Renvoyer Baharav-Miara, relancer la refonte : Des proches de Netanyahu cherchent des soutiens
La coalition soutient largement ce projet très controversé, mais reporte les conclusions en raison de la demande des partis Haredim de présenter d'abord le texte d’exemption
Les principaux alliés de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu se sont réunis dimanche pour discuter de l’avancement d’une initiative controversée visant à limoger la procureure générale Gali Baharav-Miara. Cette mesure ferait tomber l’un des principaux freins à l’exercice du pouvoir par le gouvernement.
La réunion a également porté sur la reprise éventuelle du programme controversé de refonte du système judiciaire du gouvernement, qui avait été gelé à la suite du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023.
Selon la presse israélienne, malgré le soutien important des dirigeants de la coalition, les décisions finales sur ces questions ont été reportées en raison de l’exigence des partis ultra-orthodoxes – ou Haredim – que la coalition adopte d’abord un projet de loi visant à inscrire dans la loi l’exemption de service militaire de leurs électeurs.
Un projet de loi visant à réglementer l’enrôlement des Haredim est actuellement bloqué au sein de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, dont le président, Yuli Edelstein (Likud), a déclaré qu’il ne serait adopté que si les parlementaires parvenaient à un « large consensus » sur la question.
Une réunion de suivi doit se tenir dans le courant de la semaine – dès lundi, selon le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir – et un projet de nouvelle loi sur l’enrôlement doit être présenté aux chefs de la coalition.
La réunion des chefs de file de la coalition dimanche semble marquer l’étape la plus sérieuse jamais franchie par le gouvernement pour renvoyer Baharav-Miara, une mesure sans précédent qui, selon certains analystes, pourrait déclencher une grave crise de confiance dans le système démocratique israélien.
Elle fait suite aux déclarations du ministre de la Justice, Yariv Levin, samedi soir, qui semblent remettre au goût du jour le projet gouvernemental de refonte du système judiciaire, qui avait été suspendu.
Bien qu’aucune annonce officielle n’ait été faite avant la réunion de dimanche, Ben Gvir a confirmé samedi soir que les dirigeants de la coalition devaient tenir une « discussion importante ».
« C’est le moment de renvoyer la procureure générale chez elle. Nous avons une occasion rare et j’espère que tout le monde sera de la partie », a déclaré l’extrémiste de droite, qui s’est opposé à maintes reprises à Baharav-Miara et qui appelle depuis longtemps à son limogeage en raison de son manque de soutien aux mesures ambitieuses du gouvernement qu’elle a jugées anti-constitutionnelles ou illégales.
Après la réunion de dimanche, Ben Gvir a remercié ses collègues de la coalition pour ce qu’il a décrit comme leur « large accord sur ma demande de révocation de la procureure générale ».
« Lors de la réunion de suivi de demain, je veillerai à ce que la décision d’entamer le processus soit présentée à la réunion du gouvernement dimanche prochain », a-t-il déclaré.
Plusieurs autres députés ont également fait pression pour que Baharav-Miara soit démise de ses fonctions. Le mois dernier, le ministre des Communications, Shlomo Karhi, avait indiqué que treize ministres avaient signé une lettre en faveur de son éviction.
Netanyahu se serait abstenu de participer à certaines parties de la discussion de dimanche concernant la procureure générale en raison d’un accord mis en place pour l’empêcher d’utiliser les pouvoirs du gouvernement dans le but d’influencer son procès criminel en cours pour corruption, fraude et abus de confiance.
« Il s’agit d’une période d’opportunités et de défis », a-t-il déclaré. « Nous devons maintenir la coalition, transmettre la stabilité. Adopter le budget même s’il y a des désaccords, et aller jusqu’au vote. »
Selon les médias israéliens, lors de la réunion de dimanche, le chef du Shas, Aryeh Deri, le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, se sont interrogés sur l’opportunité de relancer la refonte, notamment en y incluant un projet de loi de grande envergure visant à modifier la composition de la commission de sélection des juges. Ils estiment en effet qu’elle serait en fin de compte annulée par la Haute Cour.
Smotrich aurait appelé à la création d’une nouvelle stratégie pour garantir la réussite de la refonte, tandis que Levin et Ben Gvir auraient exigé que la coalition aille de l’avant avec cette loi, et ce même si leurs efforts étaient finalement invalidés par la Cour.
