Que quelques jours pour remodeler l’un des piliers de nos dispositifs constitutionnels
La coalition a soumis un nouveau projet de refonte radicale à quelques jours de la date butoir
La confusion s’est encore renforcée d’un cran, lundi, autour du projet de réforme radicale du système judiciaire israélien du gouvernement – alors que la coalition a présenté un nouveau cadre pour procéder à la sélection des juges en Israël à moins de deux semaines de l’échéance qu’elle a elle-même fixée pour l’adoption de la loi qui viendra remodeler la désignation des magistrats dans le pays.
Ayant réalisé la nécessité de modérer – au moins – une partie de l’enveloppe de réformes qui a été largement dénoncée pour sa radicalité avec des critiques qui n’ont cessé d’avertir qu’elle constituait un changement dans la nature même de la gouvernance d’Israël, la coalition a présenté un nouveau plan, rédigé à la hâte, visant à refondre encore une fois les dispositifs constitutionnels délicats d’Israël, et ce, à temps pour la fête de Pessah.
Mais si la coalition affirme que cette nouvelle proposition vient répondre aux inquiétudes des opposants au programme de refonte judiciaire, les conseillers juridiques du gouvernement et des experts ont clairement établi, lundi, que la mesure aurait finalement à peu près le même impact que les propositions qui avaient d’ores et déjà été faites dans le cadre de l’initiative révolutionnaire de réforme du système de la justice en Israël.
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Au cours des deux derniers mois, la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice a débattu pendant des dizaines d’audiences d’un projet de loi visant à changer le processus de sélection des juges et visant également à donner à une coalition au pouvoir le contrôle complet sur toutes les nominations judiciaires.
Le projet de loi proposé, ainsi qu’une législation qui est également soumise et qui vise à réduire de manière radicale les capacités de la Haute-cour de justice à réexaminer les lois adoptées à la Knesset ou les décisions gouvernementales ont été, selon les conseillers juridiques de la Commission, écrits de la manière la plus extrême possible.
Et les artisans de cette entreprise de réforme, le ministre de la Justice Yariv Levin et le président de la Commission de la Constitution Simcha Rothman, ont imposé la deadline la plus serrée pour cette métamorphose constitutionnelle, insistant sur le fait que la législation devait être adoptée à la fin de la session hivernale de la Knesset, le 2 avril.
Cette initiative de réforme judiciaire a entraîné des manifestations massives, tendues, énormes ; le refus inquiétant de certains réservistes de l’armée de l’air de faire leur devoir militaire et de prendre part à leurs entraînements ; l’opposition de secteurs déterminants de l’économie, en particulier de l’industrie technologique ; les critiques des plus grands experts des secteurs de l’économie et des finances ; la dénonciation de nombreux spécialistes du droit, dans le pays et à l’étranger et, de manière décisive, elle a même déconcerté certains des députés les plus modérés appartenant au parti du Likud de Netanyahu.
Face à ces désaccords, face au refus des partis d’opposition de négocier tant que la campagne-coup de poing menée à la Knesset pour faire approuver ces lois à un rythme effréné ne serait pas mise en pause et face également au rejet immédiat, par la coalition, de la proposition alternative qui a été soumise mercredi dernier par le président Isaac Herzog, la majorité au pouvoir a décidé d’amender unilatéralement les mesures envisagées, tentant de calmer le mouvement de protestation – l’un des plus importants de toute l’histoire d’Israël.
Mais ce qui est arrivé depuis dimanche soir s’apparente à une farce.
Rothman a ainsi posé sur la table une nouvelle idée – celle que la coalition pourrait avoir la mainmise sur les deux premières nominations à la Haute-cour survenant sous son mandat, tandis que toute désignation supplémentaire, au cours du même mandat, nécessiterait d’obtenir le soutien d’un député de l’opposition et d’un membre du système judiciaire.
Ce qui représentait une forme de compromis, pour Rothman – un compromis qui permettrait à la droite de remodeler la Haute-cour dans une certaine mesure pendant son mandat actuel à la tête du pays, tout en écartant la perspective d’un contrôle complet et absolu du tribunal.
La coalition a émis ensuite un communiqué dimanche, en pleine nuit, déclarant que sa nouvelle version de la loi sur la Commission de sélection des juges – avec toutes ses complexités et toutes ses nuances – serait approuvée de gré ou de force avant le même dimanche 2 avril, à la date d’échéance qui avait été fixée au mois de janvier.
Ce qui signifie, en pratique, que cette échéance expirera plus tôt – le 30 mars, la Knesset ne se rassemblant que rarement le dimanche.
Même la deadline de trois mois qui avait été décidée, au mois de janvier, par Levin et Rothman pour mettre en œuvre cette refonte radicale du cadre constitutionnel en Israël avait été considérée par de nombreuses personnes comme un délai exceptionnellement court pour traiter de propositions aussi déterminantes, aux conséquences si potentiellement lourdes.
