Steve Witkoff, Israël compte sur vous pour nous sortir de cette impardonnable impasse
Alors que le Hamas se réarme et qu'aucun otage n'est libéré, votre première tâche est de faire en sorte que Netanyahu ait plus peur de vous et de Trump que de sa coalition
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Cher Envoyé spécial Witkoff,
Vous vous êtes investi dans votre rôle d’envoyé au Moyen-Orient avec clarté et compassion. Le peuple israélien, et plus particulièrement les familles des 59 otages toujours détenus par le Hamas à Gaza, comptent désormais sur vous pour qu’ils soient rapidement ramenés chez eux, avant que certains des 24 otages qui, selon nous, sont encore en vie, ne rejoignent les 35 que nous savons déjà morts.
Nos concitoyens se tournent vers vous car notre Premier ministre hésite, son jugement étant obscurci par ses intérêts politiques. Une majorité d’Israéliens veut qu’il démissionne – il était à la tête du pays le 7 octobre 2003, mais refuse d’admettre que la responsabilité lui incombe. La plupart des Israéliens sont catégoriques : nous avons besoin d’une commission d’enquête puissante pour établir le tableau le plus complet possible de ce qui a si terriblement mal tourné, de la façon dont nos dirigeants politiques et militaires ont baissé la garde et permis au Hamas de perpétrer son massacre.
Toutefois, le Premier ministre refuse de cautionner ce type d’enquête parce qu’il sait que ses conclusions lui seraient politiquement fatales. La moitié des Israéliens pensent que votre patron, le président Donald Trump, se soucie plus des otages que Netanyahu. Comme vous le savez, de nombreux otages libérés et familles d’otages partagent fortement cette opinion.
Il y a près de deux mois, vous avez contribué à finaliser notre accord avec le Hamas qui, dans sa première phase, a permis la libération de 33 otages (25 vivants et huit morts) et qui devait se poursuivre par une deuxième phase, au cours de laquelle le reste des otages vivants seraient libérés en échange d’une autre vaste quantité de terroristes palestiniens meurtriers de masse, du retrait complet de l’armée israélienne de Gaza et de la fin définitive de la guerre.
Notre Premier ministre, qui avait approuvé cet accord et l’avait transmis à vos prédécesseurs en mai dernier, a ensuite cherché à le modifier et a décidé de ne pas en demander la mise en œuvre durant plusieurs mois, invoquant des prétextes tels que l’affirmation qu’Israël ne serait jamais autorisé à reprendre les combats contre le Hamas s’il acceptait un arrêt complet des hostilités, ou encore que l’existence même d’Israël dépend de la présence de Tsahal le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte. Et puis, après votre contribution qui a permis que la première phase de 42 jours se poursuive, il a refusé d’honorer la disposition de l’accord visant à entamer les pourparlers sur la deuxième phase.

Pourquoi tant d’hésitation de la part du Premier ministre ? Parce que Netanyahu craint que, s’il acceptait de mettre fin à la guerre conformément aux modalités de la phase 2 , sa coalition s’effondrerait et il perdrait le pouvoir. Il se trompe sur ces deux points. Son partenaire d’extrême-droite de la coalition, Bezalel Smotrich, qui ne cesse de menacer et d’insister bruyamment pour un retour à la guerre et contre la deuxième phase, ne fera pas si facilement tomber le gouvernement – il sait que ses électeurs ne lui pardonneraient pas. De plus, l’opposition fournira un filet de sécurité parlementaire à Netanyahu tant qu’il prendra les mesures nécessaires pour ramener tous les otages à la maison.
Netanyahu craint également que l’un – voire les deux – partis ultra-orthodoxes ne condamnent son gouvernement s’il ne fait pas adopter une loi consacrant l’exemption indéfendable de leur communauté du service militaire – une inégalité toujours scandaleuse qui est devenue corrosive dans une nation qui se défend sur plusieurs fronts avec un nombre insuffisant de soldats et un fardeau colossal pour les réservistes. Mais là encore, il se trompe.

