Un nouveau plan post-COVID pour une économie plus verte, plus propre en Israël
Il n'y a pas de vaccin contre le changement climatique mais, selon les chercheurs, un plan pourrait soutenir le pays en créant des emplois tout en avançant vers le bas-carbone
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Alors que le monde développé prévoit de mettre en place de vastes programmes de dépenses pour pouvoir aider les économies du monde entier à rebondir une fois que la pandémie de COVID-19 se sera éloignée, une grande partie de l’argent devrait être investie dans des plans qui visent à poser les fondations d’une planète plus saine et plus verte.
Ainsi, le président américain Joe Biden a promis, pendant sa campagne électorale, d’investir deux trillions de dollars dans les infrastructures d’énergie propre au cours des quatre prochaines années.
De son côté, l’Union européenne devrait dépenser 750 milliards d’euros – soit un quart du budget total de l’UE – dans un accord vert qui aidera à relancer l’économie du bloc et à remettre les chômeurs sur le marché du travail grâce aux secteurs de l’énergie verte.
Diverses instances et notamment l’OCDE, l’Association internationale de l’Énergie, le Forum économique mondial et le Fonds monétaire international (FMI) ont recommandé d’investir des fonds visant à redynamiser des économies mises à mal par le coronavirus en prenant en compte la nécessité de réduire les émissions de carbone qui sont à l’origine du changement climatique.

En Israël, les défenseurs de l’environnement et les activistes issus de la société civile espèrent avec force que quel que soit le gouvernement qui sera élu lors du prochain scrutin du mois de mars, les nouveaux dirigeants de l’Etat juif sauront, eux aussi, faire du changement climatique une priorité.
Et pourtant, actuellement, le changement climatique semble avoir été laissé de côté. Le discours, dans les médias, est largement dominé par les élections et les paris politiques sous forme de tiercé, par le coronavirus et la prise en charge gouvernementale de la pandémie, avec à peine un mot glissé ça et là sur le dérèglement climatique.
Et quand il s’exprime en public, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’éloigne rarement des sujets de l’Iran et de la campagne de vaccination contre le coronavirus.

Mais Israël dispose enfin d’un plan de rétablissement vert (en hébreu), créé par d’éminents économistes et par des défenseurs de l’environnement qui ont estimé son coût. Ce plan a été aussi approuvé par la commission économique du Parlement israélien.
Il ne lui reste plus qu’à obtenir un budget – modeste de surcroît.
Un changement vert
Le plan établit des budgets détaillés pour la mise en œuvre d’objectifs faciles à atteindre – c’est-à-dire des éléments de projets qui sont d’ores et déjà intégrés dans les plans de travail ministériels et qui ne sont pas difficiles à mettre en pratique.
Ces programmes pourront aider à créer des emplois et à stimuler la croissance économique, tout en réduisant les dégâts faits au climat et en protégeant l’environnement.
Le plan tout entier devrait coûter 8,3 milliards de shekels – soit environ
0,6 % du PIB enregistré en 2019 et environ 1,7 % du budget gouvernemental voté cette année-là.
Le plan a été élaboré par le professeur Nathan Sussman, qui dirige le Centre des Finances et du développement au sein de l’IHEID (Institut de hautes études internationales et du développement) à Genève, avec Ori Sharon, vice-directrice de la Société israélienne d’écologie et de sciences environnementales, qui est aussi docteure en droit et en politique de l’environnement, et de Hila Shoef-Kollwitz, consultant en économie et en recherche politique.
Les plus importants investissements sont réservés aux énergies renouvelables, aux transports et aux secteurs de l’industrie et des déchets.

On ne sait pas encore si le prochain gouvernement s’occupera du déficit sans précédent de l’État, estimé à 160 milliards de shekels à la suite de la pandémie, par des mesures d’austérité ou des investissements importants.
Mais selon M. Sussman, les investissements en infrastructures nécessaires pour réduire les émissions de carbone contribueront à relancer l’économie, à créer des emplois, à remettre de l’argent dans les poches des gens et à augmenter la consommation.

Il pense qu’un programme de croissance verte qui donne la priorité à de tels investissements peut aller de pair avec l’approche néo-libérale et d’intervention minimale privilégiée par le gouvernement. En corrigeant une défaillance du marché – la pollution – plutôt qu’en essayant de remplacer le marché, la croissance peut être maintenue alors que les émissions diminuent.
En outre, ajoute-t-il, il est prouvé qu’il existe un lien entre des infrastructures efficaces et de qualité et la productivité du travail à long terme, ainsi que la réduction des écarts socio-économiques.
Parmi les propositions les plus coûteuses du plan figure un fonds de prêt de 750 millions de shekels, qui serait créé pour mobiliser 3,5 milliards de NIS d’investissements privés dans les installations d’énergie solaire. Cet argent permettrait également d’accélérer l’amélioration du réseau électrique pour l’aider à faire face aux contraintes d’infrastructure d’un système qui repose sur des champs solaires et des installations solaires plus petites dans tout le pays.
Le plan prévoit également d’investir dans des programmes moins coûteux, comme l’aide à la reconversion des travailleurs qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie pour qu’ils acquièrent les compétences nécessaires dans les industries à croissance verte. Il pourrait s’agir de rénover des bâtiments pour les rendre plus efficaces sur le plan énergétique, d’installer des centrales solaires et de travailler dans le domaine du recyclage.
Les programmes de formation seraient également axés sur la promotion des transports publics, de l’architecture et de l’ingénierie écologiques, de l’impression en 3D et d’autres technologies de fabrication intelligente.
Le plan prévoit de s’orienter vers le travail à distance, déjà mis en place par la pandémie, ce qui ouvrirait de nouvelles possibilités d’emploi aux personnes vivant loin du centre économique du pays, ou aux personnes ayant des problèmes de mobilité, et permettrait d’économiser de l’argent sur le loyer et les charges d’un bureau.

