Scotland Yard enquête sur les accusations d’antisémitisme au Labour
Le chef de la police a dit vérifier si 45 cas présentés dans un document en interne qui a fuité constituent des délits de haine que le parti aurait laissé s'aggraver
La police de Londres a expliqué mardi qu’elle va enquêter sur un dossier du Labour qui a fuité et qui contient des douzaines d’allégations d’antisémitisme de la part de membres du parti.
Le responsable de Scotland Yard, Cressida Dick, a promis de vérifier si les cas mentionnés dans ce document interne – obtenu par la radio LBC de Londres – peuvent constituer des crimes de haine.
Le dossier regroupe 45 déclarations de comportements antisémites de la part de membres du parti. Il est impossible de dire pour le moment si le parti a couvert ces affaires.
« Nous allons les étudier avec minutie et nous verrons s’ils constituent un délit », a commenté Dick au micro de LBC. « Et je vais bien sûr confier cette tâche à mes experts ».
Un ancien inspecteur spécialisé dans les crimes de haine pour la police et qui a lu le dossier a indiqué au Telegraph qu’il estimait qu’au moins 21 incidents relatés méritaient une enquête plus poussée de la part des forces de l’ordre.
Dans un des cas, un membre du parti travailliste dit ainsi : « Devons-nous nous débarrasser des Juifs qui sont un cancer qui nous ronge tous ? ». Un autre appelle un enfant un « petit juif » tandis qu’un troisième suggère encore de jeter d’une falaise des députés juifs durant un événement caritatif d’escalade. Un quatrième, pour sa part, clame que les « députés sionistes extrémistes » se feront « botter le c…l ».
Le journal Evening Standard a fait savoir qu’il était possible que les affaires soient actuellement examinées par la commission disciplinaire interne du Labour.
Mais Simon Johnson, directeur-général du Jewish Leadership Council, a déclaré que « s’il y a suffisamment d’affaires qui se révèlent assez graves pour être confiées à la police et que pourtant, le Labour a traîné des pieds lorsqu’il a fallu les prendre en charge, alors ce dossier contribuera clairement au manque total de confiance que porte la communauté juive à la formation ».
Il a ajouté que si le responsable du parti Jeremy Corbyn « avait été un leader compétent au sein du Labour, il aurait déjà pris en charge ces cas d’antisémitisme il y a des mois. Il aurait débarrassé le parti de la souillure qu’il porte dorénavant ».
Cela fait longtemps que les leaders juifs accusent le parti de ne pas prendre au sérieux les accusations d’un antisémitisme enraciné dans la formation.
Au début de l’année, Jeremy Newmark, à la tête du Jewish Labour Movement, a estimé qu’il y avait une « importante accumulation de cas impliquant un antisémitisme présumé qui semblent être bloqués dans le système, parfois depuis plus d’un an ».
Les responsables du Labour se sont rencontrés mardi pour décider de l’adoption complète d’une définition internationale de l’antisémitisme après des querelles internes sur le sujet, alors que les liens avec la communauté juive tournent de plus en plus à l’aigre.
L’instance gouvernante du parti avait décidé, au début de l’été, de n’accepter qu’une définition partielle de celle établie par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), réamorçant une dispute de longue haleine sur l’antisémitisme au sein du parti – qui a mené aux craintes d’une fracture officielle.
Les responsables du Labour ont affirmé que la définition de l’antisémitisme, signée par 31 pays et utilisé par de nombreuses institutions juives, comprend la critique légitime d’Israël.
Corbyn, un militant pro-palestinien vétéran, a été très critiqué en raison de propos, actions et rencontres passées.
L’ancien grand rabbin britannique Jonathan Sacks a déclaré que Corbyn était un antisémite dangereux, et il l’a accusé d’apporter du « soutien aux racistes, terroristes et vendeurs de haine, qui veulent tuer des Juifs et faire disparaître Israël de la carte ».
Sacks a indiqué dimanche que la majorité des Juifs se demandent actuellement si la Grande-Bretagne est un endroit où ils pourront élever leurs enfants en sécurité.
Le député vétéran du Labour Frank Field, qui siège depuis presque 40 ans à la Chambre des communes, a quitté le groupe parlementaire de la formation jeudi en raison des allégations croissantes d’antisémitisme.
Dans une lettre au parti, il a indiqué que le leadership de Corbyn marquait une ‘érosion des valeurs qui ont toujours été à notre coeur’. »
The Times a fait savoir dimanche qu’un groupe de 15 députés du Labour étaient sur le point de partir et de former un nouveau parti, frustrés par la gestion du scandale de l’antisémitisme.
Au mois de juillet, trois journaux juifs britanniques, habituellement concurrents, s’étaient réunis en publiant le même éditorial en Une mettant en garde contre la « menace existentielle » que représenterait un gouvernement dirigé par Corbyn pour la communauté juive.