Strauss cesse ses pubs sur la 14e chaîne après l’appel d’un avocat à libérer Yigal Amir
Le géant israélien de l'alimentation cite des "propos offensants" faits sur la chaîne d'extrême droite, qui n'invitera plus Ari Shamai, avocat de l’assassin de Rabin pour ses propos

Le fabricant alimentaire israélien Strauss Group a annoncé lundi que la société cesserait de faire de la publicité sur la Quatorzième chaîne, une chaîne conservatrice pro-Netanyahu parfois comparée à Fox News, après l’appel d’un intervenant à la libération de Yigal Amir, l’assassin du Premier ministre Yitzhak Rabin.
La Quatorzième chaîne a dit qu’elle n’invitera plus Ari Shamai peu après ses remarques et Strauss, l’un des plus grands fabricants de produits alimentaires d’Israël, a envoyé une lettre à la chaîne indiquant que « suite aux nombreux propos offensants exprimés dans les programmes de la chaîne », la société a décidé, en accord avec ses lignes directrices internes en matière d’éthique, d’annuler ses publicités.
La lettre indique que Strauss ne reconsidérera la possibilité de faire de la publicité sur la Quatorzième chaîne, connue pour son approche souvent incendiaire de l’actualité, qu’à partir du moment où le fabricant sera entièrement satisfait que la chaîne fonctionne dans le respect de ses lignes directrices éthiques.
En réponse à la décision de Strauss, la Quatorzième chaîne a publié un communiqué, affirmant que cette décision était une « manifestation honteuse de leur condescendance et de leur tentative de rééduquer les centaines de milliers de téléspectateurs de la Quatorzième chaîne. Strauss gagnerait à se concentrer sur la qualité de ses produits au lieu d’essayer de faire la leçon à la population. »
Les propos tenus par Shamai dimanche dans le cadre d’une discussion sur l’émission de débats populaire de la Quatorzième chaîne, « The Patriots« , portaient sur l’arrêt rendu dimanche par la Haute Cour, selon lequel une loi récemment adoptée par la Knesset a été spécifiquement conçue pour permettre à Boaz Yosef, maire par intérim de Tibériade et proche du président du parti Shas, Aryeh Deri, de briguer un mandat, et ne doit donc entrer en vigueur qu’après les élections municipales du 31 octobre.
« Je suis heureux d’entendre une déclaration selon laquelle la Haute Cour de justice et la Cour suprême sont opposées aux lois personnelles. Si c’est le cas, le moment est venu de libérer l’assassin Yigal Amir parce qu’il existe des lois personnelles contre lui », a affirmé Shamai, dont les propos ont été opposés par les autres membres du panel, mais applaudi par le public du studio de l’émission. L’animateur Yinon Magal a déclaré : « Nous n’allons pas entrer dans ce débat ».

Shamai semblait faire référence à une loi adoptée en 2001, appelée familièrement « la loi Yigal Amir », qui interdit aux commissions de libération conditionnelle de gracier ou de commuer la peine d’un prisonnier condamné pour le meurtre d’un Premier ministre pour des raisons politiques.
La Quatorzième chaîne a rapidement désavoué la remarque de Shamai et a déclaré qu’il ne serait plus invité à l’émission ni sur la chaîne.
« Les graves remarques d’Ari Shamai ne représentent que son point de vue. Compte tenu de la gravité de la question, Shamai ne sera plus invité à participer aux programmes de la chaîne », a déclaré la chaîne dans un communiqué.
Shamai, avocat et personnalité des médias, a eu plusieurs clients très médiatisés au cours de sa carrière, notamment Gonen Segev, ancien ministre de l’Énergie condamné pour espionnage au profit de l’Iran, des membres du fan club extrémiste du Beitar Jérusalem, La Familia, et Ronnie Leibowitz, un braqueur de banque en série bien connu.
Les déclarations de Shamai ont été faites lors de sa première apparition sur la Quatorzième chaîne après avoir été suspendu pendant cinq mois pour avoir dit que les manifestants contre la réforme judiciaire du gouvernement étaient les descendants des juifs du ghetto de Varsovie qui ont refusé de se battre contre les nazis lors de l’insurrection du ghetto.
Shamai n’a exprimé de remords pour aucune de ses déclarations lors d’interviews à la radio accordées à la suite de sa dernière exclusion.

Rabin a été assassiné le 4 novembre 1995 par Yigal Amir, un juif extrémiste opposé aux accords d’Oslo de 1993, en vertu desquels Israël allait transférer des territoires en Cisjordanie sous le contrôle des Palestiniens. Yigal Amir a revendiqué la légitimité religieuse du meurtre et a déclaré avoir été motivé à tuer Rabin par les résultats des élections de 1992 qui ont porté au pouvoir le leader du parti Avoda et par le massacre de 29 Palestiniens perpétré par le terroriste juif Baruch Goldstein à Hébron en 1994.
Amir a tiré sur Rabin à la fin d’un grand rassemblement pour la paix à Tel Aviv, organisé pour marquer l’opposition à toute violence et montrer le soutien du public à ses efforts de négociation avec les Palestiniens.
Deux ministres d’extrême droite de l’actuelle coalition de droite dure du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont tenu des propos controversés au sujet du meurtre.
L’année dernière, Bezalel Smotrich, chef du parti HaTzionout HaDatit et actuel ministre des Finances, a suscité l’indignation lors d’un événement commémoratif en déclarant que la responsabilité de l’assassinat incombait à l’agence de sécurité israélienne du Shin Bet, affirmant que ce dernier avait eu recours à des « manipulations » qui avaient encouragé un extrémiste de droite à aller jusqu’au bout de son projet de meurtre. Il a assuré que la rhétorique sanglante de la droite à l’encontre de Rabin à l’époque n’avait joué aucun rôle dans l’incitation au meurtre.
Le chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, actuellement ministre de la Sécurité nationale, a attiré l’attention du pays pour la première fois lorsqu’il a été interviewé après avoir réussi à voler l’insigne du véhicule de Rabin. « Nous avons atteint sa voiture et nous l’atteindrons lui aussi », a déclaré Ben Gvir, 18 ans, quelques semaines avant l’assassinat de 1995.
Ben Gvir soutient que la séquence vidéo a été coupée de manière à ne pas inclure la partie suivante, où on lui demande ce qu’il ferait s’il parvenait à atteindre Rabin en personne, ce à quoi le jeune militant d’extrême droite aurait répondu : « Je lui crierais dessus ».
Ben Gvir a par la suite fait campagne pour la libération d’Amir et, il s’est même engagé, lors de campagnes électorales précédentes, à gracier Amir s’il était élu.