Tsahal : Un dépôt de munitions caché peut-être à l’origine de l’incendie meurtrier de Rafah
L'armée examine si des stocks d'armes ou de combustibles ont pu causer une explosion secondaire qui a entraîné des dizaines de morts, affirmant que la frappe a eu lieu à plus de 1500 mètres du camp
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
L’armée israélienne estime que ce sont des stocks de munitions, voire un combustible dont elle ignorait la présence, qui ont provoqué l’explosion et l’incendie qui ont ravagé un complexe accueillant des Gazaouis déplacés à Rafah, dans le sud de Gaza. Des civils palestiniens ont perdu la vie à l’issue de cette frappe aérienne qui a permis d’éliminer deux terroristes du Hamas.
L’armée soupçonne que les munitions ou un combustible – dont elle ignorait la présence – a entraîné une explosion secondaire et un feu qui s’est propagé dans un camp de déplacés gazaouis, un incendie qui a fait des dizaines de victimes civiles palestiniennes.
Une attaque et des morts qui ont entraîné une vague de condamnations à l’international, les Palestiniens et de nombreux pays arabes évoquant « un massacre. Le Conseil des Nations unies devait se réunir en urgence dans la soirée de mardi concernant l’incident que le Premier ministre Benjamin Netayahu a qualifié « d’accident tragique ».
Cet évènement survient alors qu’Israël continue son offensive controversée à Rafah qui, avant même qu’elle ne soit lancée, avait suscité une forte opposition – de la part des États-Unis notamment – en raison du risque posé aux civils alors que plus d’un million de Palestiniens déplacés y avaient trouvé un abri dans le cadre de la guerre en cours. Tentant d’épargner au mieux les civils, Tsahal avait donné l’ordre à la population présente d’évacuer Rafah et de se rendre dans des zones humanitaires désignées où de nombreux Palestiniens vivent sous la tente.
L’armée a expliqué qu’elle en visait les commandants du Hamas Yassin Rabia et Khaled Najjar au moment de mener la frappe sur un complexe dans lequel ils se trouvaient, dans le quartier de Tel Sultan, à l’ouest de Rafah, dimanche soir.
Selon les renseignements de Tsahal, les installations étaient utilisées par le Hamas pour ses activités. Un lance-roquettes se trouvait d’ailleurs à quelques dizaines de mètres de l’endroit où les deux commandants ont été tués.
L’armée a précisé que la frappe ne ciblait pas la « zone humanitaire » du secteur d’al-Mawasi, sur la côte, endroit désigné par les autorités militaires israéliennes comme refuge pour les Palestiniens. Le complexe du Hamas effectivement pris pour cible se trouve à plus d’un kilomètre de cette zone humanitaire.
Selon Tsahal, la frappe n’avait aucunement pour but de blesser des civils et l’armée avait pris ses précautions de façon à s’assurer que ni femmes ni enfants ne se trouvaient dans les parages du complexe du Hamas.
Compte tenu de la proximité du camp de civils palestiniens, les avions de chasse israéliens ont utilisé de petites munitions – deux ogives de 17 kilogrammes chacune – afin d’éviter toute victime civile.
Malgré tout, suite à la frappe, un incendie s’est propagé au sein du complexe tout proche, à l’intérieur duquel des civils palestiniens s’étaient réfugiés. Selon les autorités sanitaires du Hamas à Gaza, 45 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres ont été blessées.
Selon les premières conclusions de l’enquête de Tsahal, à eux seuls, les deux petits missiles n’ont pas pu déclencher l’incendie.
L’armée a donc enquêté sur ce qui a pu déclencher l’incendie. Selon ses premières conclusions, il se pourrait que ce soit des munitions, des armes ou d’autres matériels stockés dans le secteur de la frappe, qui aient provoqué une explosion non souhaitée, suivi d’un incendie, qui s’est propagé et a tué des civils palestiniens.
Le porte-parole de Tsahal, le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré lors d’une conférence de presse en anglais que l’armée continuait d’enquêter sur la possibilité que des munitions du Hamas stockées dans la zone de la frappe à Rafah, soient à l’origine de l’incendie qui a tué des civils palestiniens.
« Dimanche, nous avons éliminé des terroristes du Hamas lors d’une frappe ciblée, sur un complexe utilisé par le Hamas à Rafah. Cette frappe a été décidée sur la foi de renseignements précis indiquant que ces terroristes, responsables de la préparation et de l’exécution d’attaques terroristes contre des Israéliens, se trouvaient à l’intérieur de cette structure », a expliqué Hagari.
« Malheureusement, suite à cette frappe et en raison d’impondérables, un incendie s’est déclaré à proximité, qui a coûté la vie à des civils gazaouis. Nous avons fait le maximum pour limiter le risque de pertes civiles lors de cette frappe, mais l’incendie qui s’est déclaré était totalement inattendu et absolument involontaire », a-t-il poursuivi.
