Procès Netanyahu : Un témoin d’État poursuit les procureurs pour agression sexuelle présumée
L'ex-directeur du ministère des Communications, Shlomo Filber, affirme avoir été agressé par l'administration pénitentiaire pour le forcer à témoigner contre le Premier ministre
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Shlomo Filber, témoin d’État dans le procès pour corruption du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a déposé une plainte demandant des millions de shekels de compensation à l’ancien procureur général Avichai Mandelblit et à l’ancien procureur Shai Nitzan, ainsi qu’à plusieurs agences de l’État, pour l’agression sexuelle qu’il dit avoir subie avant d’accepter de témoigner.
Dans la plainte déposée dimanche auprès du tribunal du district central de Lod, Filber réclame 6 millions de NIS de compensation pour l’agression sexuelle qu’il dit avoir subie lors d’une fouille corporelle effectuée par l’Administration pénitentiaire israélienne (IPS).
La plainte a été déposée contre l’IPS et l’unité 433 de la police israélienne chargée des crimes nationaux, ainsi que contre Mandelblit, Nitzan, l’ancienne procureure générale Liat Ben Ari, l’actuelle procureure Yehudit Tirosh et plusieurs autres fonctionnaires du cabinet du procureur général et de l’IPS.
Filber, ancien directeur du ministère des Communications et ancien chef de cabinet de Netanyahu, était un témoin-clé dans l’affaire 4000 contre le Premier ministre. Il est devenu témoin d’État et a déclaré que le Premier ministre lui avait demandé de prendre des décisions qui profitaient financièrement au géant des télécommunications Bezeq, s’incriminant lui-même dans le processus.
Selon l’accusation, Netanyahu aurait ordonné à Filber de prendre ces décisions dans le cadre d’un accord illicite d’échange de bons procédés entre le Premier ministre et le propriétaire de Bezeq, Shaul Elovitch.
Toutefois, lors du contre-interrogatoire au tribunal, Filber a contredit son témoignage initial, affirmant que Netanyahu ne lui avait donné aucune instruction en faveur de Bezeq, avant de se raviser à nouveau et de déclarer au tribunal que son témoignage initial était exact.

Le cabinet du procureur général a demandé la révocation de l’accord de témoignage conclu avec Filber, ce qui pourrait l’exposer à des poursuites judiciaires.
Filber a déjà accusé les enquêteurs de la police d’avoir tenté de le manipuler au cours de leur enquête.
« Dans le cadre de l’arrestation et de l’interrogatoire du requérant, et en particulier dans les phases précédant la signature de l’accord de témoignage d’État, les défendeurs ont fait traverser au requérant les sept cercles de l’enfer dans un réseau de sévices graves dont le point culminant a été un acte brutal de sodomie commis par un gardien de la prison de Hadarim, une nuit avant que [Filber] ne signe un accord de témoignage d’État », affirme l’action en justice de Filber.
L’avocat de Filber, Liron Sharvit, a affirmé dans le procès que l’agression sexuelle qu’il a subie au cours de la procédure d’admission à Hadarim était une tactique planifiée par toutes les personnes figurant sur la liste des défendeurs pour « piétiner la dignité du plaignant, l’humilier et briser son esprit ».
Filber, selon la plainte, aurait signé l’accord de témoignage à cause de ces abus, « alors qu’il était dans un état mental complètement instable, brisé, humilié, [et] après que son humanité lui a été enlevée et que sa dignité a été abaissée au point le plus bas possible ».
L’action en justice comprend un avis médical selon lequel Filber souffre d’un syndrome de stress post-traumatique et de handicaps mentaux à la suite des abus allégués.
Filber a d’abord déclaré aux procureurs que Netanyahu l’avait encouragé à ralentir le rythme des diminutions progressives des paiements que les concurrents de Bezeq devaient effectuer pour utiliser son réseau de télécommunications, ce qui était à l’avantage de Bezeq.
Il a d’abord maintenu ses aveux devant le tribunal, mais lors d’un contre-interrogatoire ultérieur, il a affirmé qu’il avait interprété les commentaires de Netanyahu comme signifiant qu’il devait agir comme il l’entendait et veiller à ce qu’il y ait de la concurrence sur le marché des télécommunications.

Shlomo Filber a ensuite fait volte-face lors d’une nouvelle déposition et a déclaré au tribunal que sa version initiale des événements, telle qu’elle avait été donnée à la police et lors de sa première déposition devant le tribunal, était exacte.
En 2014, Israël a lancé une réforme du commerce de gros afin d’ouvrir le marché de la téléphonie fixe et de l’internet à la concurrence, en raison de la domination du marché par Bezeq à l’époque.
La mise en œuvre de cette réforme a toutefois été bloquée pendant que Filber était directeur général du ministère des Communications.
L’accusation estime que Netanyahu a conclu un accord illégal avec Elovitch en vertu duquel le site web d’information Walla, dont Elovitch est également propriétaire, fournissait une couverture médiatique favorable au Premier ministre qui, en retour, garantissait l’adoption de décisions réglementaires favorables aux intérêts commerciaux d’Elovitch.
Lors de son témoignage au tribunal, Netanyahu a fermement nié l’existence d’un tel accord entre lui-même et Elovitch, et a affirmé avec aplomb que Walla ne lui accordait pas la moindre couverture médiatique positive.