Les maîtres chanteurs ultra-orthodoxes savent pertinemment qu’il n’existe aucune autre coalition potentielle qui serait plus accommodante à leurs demandes, plus susceptible de céder à leur chantage politique. Mais comme il le fait depuis qu’il a mis en place ce gouvernement – le plus déconnecté et le plus incompétent de l’histoire de notre pays – en donnant un pouvoir et une autorité immenses aux partis d’extrême-droite et ultra-orthodoxes, Netanyahu, terrifié à l’idée de perdre sa majorité, continue de se mettre en position de demandeur auprès de ceux qui ont plus besoin de lui que lui d’eux.
Netanyahu pourrait changer de position sur les otages et l’orientation de la guerre à la fin du mois, une fois qu’il aura fait voter le budget de l’État pour 2025 et évité l’effondrement automatique de son gouvernement qui se produirait s’il n’y parvenait pas avant le 31 mars. Mais cette date butoir est dans près de trois semaines et, d’ici là, il a plongé Israël et, plus particulièrement, les otages dans une incertitude impardonnable.

Nous savons maintenant de source sûre, grâce à des survivants héroïques de la captivité tels qu’Eli Sharabi, que chaque jour est potentiellement le dernier pour les otages enchaînés, affamés, torturés et maltraités dans les tunnels du Hamas. Et pourtant, chaque jour depuis près de deux semaines, le Hamas profite du cessez-le-feu en cours pour se reconstituer, recruter et se réarmer, dans le seul et unique but de tuer davantage d’entre nous, sans aucune obligation de libérer les otages. Comme ma collègue Biranit Goren l’a fait remarquer il y a deux jours, Netanyahu a publiquement insisté tout au long de la guerre sur le fait qu’une pression militaire intense et soutenue était essentielle à la fois pour anéantir le Hamas et permettre la libération des otages. Pourtant, il a choisi d’interrompre ces deux processus, de lever la pression militaire et de retarder la libération des captifs.
Votre collègue Adam Boehler a démontré, lors de sa lamentable série d’interviews télévisées de dimanche, qu’il comprenait bien moins que quiconque ce que représente et vise le Hamas. Sa stratégie déclarée était
« d’identifier les ‘aspects humains’ de ces personnes et de progresser à partir de là » ? ! ? – et qu’il était dangereusement incompétent pour les négociations directes à haut risque et ultrasensibles avec le Hamas qui lui avaient été confiées. Ce n’est pas vraiment un compliment de dire que vous êtes sûrement plus compétent.

Et donc, un Israël entouré d’ennemis génocidaires dépravés, cyniques, rusés et très sérieux, et simultanément mal dirigé par des politiciens égoïstes qui, sans avoir tiré les leçons du passé, se préparent à nouveau à déchirer le pays en relançant le vote d’un projet de loi extrêmement controversé visant à affaiblir notre système judiciaire. Eh bien, notre Israël se tourne vers vous, M. Witkoff.
Faites aujourd’hui au Qatar ce que vous avez déjà prouvé une fois que vous pouviez faire : finaliser les termes d’un accord, le meilleur accord possible, pour faire sortir les otages de cet enfer. Le Hamas prétend s’engager dans le cadre qui a été convenu en votre présence en janvier, mais vous savez qu’il violera le cessez-le-feu, donnant ainsi à Israël toute légitimité pour reprendre ses efforts visant à détruire ses capacités armées une fois les otages libérés. Le jour venu, vous pourrez également coordonner un processus régional pour empêcher que des terroristes génocidaires ne reprennent le contrôle de Gaza, même si, comme vous le savez probablement, expatrier en masse les Gazaouis en Égypte et en Jordanie n’est pas la meilleure solution.
Pour l’instant, en revanche, votre priorité aujourd’hui doit être de faire en sorte que Netanyahu ait plus peur de vous et de votre président que de ses partenaires de coalition, les suprémacistes juifs d’extrême-droite et les ultra-orthodoxes non sionistes. Vous devez faire comprendre à Netanyahu et à ses alliés que la libération des otages ne marquera pas la fin de la bataille contre le Hamas. En réalité, elle rendra la bataille moins complexe, puisqu’il n’y aura plus de zones interdites où Tsahal ne pourra pas s’aventurer par crainte de tuer l’un des nôtres. Que le Hamas n’aura nulle part où se cacher. Que les dirigeants israéliens qui n’ont pas su protéger leurs citoyens le 7 octobre auront au moins sauvé toutes les vies qu’il était encore possible de sauver, ramené les morts chez eux pour les enterrer et permis le début de notre guérison nationale.
Et que la Maison Blanche, comme Trump l’a explicitement déclaré il y a une semaine après avoir reçu huit ex-otages dans le Bureau ovale et avoir entendu leurs récits d’horreur de captivité, continuera à « envoyer à Israël tout ce dont il a besoin pour finir le travail ».
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