Pourquoi la circoncision n’est pas une mutilation
Le parlement islandais étudie actuellement un projet de loi punissant la pratique de la circoncision de 6 ans de prison, en l'assimilant à l'excision
Une députée islandaise a créé l’émoi au sein des trois grandes religions monothéistes en proposant d’interdire, au nom des droits de l’enfant, la circoncision pour des motifs non-médicaux, ce qui constituerait une première en Europe, alors que le pays compte quelques milliers de musulmans et autour de 250 juifs.
Assimilant la circoncision à l’excision, le texte déposé par Silja Dögg Gunnarsdóttir prévoit une peine maximum de six ans de prison pour quiconque causerait « des dommages au corps ou à la santé d’un enfant ou d’une femme en enlevant tout ou partie de ses organes sexuels ».
La députée assimile ainsi la circoncision à une mutilation. « Sauf que ce n’est pas ce que dit la science, » explique la journaliste Daphnée Leportois dans un long papier de Slate consacré à cette question.
Si la circoncision touche bien à l’intégrité corporelle, puisque l’on enlève de manière définitive le prepuce de la verge, « on ne peut pas parler de mutilation, il faut être clair », insiste le chirurgien urologue Christian Castagnola, vice-président de l’Association française d’urologie.
La mutilation est entendue ici comme l’ablation d’un organe, non pas d’un prépuce, défini comme « un repli de peau » dont l’absence n’entraîne pas de conséquences néfastes, sauf en cas, notamment, d’infection lors de l’opération.
« Dès 1994 dans le New England Journal of Medicine, rappelle Slate, la médecin soudanaise Nahid Toubia (…) écrivait que ‘la plus légère forme de circoncision féminine, à savoir la clitoridectomie, est anatomiquement équivalente à l’amputation du pénis’ « .
Placer sous la même définition excision et circoncision, comme c’est le cas dans le projet de loi actuellement étudié en Islande, « c’est une vue de l’esprit », explique Isabelle Gillette-Faye, directrice générale de la Fédération nationale GAMS, engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, citée par Slate.
« L’excision, ce n’est pas une circoncision avec ablation du prépuce clitoridien, explique-t-elle. Médicalement, c’est très compliqué d’ôter le capuchon sans toucher les autres organes sexuels externes comme le clitoris et les petites lèvres.»
L’excision est illégale en Islande depuis 2005. Aucune législation n’encadre en revanche l’ablation rituelle du prépuce, pratiquée par une majorité de juifs et de musulmans mais aussi, pour des raisons d’hygiène, en Amérique du Nord.
Sauf justifiée « pour raisons de santé », la circoncision constitue « une violation des droits » des jeunes garçons, indique le texte qui invoque l’article 24 de la Convention des Nations unies sur les droits de l’Enfant.
L’initiative de Mme Gunnarsdóttir est largement symbolique dans un pays de 348 580 habitants qui compte une infime minorité de juifs et de musulmans.
Moins de 1 000 musulmans adhèrent en effet aux deux associations islamiques islandaises, selon l’Institut statistique national, et environ 250 juifs vivraient sur l’île subarctique d’après des estimations.
Au total, une vingtaine de circoncisions seulement auraient été pratiqués depuis 2006, si l’on en croit les données – parcellaires – de la Direction de la Santé. Et devant les réticences des médecins locaux, la plupart des circoncisions rituelles seraient effectuées à l’étranger.