Sous le feu des tirs iraniens, les nuits meurtrières laissent place à des journées pleines de vie
Alors que les Israéliens, légendairement stoïques, s'habituent à ces bombardements nocturnes devenus une routine depuis vendredi, la vie continue comme d'habitude pendant la journée

JTA — Les déflagrations provoquées par les frappes de missiles iraniennes dans la nuit ont été ressenties dans toute la région, y compris chez moi, à Jaffa. Cela m’a rappelé les scènes du Blitz, lorsque les nazis bombardaient l’Angleterre chaque nuit, et m’a ramenée à mon enfance londonienne.
À l’époque, les Britanniques se précipitaient dans les stations de métro pour attendre ensemble la fin des bombardements nocturnes, avant de ressortir et de reprendre le cours de leur vie – un schéma que les Israéliens ont semblé reproduire au cours des premiers jours éprouvants de la guerre contre l’Iran.
Après quatre jours de frappes de missiles iraniens ayant fait 24 morts, des centaines de blessés et des milliers de sans-abri, Israël est confronté à une nouvelle ambivalence : la peur de l’avenir et les efforts pour maintenir un semblant de normalité.
Lundi après-midi, malgré les ravages, les plages étaient bondées, les magasins encore plus, et beaucoup de gens étaient retournés au travail, oscillant entre anxiété et routine.
Dimanche soir, Gabriella Turner, une habitante de Jérusalem, était venue aider sa sœur Aydan dans le centre-ville de Tel Aviv à s’occuper de son neveu J.J., âgé de 2 ans. Aydan était tombée malade à la suite d’une intoxication alimentaire. Lorsque les sirènes d’alerte ont retenti, elles se sont réfugiées dans le mamad – abri anti-atomique – de l’appartement.
« Tout à coup, il y a eu une énorme déflagration, et tout a tremblé comme si le sol se dérobait sous nos pieds », a décrit Turner.
« Nous nous sommes en quelque sorte envolées l’une vers l’autre et, l’espace d’une seconde, j’ai vraiment cru que le bâtiment avait été touché. Je suis restée figée, pensant : ‘Et si je ne peux pas sortir ?’ »

« Mon neveu J.J. était terrifié. Nous avons essayé de lui expliquer que tout allait bien se passer, que ce n’était qu’une explosion, mais nous n’en étions même pas sûrs », s’est-elle souvenue.
Quand ils ont finalement osé regarder à l’extérieur, ils ont vu que l’hôtel voisin avait été touché de plein fouet, protégeant ainsi leur propre bâtiment. Sa façade était détruite, des voitures étaient en feu et les devantures des magasins étaient réduites en ruines.
« Le plus effrayant, c’est de savoir que ces missiles ne visent pas des soldats ou des sites militaires, mais des maisons, des familles, un bébé qui dort dans son berceau », a déclaré Turner.
« Ce qui reste dans votre esprit, c’est le fait que quelqu’un ait voulu que cela arrive, et c’est complètement fou à mes yeux. »
Ailleurs dans le nord de Tel Aviv, un missile a frappé un immeuble d’habitation près du domicile de Kate Leaman, une analyste de marché originaire du Royaume-Uni. L’explosion a secoué son immeuble. « J’ai eu l’impression qu’une bombe avait explosé sur mon immeuble », a-t-elle déclaré.
Leaman a expliqué que depuis la première nuit des frappes iraniennes, elle et son ex-mari avaient décidé de séparer leurs deux enfants car, selon elle, « quand ils sont ensemble, c’est le chaos ».
« C’est une solution temporaire pour traverser cette période. Même nous, les adultes, sommes trop stressés, c’est trop difficile. »
L’enseignante de sa fille n’a pas pu donner son cours prévu sur Zoom lundi matin, car sa maison avait été détruite. Leaman devait participer à une réunion professionnelle, mais elle avait beaucoup de mal à se concentrer.

« J’écris habituellement sur l’actualité financière et je n’ai jamais manqué un jour, ni pendant les tirs de roquettes du Hamas, ni pendant la pandémie du COVID. Mais aujourd’hui, je n’ai pas pu », a-t-elle confié.
« Mais mes collègues israéliens font comme si tout était normal. Les Israéliens sont d’une autre trempe que nous, n’est-ce pas ? »
Dans l’après-midi, les plages le long de la côte de Tel Aviv étaient bondées de joueurs de volley-ball et de football, mais la plupart d’entre eux étaient de jeunes gens, avec peu d’enfants ou de familles en vue.
La veille, à Bat Yam, où un missile avait frappé un immeuble résidentiel la nuit précédente, tuant neuf personnes dont trois enfants, la rue principale était ouverte et animée. Les magasins dont les vitrines avaient été brisées par la déflagration continuaient à servir leurs clients. Le propriétaire d’un magasin de chaussures a haussé les épaules : « Pourquoi resterais-je chez moi ? Qu’est-ce que j’y ferai ? »

