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Que peut l’Etat quand l’antisémitisme est enraciné dans les esprits ?

France Culture tente une définition des 'habits neufs de l'antisémitisme' en compagnie du dessinateur Joann Sfar et du sociologue Samuel Ghiles-Meilhac

Un graffiti de croix gammée trouvé sur une aire de jeu pour enfants du quartier de Stamford Hill, à Londres. (Crédit : Shomrim)
Un graffiti de croix gammée trouvé sur une aire de jeu pour enfants du quartier de Stamford Hill, à Londres. (Crédit : Shomrim)

« L’antisémitisme aujourd’hui a une dimension syncrétique. Il peut à la fois très bien y avoir un antisémitisme qui va se réclamer d’un certain islam, et qui peut puiser dans les ressorts traditionnels de l’antisémitisme européen, » explique au micro de France-Culture, Samuel Ghiles-Meilhac, sociologue, professeur à Sciences Po, et membre du Centre de recherche et de formation sur le racisme et l’antisémitisme (rattaché à l’Institut du temps présent).

Pour lui, les poncifs de l’antisémitisme traditionnel français – comme la figure du juif riche – rencontrent parfois les slogans de l’antisémitisme musulman.

« On le voit ces derniers mois, explique Ghiles-Meilhac, des cambriolages à dimension antisémite en banlieue où des gens sont visés comme juifs, donc perçus comme ayant de l’argent, et au passage on pourra dire ‘Vive Daesh’. On a là tout les éléments qui peuvent fusionner dans des passages à l’acte violents ».

Joann Sfar, autre intervenant de cette émission matinale de France Culture consacrée aux « habits neufs de l’antisémitisme, » a constaté pour sa part un « changement après les meurtres de Mohammed Merah » dans la manière dont les juifs percevaient eux-mêmes l’antisémitisme.

« Avant, explique l’auteur de la série de BD Le chat du rabbin, les personnes dans la communauté étaient prompts à dénoncer un acte antisémite dès qu’il y avait une croix gammée quelque part. Depuis, on a vu que [les attaques contre les juifs] étaient incitatives. Le cimetière où est enterrée ma mère a été profané deux semaines après les attentats de Toulouse ».

Joann Sfar au salon du livre Radio France, 26 novembre 2011 (Crédit : CC BY-SA 3.0)

Le dessinateur rapporte également le témoignage d’un religieux de la mouvance Loubavitch rentrant chaque soir le manteau plein de crachats. Il récuse « l’idée que ce serait le fait d’extrémistes. C’est une paresse intellectuelle générale qui fait que c’est fédérateur et assez cool de s’en prendre aux juifs, » déplore-t-il.

Selon Samuel Giles-Meilhac, « l’état n’est plus assez fort » ou « plus assez légitime » pour lutter contre ces formes de l’antisémitisme ancrées dans des opinions déjà bien digérées et enracinées dans les esprits.

« Et ce malgré la protection physique incarnée par l’opération Sentinelle, et les multiples initiatives gouvernementales contre le racisme et l’antisémitisme portées dans les écoles ».

« Interdire un spectacle de Dieudonné ne permettra pas de lutter » contre l’antisémitisme quotidien, conclut le sociologue.

Selon Joann Sfar, les pouvoirs publics portent une lourde responsabilité dans la désinvolture avec laquelle ils ont laissé venir en France un islam importé « depuis le Golfe et le soft-power des télévisions par cable ».

« On a toléré pendant 30 ans, dit-il, que des types viennent prêcher la haine des homosexuels, le rabaissement des femmes, la haine des Juifs et un mode de vie clanique. On a livré pieds et poings liés les citoyens français de confession musulmane à des fanatiques et 30 ans après, on se réveille ».

Cette émission spéciale, en deux parties, est à réécouter ici et ici.

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