L’année dernière, Levin a été le principal instigateur de l’initiative du gouvernement sur la refonte du système judiciaire, qui visait à faire avancer la loi destinée à affaiblir radicalement l’autorité des juges ou des fonctionnaires de justice à agir comme un contrôle du cabinet ou de la Knesset. Ce projet extrêmement controversé a déclenché des manifestations nationales sans précédent et n’a guère progressé avant d’être mis en attente à la suite de l’assaut barbare et sadique commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, sur le sol israélien et de la guerre qui s’en est suivie dans la bande de Gaza.
Ces dernières semaines, Levin et le pouvoir judiciaire se sont de nouveau affrontés au sujet du refus du ministre de convoquer la commission de sélection des juges et de lui demander de confirmer le juge Isaac Amit au poste de président de la Cour suprême. Levin, qui considère Amit comme trop libéral, a tenté de retarder la nomination d’un an dans l’espoir d’installer des membres de la commission plus en phase avec l’agenda du gouvernement.
Répondant à une décision de justice ordonnant la tenue d’un vote avant le 16 janvier, Levin a publié samedi soir une longue diatribe contre la Haute Cour de justice, qu’il accuse d’usurper le rôle législatif de la Knesset et les pouvoirs exécutifs du gouvernement.
Dans ces conditions, a déclaré le ministre, le gouvernement n’a « pas d’autre choix à l’heure actuelle que d’agir pour rétablir ses pouvoirs ».
« Ils ne nous ont pas laissé le choix. Cela ne peut pas continuer ainsi. Nous aussi, nous avons des droits », a-t-il insisté.
Bien que Levin n’ait pas explicitement indiqué quelles mesures seraient prises à la suite de sa déclaration de samedi, de nombreux médias israéliens ont compris que sa menace concernait le projet de loi de la coalition visant à modifier la composition de la commission de sélection des juges, un projet de loi qui avait été adopté en première lecture par le plénum de la Knesset en février 2023 et qui est donc potentiellement prêt à être rapidement adopté en deuxième et troisième lecture.
Des hauts fonctionnaires de la coalition, dont le nom n’a pas été révélé, se sont confiés à Haaretz et ont déclaré que la menace de Levin de relancer le projet de loi a pour but de pousser la Cour à reporter sa décision, lui donnant ainsi plus de temps pour parvenir à un accord sur le nom du prochain président de la Cour.
Dans un communiqué publié à l’issue de la réunion de dimanche, Saar, un opposant déclaré au projet de refonte de Levin, a indiqué que, bien qu’il soutienne l’avancement de « réformes réfléchies du système judiciaire », il « s’oppose à un retour à la loi proposée en 2023 concernant la commission de sélection des juges ».
Saar, ancien ministre de la Justice, a également déclaré qu’il était favorable à la scission du rôle du procureur général en deux postes : un conseiller juridique en chef du gouvernement et un procureur en chef. Il a toutefois averti « qu’en ce moment, il faut faire preuve d’une grande responsabilité pour éviter d’exacerber les tensions au sein de la société israélienne. Chaque geste doit être réfléchi et prendre en compte les énormes défis sécuritaires et politiques auxquels Israël est confronté et sera confronté dans un avenir proche ».
Réagissant aux efforts de la coalition, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a accusé Levin de « mettre en danger l’État d’Israël » avec « le soutien total de M. Netanyahu ».
« Les responsables de l’échec du 7 octobre tentent à nouveau d’écraser le tribunal, la Knesset et notre démocratie », a déclaré Lapid. « Nous ne permettrons pas au gouvernement de destruction de démanteler Israël et de nous transformer en un État non démocratique. Nous lutterons dans les rues, nous lutterons à la Knesset, nous lutterons dans l’arène juridique. Nous ne les laisserons pas nous infliger un nouveau désastre. »
Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a également critiqué Levin, déclarant qu’ « au lieu de démissionner et de s’excuser auprès de la société israélienne pour le rôle énorme qu’il a joué dans le désastre que nous avons vécu, au lieu d’assumer la responsabilité de la crise que nous avons traversée, il essaie de nous ramener au 6 octobre [2023] », lorsque le pays était déchiré par le projet de refonte du système judiciaire.