« Frères d’armes » : Des dizaines de milliers de personnes refuseront de servir
"L'armée se désintègre sous vos yeux et vous avez gardé le silence pendant 11 semaines," déplorent les réservistes en s'adressant au ministère de la Défense du Likud
Le groupe « Frères d’armes », leaders de la protestation des réservistes de Tsahal contre le plan de refonte judiciaire du gouvernement, a annoncé mardi avoir intensifié sa contestation.
Les leaders ont lancé une pétition que les gens peuvent signer pour signaler qu’ils ne se présenteront pas à leur devoir de réserve si la législation controversée venait à être adoptée.
Ils estiment que des dizaines de milliers signeront le texte.
Les organisateurs rappellent que le plan législatif procurera au gouvernement un pouvoir illimité et transformera Israël en « dictature ».
Ils exigent du ministre de la Défense, Yoav Gallant (Likud), qu’il stoppe le processus législatif : « L’armée se désintègre sous vos yeux et vous avez gardé le silence pendant 11 semaines, » déplorent-ils.
Dans un discours prononcé lundi devant les officiers, notamment devant le chef d’état-major Herzi Halevi, Gallant, a dénoncé cette vague d’insubordination au sein de Tsahal, disant qu’elle menaçait la sécurité nationale. « Ce phénomène d’insubordination générale pourrait nuire aux capacités de l’armée de mener à bien ses missions », a-t-il mis en garde.
Gallant aurait, selon des informations, averti Netanyahu qu’il pourrait présenter sa démission si la campagne-coup de poing menée à la Knesset pour faire adopter le projet de réforme du système judiciaire israélien controversé n’était pas ralentie.
Netanyahu aurait répété les propos de Gallant – qui avaient été exprimés en privé – devant le cabinet dimanche, selon les médias israéliens, une initiative qui a pu avoir pour objet de renforcer les pressions sur les membres de la coalition les plus impliqués dans la refonte judiciaire, afin de les amener à assouplir certains de leurs projets. Le ministre Yariv Levin du Likud et le député Simcha Rothman, du parti d’extrême-droite Hatizionout Hadatit et qui est également le président de la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice, sont les principaux artisans de ce paquet de réformes du système de la justice.
Les réservistes rejettent par ailleurs la nouvelle version annoncée cette semaine, selon laquelle la plupart des projets de loi de refonte seront suspendus pendant un mois et demi.
Un projet de loi donnant au gouvernement le contrôle total de la plupart des nominations judiciaires sera lui bientôt adopté : « Ce n’est pas un assouplissement, c’est de la fiction, » ont-ils souligné.
Les manifestants réservistes prévoient de manifester mercredi près du musée Eretz Israël à Tel Aviv, où le Premier ministre Benjamin Netanyahu, la ministre des Transports Miri Regev et le ministre du Logement Yitzhak Goldknopf assisteront à une conférence consacrée au logement.
D’autres militants du groupe « Crime minister » contre la refonte judiciaire se sont filmés en train de réprimander verbalement le ministre de l’Economie Nir Barkat (Likud), l’obligeant à quitter rapidement un restaurant.
« Tu n’as pas honte ? Nous ne pourrons pas aller à l’armée. Honte ! » a dit un militant.
Une autre personne crie : « Voleurs ! Les criminels ! Espèce de fils de pute, immonde. Nous ne vous accorderons pas une minute de repos. »
Ils ont ensuite continué de suivre Barkat jusqu’à sa voiture, le traitant de « lâche en belle chemise » et faisant référence à une série de projets de loi avancés visant à bénéficier personnellement à Netanyahu et au chef du parti Shas, Aryeh Deri.
מפגינים מתפרצים למסעדה ומפריעים לניר ברקת לאכול הוא עוזב את המקום מיד pic.twitter.com/esR4MUPifT
— לירי בורק שביט (@lirishavit) March 21, 2023
Des responsables de l’armée israélienne avaient fait part plus tôt mardi de leur inquiétude face au nombre toujours croissant de réservistes qui refusent de servir, estimant que les capacités opérationnelles de l’armée pourraient en pâtir d’ici un mois, a noté la Radio militaire.
Même si ces défections n’ont pas encore eu d’effet sur les capacités opérationnelles de Tsahal, a continué le reportage, les choses pourraient bien changer dans les semaines à venir – en particulier dans l’armée de l’air qui s’appuie beaucoup sur les réservistes pour ses missions.
Les hauts-responsables militaires ont insisté, pour leur part, sur la nécessité de ne pas impliquer l’armée dans un conflit d’ordre politique. Toutefois, de nombreuses informations indiquent que le mouvement de rébellion des réservistes ne cesse de prendre de l’ampleur.
De surcroît, les soldats se sont inquiétés qu’en l’absence d’un système judiciaire israélien indépendant et considéré comme fiable par les pays étrangers, des poursuites à leur encontre puissent être intentées dans les tribunaux internationaux sur la base d’actions entreprises sur ordre de la hiérarchie pendant leur service.
La coalition de Netanyahu, qui est formée de partis de droite, d’extrême-droite et ultra-religieux, tente actuellement de faire adopter à un rythme effréné des lois qui affaibliraient les capacités de la Haute-cour à agir comme un contre-pouvoir face au parlement et qui prévoient également de donner au gouvernement le contrôle de la Commission chargée de la nomination des juges en Israël. Des initiatives qui ont entraîné, depuis plus de deux mois, un mouvement de protestation massif et les mises en garde croissantes de personnalités publiques qui dénoncent ces réformes. Cela a notamment été le cas du président, de juristes, des chefs d’entreprise et de nombreux autres.