Pour contester les pratiques irrégulières de Levin, les juges quittent la commission
Les magistrats de la Cour suprême dénoncent l’invitation d'experts externes par le ministre de la Justice pour débattre de l'abolition du système d'ancienneté à la tête de la Cour
![Le ministre de la Justice Yariv Levin (4e à partir de la gauche) lors d'une réunion de la commission de sélection des juges, à Jérusalem, le 12 décembre 2024 (Crédit : Michal Dimenshtein/GPO) Le ministre de la Justice Yariv Levin (4e à partir de la gauche) lors d'une réunion de la commission de sélection des juges, à Jérusalem, le 12 décembre 2024 (Crédit : Michal Dimenshtein/GPO)](https://static-cdn.toi-media.com/fr/uploads/2024/12/12.12-Levin1-640x400.png)
Les trois juges de la Cour suprême membres de la commission de sélection des juges ont quitté la réunion de jeudi après que le ministre de la Justice Yariv Levin, qui préside le panel, a invité des experts externes à donner leur avis sur certaines pratiques irrégulières qu’il cherche à mettre en œuvre au sein de la commission.
Le président par intérim de la Cour suprême, Isaac Amit, et les juges Daphne Barak Erez et Noam Sohlberg, ont quitté la réunion après la présentation par Levin des experts externes, qui sont tous de tendance conservatrice.
Dans une lettre adressée à Levin mercredi, les trois juges avaient protesté contre l’invitation de ces experts, affirmant qu’une telle démarche n’avait jamais été pratiquée par la commission auparavant. « Il en a toujours été ainsi, et notre position est que ces dispositions ne devraient pas être modifiées », ont-ils écrit.
Depuis la mise en veille de la refonte judiciaire de Levin l’année dernière, dû en partie au mouvement de protestation croissant, ainsi qu’à la guerre en cours, déclenchée par le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023, le ministre de la Justice refuse de nommer un nouveau président de la Cour suprême ou de pourvoir les sièges vacants.
Dans sa campagne contre le pouvoir judiciaire depuis deux ans, Levin cherche à abolir le système d’ancienneté en vigueur dans l’histoire de la Cour suprême afin de faire nommer Yosef Elron, un conservateur convaincu, à la présidence de la Cour, et il a passé les 13 derniers mois à bloquer la candidature d’Amit à ce poste.
Amit, un libéral, est candidat à la présidence de la Cour suprême et devrait, selon le système d’ancienneté, accéder à ce poste. Sohlberg, un conservateur, est quant à lui le prochain en ligne pour devenir vice-président. Un porte-parole de la Cour a également indiqué que les juges avaient quitté la réunion pour éviter de donner une « mauvaise impression ».
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Amit est devenu président par intérim en octobre, succédant à Uzi Vogelman, lui-même président par intérim après le refus de Yariv Levin d’organiser un vote à la suite du départ à la retraite de l’ancienne présidente Esther Hayut.
Lors de la réunion, les experts invités par Levin — Talia Einhorn, Shuki Segev, et Gidi Sapir — ainsi que Simcha Rothman, député conservateur et président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, ont été conviés à donner leur avis sur les propositions de Levin. Celles-ci incluent la diffusion publique des délibérations de la commission et l’éventuelle suppression du système traditionnel d’ancienneté pour la nomination du président de la Cour suprême.
Un porte-parole de l’autorité judiciaire a justifié le départ des juges en expliquant qu’ils étaient en conflit d’intérêts concernant les discussions sur le système d’ancienneté. Ce système stipule que le juge ayant le plus grand nombre d’années à la Cour est automatiquement désigné pour occuper le poste de président.
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La commission a déjà longuement débattu de la demande très inhabituelle de Levin de diffuser les audiences en public, une proposition sans précédent qui nécessiterait de modifier le règlement interne de la commission.
Dans leur lettre à Levin, les juges ont exprimé leur opposition à cette initiative, soulignant que la diffusion des délibérations nuirait à la confidentialité des discussions et risquerait de créer un « effet dissuasif » sur les participants.
Par ailleurs, la Cour suprême, en sa qualité de Haute Cour de justice, devait tenir jeudi une audience concernant une demande d’ordonnance pour outrage contre Levin, qui n’a pas organisé de vote pour la nomination d’un nouveau président de la Cour suprême au sein de la précédente commission de sélection des juges.
Les juges devaient reprendre l’audience après le départ des experts.
Lundi, le juge Amit a adressé une lettre à Levin, l’exhortant à le rencontrer pour discuter des nominations clés dans le système judiciaire, tout en notant que le ministre avait refusé de le rencontrer, lui et son prédécesseur, au cours des six derniers mois.
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Dans sa lettre à Levin, Amit a souligné la nécessité de procéder à des nominations pour les présidents de tribunaux, les juges principaux, ainsi que les greffiers pour la Cour suprême et le Tribunal national du travail. Il a également mentionné que la désignation des membres de différentes commissions statutaires devait être effectuée, précisant que tout cela exige une coopération entre lui-même et le ministre de la Justice.
« Depuis que j’ai pris mes fonctions de président par intérim de la Cour suprême, j’ai demandé à tenir des réunions hebdomadaires régulières avec vous, dans le but d’assurer le bon fonctionnement du système judiciaire et de continuer à fournir des services juridiques au peuple d’Israël. Malheureusement, ces demandes ont été rejetées », a écrit Amit.
« Pendant environ six mois, depuis juin 2024, date à laquelle vous avez cessé de tenir des réunions de travail régulières avec le président Vogelman, d’importantes questions se sont accumulées qui requièrent une attention conjointe et qui n’ont toujours pas été réglées », a-t-il ajouté.
« Cette situation est directement préjudiciable au bon fonctionnement du système juridique et aux intérêts des justiciables », a déclaré Amit à Levin.
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Une source proche de Levin, citée par la presse israélienne, a réagi en déclarant que « le juge Amit peut se renvoyer la lettre par retour de courrier. Le temps est venu de travailler sans ordres et avec accords. Il n’y a pas de travail en commun uniquement lorsque cela arrange certains, ni d’injonctions de la Cour uniquement lorsque cela leur convient. »
Cette remarque fait référence à un arrêt rendu en septembre par la Haute Cour de justice, obligeant Levin à convoquer la commission de sélection des juges et à élire un nouveau président de la Cour suprême dans les plus brefs délais, après un an de refus.