Mais aujourd’hui, le gouvernement insiste en réclamant l’adoption en moins de deux semaines de ce qui est, dans les faits, une proposition complètement nouvelle, et ce en dépit des nombreuses questions qui ont été soulevées au sujet du nouveau projet de loi depuis la diffusion au compte-gouttes de son contenu, dans la nuit de dimanche et dans la matinée de mardi.
La course à l’adoption de cette loi est tellement folle que le conseiller juridique de la Commission de la Constitution, Gur Blaï, a fait remarquer lundi matin que la conseillère juridique de la Knesset n’avait pas pu voir la nouvelle version de la législation et qu’elle ne pouvait pas, en conséquence, affirmer qu’elle lui apporterait son soutien.
Accéléré, amendé, modifié
Le déroulement précis des événements survenus au cours des derniers jours est également intéressant.
Mercredi dernier, Herzog avait annoncé son cadre alternatif qui, selon certains membres de la coalition, aurait pu aider à réduire les désaccords avec l’opposition, donnant le feu vert à l’ouverture de négociations. Finalement, la proposition de Herzog a déplu à la majorité au pouvoir et il est apparu clairement, jeudi matin, qu’elle ne déboucherait finalement sur rien.
Pendant le week-end, la coalition – et Netanyahu lui-même – avait fait part de son désir de modérer les dispositions du projet de loi en l’absence d’engagement de la part de l’opposition et, dimanche matin, Rothman a présenté une nouvelle version de sa législation à la Commission de la Constitution.
Mais ce texte, qui a été amendé et transmis aux députés et aux journalistes, n’était pas celui qui a été proposé dans l’après-midi de dimanche. Il n’était, au fond, qu’une version légèrement modifiée de la législation initiale.
Et ce n’est que dimanche après-midi que le nouveau modèle, avec ses exigences changeantes pour les nominations des juges à la Haute-cour, a été présenté en commission, avec une ébauche brouillonne qui avait été distribuée aux députés dans la matinée de lundi.
Après avoir débattu de la nouvelle version du projet de loi lors d’une seule séance de Commission, lundi, Rothman a publié et distribué le texte final de la législation le même jour, à une heure avancée de la soirée, fixant l’échéance du dépôt des éventuelles objections seulement quelques heures plus tard, mardi à 10 heures du matin.
S’opposant à cette échéance hautement inhabituelle et raccourcie à l’extrême, les leaders de l’opposition Yair Lapid, Benny Gantz, Avigdor Liberman, Meirav Michaeli et Mansour Abbas ont écrit un courrier à Amir Ohana, président de la Knesset, lui demandant de donner pour instruction à Rothman d’organiser une audience supplémentaire sur le projet de loi -une audience qui comprendrait l’intervention et les témoignages d’experts – avant de procéder au vote.
Même certains députés du Likud ont paru déconcertés par la prise en charge fantasque de cette refonte judiciaire de grande envergure.
Le député Danny Danon a ainsi écrit sur Twitter que « ce n’est pas comme ça qu’on procède à une réforme », tandis que des informations qui ont fuité de la réunion hebdomadaire du Likud, à la Knesset, ont laissé entendre que de nombreux législateurs du parti étaient profondément mécontents à la fois de la gestion du processus législatif et de la substance même des nouvelles mesures des deux côtés du débat.
Dans sa déclaration faite dimanche soir, la coalition a affirmé qu’elle continuerait à faire avancer les autres lois entrant dans le cadre de la refonte judiciaire après les vacances de Pessah, notamment le projet visant à limiter largement les capacités de réexamen judiciaire de la part de la Haute-cour.
Mais comme l’ont noté les conseillers de la Commission de la Constitution, chaque mesure prise dans le cadre des réformes judiciaires s’articule aux autres éléments qui la composent. Le contrôle qu’exercera le gouvernement sur les nominations des juges aura forcément des répercussions sur les capacités de la plus haute instance judiciaire du pays à procéder à ses réexamens judiciaires.
Dans l’état actuel des choses, néanmoins, la Knesset va voter sur un élément de la refonte sans savoir quelles en seront les prochaines composantes.
Malgré la confusion, Rothman a annoncé, à la fin de l’audience de mardi, que la commission allait continuer à préparer la loi pour approbation – un vote prévu mardi et qui ouvrira à la législation la porte pour une deuxième lecture et pour une troisième lecture à la Knesset, ce qui permettra à la coalition d’ancrer dans la loi un élément au cœur de la réforme radicale du système judiciaire israélien.
Lapid a averti, lundi matin, qu’il avait bien l’intention de déposer une requête devant la Haute-cour pour dénoncer la législation si elle devait être adoptée, disant qu’il espérait que les magistrats la rejetteraient en estimant qu’elle constitue une prise de contrôle politique et illégale du système de la justice en Israël.
Levin, pour sa part, a fait savoir qu’une éventuelle intervention de la Haute-cour serait « une ligne rouge« , ajoutant : « Nous ne l’accepterons pas ».
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