Sur fond de Tisha BeAv, Netanyahu lance un processus d’autodestruction impardonnable
Tout en appuyant l'idée des pourparlers pour une refonte basée sur le consensus, la coalition s'empresse de faire approuver le projet de loi sur la "raisonnabilité"
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui, dès son retour au pouvoir en décembre, a immédiatement lancé ce processus impardonnable de destruction des freins et contrepoids démocratiques d’Israël en neutralisant la Haute Cour, semble plus déterminé que jamais à le mener à bien.
Lors de sa conversation téléphonique fatidique avec Joe Biden lundi, selon le compte-rendu de son propre bureau, il a dit au président américain que le premier élément du paquet de réformes – interdisant aux tribunaux d’utiliser la notion juridique du « caractère raisonnable » pour examiner les décisions du gouvernement et des ministres – serait approuvé par la Knesset la semaine prochaine.
Tout en assurant qu’il chercherait à obtenir un consensus plus large sur les autres éléments à venir de son paquet de réformes – qui comprend des lois visant à donner à la coalition gouvernementale un contrôle quasi-absolu sur la nomination des juges et à réduire radicalement la capacité de la Haute Cour à protéger les droits fondamentaux des Israéliens contre les abus du gouvernement – il a également déclaré au président que de tels efforts étaient probablement inutiles, puisque, selon lui, l’opposition n’était pas disposée à négocier un compromis et n’était pas en mesure de le faire.
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Pour Netanyahu, comme c’est le cas depuis le début de la campagne électorale de l’année dernière – lorsqu’il a tout fait, y compris intégrer des politiciens racistes, homophobes, misogynes et suprémacistes juifs, afin de maximiser ses chances de victoire – l’équation a toujours été simple : s’il ne met pas les tribunaux sur la touche et ne permet pas à ses partenaires de coalition d’adopter des lois que les juges auraient sinon invalidées, il est politiquement fini.
Il s’agissait et il s’agit toujours d’un choix entre la refonte et l’abandon.
Et Netanyahu a suivi avec détermination son chemin dévastateur depuis la première semaine où son gouvernement, rassemblant Likud, extrême-droite et ultra-orthodoxes, a pris ses fonctions. Lorsqu’il a fait une pause en mars, c’était par nécessité plutôt que par magnanimité consensuelle, car son limogeage du ministre de la Défense Yoav Gallant, pour avoir osé s’opposer publiquement au blitz législatif, avait déclenché une nouvelle vague d’opposition publique et une brève manifestation de méfiance de la part d’une minorité de la coalition qui, depuis lors, est largement rentrée dans le rang.
Son intérêt n’est pas seulement personnel, il est aussi à court-terme. Il y a quelques jours à peine, déjà oublié dans le cycle fou de l’actualité israélienne, Netanyahu a été hospitalisé pour une déshydratation – peut-être après un malaise chez lui, on ne nous l’a pas dit – et il est maintenant équipé d’un moniteur cardiaque. Il a 73 ans. En cas d’incapacité, qui prendrait le relais ? Le ministre de la Justice Yariv Levin, le vice-Premier ministre ? L’ancien vice-Premier ministre Aryeh Deri, évincé du cabinet par les juges en raison de son abus récidiviste des fonds publics ? Ou quelqu’un d’autre encore moins enclin à respecter les valeurs démocratiques et juives libérales fondamentales d’Israël ?
Le clivage autour de la loi s’accentue. Une grande partie du pays est horrifiée par la révolution imminente de la manière dont Israël est gouverné, tandis que d’autres défendent la voie du gouvernement, certains avec lucidité, d’autres avec un dévouement aveugle. Les conséquences désastreuses prévues dans tous les secteurs, de l’économie à la cohésion militaire, se déroulent comme on le craignait.
Soyons clairs : malgré les fausses déclarations de Netanyahu et de ses partenaires, il ne s’agit pas d’une opposition mécontente qui tente de trouver un moyen de contourner sa défaite de décembre dernier. Elle a perdu à la loyale. Il s’agit de la refonte du mode de gouvernance d’Israël, qui passe d’une démocratie imparfaite et dynamique à une autocratie dans laquelle la quasi-totalité du pouvoir est entre les mains de l’exécutif, sans limitation effective de l’autorité de la coalition et sans protection solide des droits fondamentaux.
Pour certains, de part et d’autre du fossé national, la bataille est néanmoins une extension de notre série de récentes campagnes électorales ultra-divisées – une question de pro- ou d’anti-Netanyahu. Mais beaucoup, beaucoup de gens, y compris une proportion non négligeable de ceux qui ont voté pour le Likud, le parti du Premier ministre, et ses alliés, reconnaissent les enjeux fondamentaux de cette affaire : une fois les juges mis à l’écart, ce gouvernement s’efforcera d’empiéter sur les droits et les libertés des Israéliens.
Comme l’indiquent les projets législatifs déclarés de leurs membres, les partis de la coalition visent à établir une discrimination en faveur des ultra-orthodoxes (notamment en dispensant cette communauté du service militaire national), à légitimer la discrimination fondée sur la religion, à imposer des restrictions aux médias, à réduire les droits des femmes et bien d’autres choses encore. Combiné aux projets d’annexion de la Cisjordanie sans égalité de droits pour les Palestiniens, le miracle sioniste d’un Israël juif démocratique et tolérant n’existera plus.
L’Israël que cette coalition a en tête sera étranger à bon nombre de ses propres citoyens ; certains de ceux qui le peuvent partiront. L’Israël qu’elle a en tête sera mal aimé, voire abandonné, par ses anciens amis et vulnérable face à ses ennemis. L’État aura mis en péril sa propre existence.
Le processus potentiel d’autodestruction, qui atteint son paroxysme en ce moment même, à la veille de Tisha BeAv – lorsque la nation juive se souvient de la destruction de ses anciens Temples sur fond d’intolérance interne et de querelles intestines – est tout simplement impardonnable. Le souvenir récent des horreurs qui peuvent frapper le peuple juif sans un pays qui lui soit propre, et sans l’unité et la volonté de le défendre, devrait être plus que suffisant pour mettre un terme à l’attaque auto-infligée contre la cohésion nationale.
Le peuple juif a besoin de ce pays, et il a besoin qu’il fonctionne de manière à peu près harmonieuse.
Il n’est pas encore trop tard, puisque même une poignée de membres du Likud qui reconnaissent la direction prise par Israël pourraient insister sur un nouvel et véritable effort de consensus. Il n’est pas encore trop tard pour que Netanyahu lui-même donne un sens à son engagement vide de servir de Premier ministre pour tous les Israéliens. Mais à chaque heure qui passe, l’espoir s’amenuise, le fossé se creuse et le danger grandit.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel