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Un autre programme intègre les femmes haredi dans la high-tech

Adva enseigne aux jeunes femmes ultra-orthodoxes les compétences nécessaires pour obtenir un emploi bien payé dans le secteur technologique florissant

Une classe d'étudiantes Adva au séminaire Yashan de Beis Yaakov à Jérusalem, en juillet 2019. (Crédit )
Une classe d'étudiantes Adva au séminaire Yashan de Beis Yaakov à Jérusalem, en juillet 2019. (Crédit )

ZF, âgée de 19 ans, n’aura pas à faire ses corvées ménagères cette année. L’aînée d’une famille ultra-orthodoxe de 10 enfants – elle préfère rester anonyme pour des raisons de pudeur – avait des activités quotidiennes qui incluaient le baby-sitting, la vaisselle, le ménage et les courses, en plus de ses études.

Ses parents lui demandent désormais de se concentrer entièrement à ses études. ZF, avec 30 filles de son séminaire à Jérusalem, a été sélectionnée pour participer à un projet pilote appelé Adva, « propagation » en hébreu, qui opère de manière discrète depuis l’année dernière. Adva vise à enseigner aux jeunes femmes ultra-orthodoxes les compétences nécessaires pour obtenir un emploi avec une bonne rémunération dans le secteur technologique en plein développement. Le programme a reçu la bénédiction de plusieurs personnalités rabbiniques hassidiques, ce qui augmente ses chances de succès.

Après le lycée, la plupart des filles haredis ne servent pas dans l’armée et ne font pas de service national, comme leurs camarades laïques ou orthodoxes modernes le font généralement. Elles ne vont pas non plus à l’université, puisque cela les mettrait en contact avec des hommes et les exposerait à des contenus considérés comme potentiellement dangereux pour leur foi et leur mode de vie.

À la place, ces jeunes femmes vont étudier dans l’un des 32 séminaires réservés aux femmes qui sont gérés par le mouvement d’éducation Beis Yaakov, où les règles de leur communauté isolée sont respectées et où elles sont formées aux métiers d’enseignante, de comptable, de designer informatique, de secrétaire médicale ou d’informaticienne.

Selon les données fournies par Startup Nation Central, une ONG fondée et financée par la Fondation Paul Singer, chaque année, environ 750 étudiantes ultra-orthodoxes en sciences de l’informatique sont diplômées de ces séminaires. Dans les cinq prochaines années, ce chiffre devrait passer à 1 000 -1 200.

Et pourtant, ces diplômées ont encore des difficultés à obtenir un emploi bien payé dans le secteur de la technologie, ou un emploi tout court, et elles présentent des lacunes en mathématiques et en science.

ZF, âgé de 19 ans, au centre portant un pull bleu avec le visage flouté, parle aux donateurs du programme Adva à Jérusalem, en juillet 2019; à sa droite, on retrouve Anat Greemland de la Startup nation centrale (Crédit)

Le nouveau projet Adva forme des jeunes femmes à l’informatique dans le cadre des séminaires Beis Yaakov d’un niveau plus élevé qu’avant et avec un programme développé en lien avec des entreprises technologiques. Il vise aussi à leur enseigner des contenus de niveau universitaire en mathématiques et en sciences de l’informatique. Cela créera une génération d’ingénieures informatiques qui apporteront des revenus plus que nécessaires à une communauté ultra-orthodoxe très pauvre. Cela contribuera également à palier une pénurie importante d’employés qualifiés dans le secteur technologique local.

Ce projet pilote, qui a commencé en septembre 2018, est dirigé par la Start-up Nation Central et une coalition de partenaires, dont trois séminaires de Beis Yaakov – deux à Jérusalem et un à Bnei Brak. Des géants de la technologie comme Google, IBM, Western Digital et MobilEye, un fabricant de technologies automobiles qui a été acheté par Intel pour la somme gigantesque de 15,3 milliards de dollars, participe aussi au projet.

Le projet est également soutenu par l’Autorité de développement de Jérusalem avec des organisations philanthropiques comme la Fondation William Davidson et la Fondation de la famille Paley.

Anat Greemland, de la Start-up nation centrale, qui dirige le programme Adva pour former des jeunes femmes haredi talentueuses aux jobs techniques, le 23 juillet 2019. (Shoshanna Solomon/Times of Israël)

« Les étudiantes pourront bénéficier de l’enseignement nécessaire pour répondre aux besoins de l’industrie », indique Anat Greemland, qui dirige le programme SNC.

Au cours de ce programme réparti sur deux ans, associé à des études en mathématiques et en sciences de l’informatique de niveau de licence, les étudiantes participent à des projets concrets de l’industrie.

Elles apprennent aussi comment présenter sa candidature à un emploi, comment se comporter lors d’un entretien, comment communiquer avec des responsables et des collègues d’autres cultures et comment présenter un projet.

Elles vont aussi apprendre à « construire un pont entre la communauté où elles ont vécu pendant des années » et le secteur de la haute-technologie en Israël, explique Anat Greemland.

Pour la première promotion, dont ZF fait partie des 93 étudiantes, un total d’environ 300 filles du séminaire Yashan et du séminaire Hadash à Jérusalem et du séminaire Wolf à Bnei Brak ont passé des sélections. Elles n’ont pas été testées sur leurs connaissances, mais sur leur capacité à traiter des problèmes mathématiques, relate Anat Greemland.

Les responsables d’Adva ont découvert des « filles avec beaucoup, beaucoup de talent, qui dans le monde normal, auraient pu aller à l’université et probablement dans une fac de droit, de médecine ou autre », a déclaré Anat Greemland.

De leur côté, les séminaires Beis Yaakov ont pour mission de s’assurer que le programme Adva se fait en coopération avec les secteurs technologiques, académiques et les personnalités religieuses.

Selon Israel Tik, responsable du développement et du fonctionnement des séminaires Beis Yaakov, des rabbins importants au sein des séminaires ont remarqué que beaucoup de jeunes femmes ayant étudié les sciences informatiques et la technologie en suivant le programme préparé par l’Institut national pour l’Education technologique du gouvernement, ou MAHAT, ne trouvaient pas de travail, et celles qui en trouvaient étaient mal payées.

« Ils ont compris que le programme d’étude n’était pas en phase avec les besoins de l’industrie », indique Israel Tik.

Les responsables de Beis Yaakov ont rencontré des officiels de R&D de Google, de Mobileye, d’IBM et de Western Digital, qui ont rejoint un comité de conseil pour déterminer les connaissances nécessaires afin que les diplômées puissent être embauchées chez eux, ou dans d’autres industries.

Avec ces exigences en tête, Adva a demandé à des professeurs de l’Université hébraïque de Jérusalem et de l’Université de Tel Aviv de préparer un programme spécialisé pour ces étudiantes. Les professeurs font maintenant la liaison académique auprès du programme, en préparant et en notant les examens, en proposant des exercices hebdomadaires et en fixant le niveau standard d’enseignement, alors que les enseignants du séminaire s’occupent des classes en suivant leur programme.

Si le programme Adva parvient « à former 500 nouveaux ingénieurs informatiques pour l’Etat d’Israël en un an, ce sera un projet très intéressant et un événement important pour la société haredi – quelque chose de fort », a déclaré Tik.

La communauté ultra-orthodoxe est l’une des plus pauvres du pays, puisque beaucoup de ses hommes étudient la Torah à plein temps et fuient le monde du travail alors que les femmes rapportent généralement un salaire à la maison.

En 2017, les ultra-orthodoxes représentaient 9 % de la population, selon les données du Bureau central des statistiques. En 2030, ils devraient constituer 16 % de la population, et d’ici 2065, ils représenteront un tiers de la population globale et 40 % de la population juive, selon un rapport sur la communauté ultra-orthodoxe de l’Institut israélien de la démocratie.

La nation doit donc faire un effort pour intégrer les ultra-orthodoxes dans le monde du travail à travers des initiatives de formation. Dans le même temps, la start-up nation fait face à une pénurie d’environ 12 000 à 15 000 employés qualifiés. Ce problème constitue une menace directe pour le secteur technologique, qui est le principal moteur de l’économie.

Des hommes ultra-orthodoxes participent à un examen de compétences analytiques pour intégrer le programme Par des qui les entraînera à travailler avec des agences israéliennes de sécurité, y compris le Mossad. (Crédit)

Contrairement aux domaines bien rémunérés de la médecine ou du droit, un diplôme universitaire n’est pas nécessaire pour réussir dans la haute technologie, a déclaré Eugene Kandel, le PDG de la Start-up nation Central, dans un entretien téléphonique.

Des gens comme Bill Gates et Steve Jobs, souligne-t-il, ont réussi sans avoir de diplôme. Dans le domaine de la technologie, « les compétences sont les seuls standards dont vous ayez besoin ». Après, « il n’y a pas de limites ».

Eugene Kandel (Crédit)

Bill Gates a abandonné Harvard après deux ans à l’université pour lancer Microsoft Corp.. En 2007, à l’âge de 51 ans, le milliardaire a reçu un diplôme honorifique de la part de l’université. Jobs a fréquenté l’université Reed, à Portland dans l’Oregon, pendant un semestre avant d’arrêter ses études.

Adva veut « créer une connexion avec le secteur technologique », a déclaré Kandel. Pour y parvenir, nous devons nous assurer que la formation est de très bon niveau, pour que les diplômées puissent être à armes égales avec les étudiants qui auront suivi un parcours académique classique ».

De leur côté, les entreprises de la technologie participant au programme ont assuré aux rabbins qu’elles sont prêtes à répondre aux besoins des diplômées en fournissant, par exemple, des espaces de travail dédiés uniquement aux femmes et des équipements de cuisine casher.

Adva forme « la prochaine génération de candidates » pour l’industrie technique de secteurs qui étaient exclus jusqu’à présent, a déclaré Michal Rosen-Zvi, directeur de l’informatique de la santé à IMB Recherche, qui supervise la participation d’IBM dans Adva.

IBM emploie déjà des employés religieux, juifs et arabes, « et respecte leurs besoins », a noté Rosen-Zvi.

Gaby Hayon en charge de la R&D chez Mobileye (Crédit)

Pour des entreprises technologiques, « le talent constitue la ressource la plus rare », a déclaré Gaby Hayon, VP R&D chez Mobileye, dans un entretien téléphonique.

« On a besoin de trouver autant de sources que possible pour de vrais talents ».

« Nous recherchons l’excellence, a-t-il dit, affirmant qu’avec uniquement un « petit investissement de notre part », les femmes Adva « disposent d’un bénéfice significatif ».

La plupart du travail se fait seul, devant un ordinateur, il n’est donc pas difficile de trouver une pièce où les femmes peuvent préserver leur mode de vie en retrait, explique-t-il.

« Ce sont des gens avec un fort degré d’auto-discipline, et c’est leur chance de s’assurer que leurs familles pourront vivre confortablement sans changer de style de vie ».

ZF, l’étudiante d’Adva âgée de 19 ans, décrit les études de programmation informatique comme « très difficiles ». Les élèves étudient 40 à 45 heures par semaine, et restent parfois jusqu’à 22 heures pour étudier ensemble, a déclaré ZF dans un anglais courant, puisqu’elle est la fille d’immigrants américains.

Beaucoup de ses camarades du séminaire non issues du programme Adva lui disent qu’elle est folle, explique-t-elle. « Toute l’école parle de la difficulté de notre formation; certaines disent que nous étudions trop dur. Mais nous essayons d’apprécier notre travail difficile ».

« Le travail de mes rêves », confie ZF, « est un bon travail avec un bon salaire qui me permettra de fonder une famille ».

Elle venait juste de passer un examen en algèbre linéaire « très, très dur », ajoutant, « j’espère que je l’ai réussi ». Le calcul infinitésimal allait suivre juste après.

Le succès d’Ava, a déclaré Kandel de la Startup Nation Israël, sera mesuré par le nombre des femmes qui décrochent un emploi de haute qualité dans une grande entreprise. Et, entre temps, les bénéfices du programme se ressentent déjà dans les séminaires où ils sont appliqués.

« L’effet de propagation est incroyable », assure Anat Greemland de la Startup Nation Centrale.

Les professeurs du séminaire ont l’opportunité d’apprendre de professeurs d’université et peuvent transmettre leurs connaissances à d’autres étudiantes, en plus des participantes d’Adva.

Pourtant, quelques mois après le début du programme, il est apparu que les connaissances fondamentales en mathématiques de filles du séminaire étaient très faibles. A partir de septembre de cette année, toutes les étudiantes des écoles Beis Yaavoc qui iront dans les trois séminaires, et peut-être d’un ou deux autres lycées, étudieront le plus haut niveau de mathématique pour les examens à partir de la seconde, d’après Anat Greemland. « C’est incroyable », se réjouit-elle. « Cela change la donne, l’attitude du collectif ».

Adva gagne aussi en popularité au sein de la communauté, se félicite Greemland, puisque des parents ont demandé que leurs filles soient acceptées dans le programme. Il y a déjà des candidates pour la deuxième promotion du programme, qui commencera en septembre.

Et les mères de jeunes hommes haredi appellent les séminaires et la Startup Nation Central pour voir si certaines des filles du programme sont prêtes aux shidduchim, les mariages arrangés.

Anat Greemland est optimiste sur les chances de ces étudiants à réussir dans la carrière qu’elles auront choisie. « Je suis sûre qu’elles réussiront, au moins, elles essayeront », pense-t-elle. « C’est la première promotion, elles doivent tracer le chemin, et tout le monde les regarde ».

« Chaque jour est un jour nouveau », ajoute-t-elle. « On sait bien des deux côtés – les haredis et l’industrie technologique – que le programme pilote est un processus d’apprentissage ».

« Nous nous sommes excusés et avons demandé pardon par avance » pour les erreurs que le programme pourrait faire vis-à-vis de la communauté ultra-orthodoxe », rapporte-t-elle. « Et cela a ouvert une porte dans leur cœur, parce qu’ils ont compris que personne n’essaie d’imposer quoi que ce soit à quiconque… Nous essayons de trouver un moyen de travailler ensemble, et c’est ce qu’il y a de mieux pour tout le monde. Et puisque tout le monde s’y investit avec sérieux, cela se ressent ».

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