Hagari a dit que la mort de civils, à l’issue de cette frappe, était due à un « regrettable accident auquel nous ne nous attendions pas ».
Selon les autorités sanitaires de Gaza, 45 personnes ont péri.
« Nous menons l’enquête pour savoir ce qui a causé l’incendie à l’origine de tous ces morts. L’enquête est en cours », a-t-il indiqué.
En diffusant des images du site, Hagari a dit que l’armée israélienne avait « pris pour cible une structure fermée éloignée de la zone dans laquelle se trouvaient les tentes. Il n’y avait pas de tentes à proximité immédiate. »
« Contrairement aux informations qui ont pu circuler, je tiens à dire que nous avons mené la frappe en-dehors de la zone humanitaire que nous avons invité les civils à rejoindre. Notre frappe a eu lieu à plus d’un kilomètre et demi de la zone humanitaire d’al-Mawasi, la zone la plus sûre », a-t-il expliqué.
« Cette frappe a été menée à l’aide de deux ogives de petite taille, adaptées à ce type de frappe ciblée. Il s’agit précisément de munitions chargées de 17 kilogrammes d’explosifs », a-t-il ajouté, précisant que « ce sont les plus petites munitions possibles pour nos avions ».
« Suite à cette frappe, un important incendie s’est déclaré, pour des raisons qui font toujours l’objet d’une enquête. Nos munitions seules n’ont pas pu causer un incendie de cette ampleur », a-t-il poursuivi.
« Notre enquête vise à établir ce qui a pu causer un incendie d’une telle ampleur. Nous passons en revue toutes les possibilités, y compris celle que des armes stockées dans un complexe proche de notre cible, dont nous n’avions pas connaissance, aient pu s’enflammer suite à la frappe », a-t-il déclaré.
« Il est important de souligner que le Hamas est actif dans cette zone depuis le 7 octobre », a rappelé Hagari, montrant une autre image témoignant de la présence de lance-roquettes du Hamas à 43 mètres du lieu d’impact. « Le Hamas a tiré des roquettes sur Israël au moyen de ces lanceurs le jour du massacre, le 7 octobre », a-t-il précisé.
Hagari a ajouté que l’armée passait également en revue « les images prises par les Gazaouis, la nuit de la frappe, et publiées sur les réseaux sociaux, qui semblent attester de la survenue d’explosions en cascade, signe de la possible présence d’armes à proximité ».
« Les services de renseignement ont intercepté des appels téléphoniques qui confortent l’hypothèse de stocks d’armes, dans un complexe voisin, qui auraient pris feu », a-t-il dit, avant de diffuser un audio dans lequel des Gazaouis parlent d’une explosion.
« Nous faisons en sorte d’établir les causes de cet incendie. Il est encore trop tôt pour apporter une réponse. Mais même lorsque nous aurons identifié les causes de cet incendie, la situation n’en sera pas moins tragique », a confié Hagari.
« Nous avons justement pris soin de prendre des mesures, avant la frappe, pour ne pas faire de victimes civiles. Surveillance aérienne, utilisation de munitions spécifiques pour minimiser les dommages collatéraux, report de l’attaque en cas de présence de civils et j’en passe », a-t-il conclu.
Hagari s’est engagé à ce que l’enquête soit « rapide, exhaustive et transparente ».
La guerre à Gaza avait commencé après l’attaque sanglante commise par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre. Près de 1200 personnes avaient été tuées et 252 personnes avaient été kidnappées et prises en otage dans la bande de Gaza. Israël a juré de démanteler le régime du Hamas, dans la bande, et d’obtenir la libération des otages.
Huit mois de combats ont entraîné des dégâts énormes dans les infrastructures de l’enclave et causé une crise humanitaire qui, selon les groupes de défense des droits de l’Homme et les Nations unies, a placé la population au bord de la famine.
Autre revers, une partie de la jetée temporaire établie au large de la côte, à Gaza, s’est cassée, la rendant inutilisable, ont indiqué deux responsables américains, un nouveau coup porté aux initiatives prises pour distribuer une assistance précieuse aux civils gazaouis.
Ces deux sources, qui ont témoigné sous couvert d’anonymat, ont expliqué que le mauvais temps était à l’origine des dommages, sans en préciser l’ampleur ni le temps requis pour remettre la jetée en état.
Ce week-end, quatre navires impliqués dans l’exploitation de la jetée avaient dérivé et il s’étaient échoués sur les plages israéliennes
La jetée avait été projet annoncé par le président américain Joe Biden, au mois de mars, et les militaires avaient aidé à assembler la structure flottante au large de la côte. Elle était entrée en service il y a deux semaines et elle aurait coûté 320 millions de dollars pour ses 90 premiers jours d’activités, impliquant un millier environ de militaires américains.
Depuis sa mise en opération et selon un porte-parole du Programme alimentaire mondial des Nations unies, depuis le déploiement de cette jetée, les Nations unies y ont fait transiter 137 camions d’aide humanitaire – soit un volume de 900 tonnes.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.