Ari a fait part de son mécontentement et elle s’est référée à plusieurs reprises à Nitzan sous les sobriquets de « Hitler » et de « al-Qaida ».