Sur le site de la frappe de Bat Yam, où le Premier ministre Benjamin Netanyahu venait de se rendre, la police maintenait un cordon de sécurité tandis que des soldats recevaient des boissons énergisantes. Un camion de sensibilisation du mouvement hassidique Habad Loubavitch, connu sous le nom de « mitzvah tank », diffusait de la musique à proximité, tandis qu’une autre camionnette appartenant à la branche du mouvement hassidique Breslev, une communauté connue pour danser sur le toit de ses véhicules, restait immobile et silencieuse. Son conducteur, qui était venu à Bat Yam depuis son domicile situé sur le plateau du Golan, a expliqué qu’il avait espéré remonter le moral des troupes avec de la musique, mais qu’il avait changé d’avis après son arrivée.
« Ça ne me semblait pas tout à fait approprié », a-t-il expliqué. « Mais quand ce sera le cas, je mettrai la musique à fond. Chacun a son rôle à jouer. L’un apporte de la nourriture, un autre les premiers soins, un autre encore apporte de la joie. »
Les scènes de dévastation ont également ravivé le débat sur les infrastructures de protection civile en Israël, lundi. En visite sur le site de Bat Yam, le contrôleur de l’État, Matanyahu Englman, a souligné qu’environ un quart de la population israélienne n’avait pas accès à des abris anti-bombes adéquats. Dans les groupes WhatsApp locaux, les Israéliens se sont demandé lesquels des miklatim – les abris anti-atomique publics – ou des mamadim offraient une meilleure protection. Un internaute a insisté sur le fait que les abris souterrains étaient plus sûrs, tandis qu’un autre a souligné que de nombreux abris publics étaient vieux de plusieurs décennies, mal entretenus et non conçus pour faire face aux menaces modernes. D’autres ont souligné que si les mamadim sont conçus pour absorber les ondes de choc et les éclats d’obus, ils n’ont jamais été testés contre le type de missiles balistiques lourds tirés par l’Iran.
« Mieux vaut être dans un mamad que de risquer d’être enseveli sous les décombres », a écrit une personne, en référence aux nouvelles pièces sécurisées aménagées dans les habitations.

Les débats se sont étendus aux aspects pratiques de l’hébergement : certains ont rapporté que leurs miklatim étaient étouffants après que des vandales eurent volé les climatiseurs ; d’autres ont exprimé leur mécontentement face au refus de leurs voisins de fermer la lourde porte blindée, malgré des avertissements répétés. Dans un cas, un voisin est même allé jusqu’à utiliser une bouteille en plastique pour montrer qu’il était relativement facile de l’écraser avec ou sans son bouchon.
Yana, qui vit près du site de l’attaque de Bat Yam, a déclaré qu’elle restait généralement dans la cage d’escalier pendant les attaques des groupes terroristes palestinien du Hamas et des Houthis plutôt que de se rendre dans les abris publics.
« Je me sens mal de laisser mes chats seuls. Mais cette fois, j’ai senti que je devais partir. Ce ne sont pas des tirs depuis Gaza », a-t-elle expliqué.
Non loin de là, Rom, un adolescent avec un grand tatouage sur le tibia, a déclaré être venu « pour voir les jolies policières ».
Comme Yana, il n’avait pas d’abri chez lui. « Mais je ne bouge pas. Je m’assois sur mon canapé et j’attends ces salauds d’Iraniens », a-t-il déclaré.
« Si c’est mon heure, c’est mon heure. Dieu me protégera. »
Vers 16 heures, lorsque les alertes ont retenti à nouveau, les gens ont accéléré le pas, mais sans montrer de panique. Notre reporter a cherché un abri, sans succès, dans un centre de santé et une banque. Lorsque les sirènes ont retenti, l’ambiance a changé et les gens se sont précipités dans les rues. Un homme orthodoxe debout sur le trottoir a pointé du doigt les escaliers menant à une synagogue.
Au début, il n’y avait personne d’autre. Je me suis assise à côté de l’Arche, me souvenant vaguement des nombreuses publications sur les réseaux sociaux montrant des rouleaux de la Torah qui avaient miraculeusement survécu intacts aux attaques précédentes, et pensant que cela pourrait être ma meilleure chance de survie. Mais l’homme est revenu et m’a fait signe de me déplacer, en montrant les panneaux du plafond au-dessus de nous, détruits par les ondes de choc de l’attaque de la nuit précédente. Je me suis assise à côté d’une femme vêtue d’un débardeur qui lisait des Psaumes.

« Il n’y a pas de réseau ici, que pouvons-nous faire d’autre ? », m’a-t-elle demandé.
Une autre femme, Jenny, originaire du Congo, qui vit en Israël depuis seize ans, avait visiblement reçu l’alerte et montrait à d’autres personnes son application « Tzéva Adom », qui était remplie de points rouges indiquant les endroits où les sirènes d’alerte avaient été activées.
Elle était en route pour rendre visite à des proches hospitalisés à la suite de l’attaque de Bat Yam — sa sœur, son beau-frère et son frère — lorsque les sirènes ont retenti à nouveau. Son neveu de 8 mois, physiquement indemne, avait perdu connaissance pendant la nuit.
« Hier, il riait, souriait, mangeait. Aujourd’hui, il ne fait plus rien de tout cela », a raconté Jenny.

« J’ai de l’hypertension, qui commençait à se stabiliser après presque deux ans avec le Hamas, mais maintenant, elle est en train de monter en flèche », a-t-elle déclaré.
« Je sais que Dieu œuvre sans relâche pour ce pays, mais j’ai tout de même très, très peur. »
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