Elle permettrait également de réduire les embouteillages et d’accroître l’efficacité des travailleurs en réduisant les temps de trajet, et le retrait des voitures de la circulation permettrait de garder l’air plus propre. Le transport est responsable d’environ 23 % de l’empreinte carbone annuelle du pays, en deuxième position après l’énergie, selon les données officielles.
Pour ceux qui ont encore besoin de se déplacer, le plan prévoit davantage de pistes cyclables, une meilleure connexion au rail et des réductions d’impôts sur les nouvelles voitures électriques, tout en comblant la différence avec la tarification des encombrements sur les routes où l’offre de transports publics est bonne.
Les économies sont là pour être utilisées. Un rapport du département de recherche de la Knesset a estimé que les embouteillages ont coûté à l’économie 35 millions de NIS en 2019, une somme qui devrait passer à 100 millions de NIS d’ici 2040.
Le personnel professionnel des ministères concernés comprend la nécessité de réduire les émissions de carbone, s’y engage et s’y prépare
Le plan de relance est le fruit des recherches d’une commission, dirigée par Sussman, qui a examiné les implications macro-économiques du passage à une économie à faible émission de carbone dans le cadre d’“Israël 2050” – un processus de deux ans impliquant des ministères, des universités, des groupes de la société civile et de nombreux autres membres du public, sous la direction de l’Institut israélien de la démocratie et de l’OCDE.

Le rapport de la commission, dévoilé à la mi-décembre lors de la conférence Eli Hurvitz sur l’économie et la société, a fourni une analyse économique coût-bénéfice, montrant que le passage aux énergies propres ne causerait qu’un préjudice négligeable aux caisses de l’État tout en stimulant la croissance économique, le PIB et la protection sociale.
Le rapport indique que les avantages indirects, tels que l’amélioration de la santé, augmenteraient encore plus le PIB. Les données de l’OCDE montrent que plus de 2 200 Israéliens sont morts prématurément en 2019 à cause de causes liées à la pollution, ce qui a coûté à l’économie 2,6 % de son PIB.
Le gouvernement va-t-il ouvrir son porte-monnaie ?
Obtenir du gouvernement qu’il finance le plan devrait encore être une bataille difficile. Sussman a noté que pendant les travaux de sa commission sur Israël 2050, les représentants du ministère des Finances ont eu tendance à observer et à se taire plutôt qu’à jouer un rôle actif.
Les récents appels d’offres de l’Electricity Authority ont confirmé que l’énergie solaire est désormais moins chère que les combustibles fossiles, même si les coûts de stockage sont inclus. Avec beaucoup de soleil et peu de vent ou d’eau, l’énergie solaire est considérée comme l’option d’énergie renouvelable la plus importante en Israël. Mais le ministère de l’Energie est en train d’accrocher le wagon du gouvernement aux réserves de gaz naturel offshore du pays.

Eitan Parnass, PDG de la Green Energy Association of Israel, qui fait pression pour les énergies renouvelables dans le pays, a déclaré lors d’une conférence IDI le 20 janvier que pour que les énergies renouvelables progressent, les ministères du gouvernement doivent commencer à travailler ensemble, plutôt que de tirer dans des directions différentes, pour faire avancer leurs intérêts individuels.
« L’Autorité foncière d’Israël veut gagner autant d’argent qu’elle peut en autorisant des installations solaires sur ses terres. Le ministère de la Protection de l’environnement ne veut pas d’éoliennes [en raison des dommages potentiels causés aux oiseaux migrateurs] », a-t-il déclaré.

Mais le changement climatique et la nécessité de passer à une énergie propre ne sont pas (encore) des questions politiques partisanes, même si des désaccords subsistent sur la manière d’y parvenir.
Le pays compte un grand nombre d’organisations environnementales et de la société civile actives et à but non lucratif qui tentent de maintenir la pression en faveur de la décarbonisation. Les trois quarts des Israéliens ont déjà compris qu’il existe un lien entre la pollution atmosphérique et le changement climatique, que ce dernier met l’humanité en danger et que le gouvernement doit s’y préparer.

La Banque d’Israël ainsi que les organismes de surveillance financière, tels que l’Autorité israélienne des valeurs mobilières et le superviseur des banques, parlent tous des risques climatiques, et les entreprises commencent à comprendre qu’il leur sera plus difficile d’être compétitives dans des endroits tels que l’Union européenne, si elles n’adoptent pas des pratiques écologiques et ne prennent pas en compte les implications environnementales de leurs activités.
Les professionnels des ministères concernés sont déjà dans l’obligation de se soumettre à la nécessité de réduire les émissions de carbone, ils s’y sont engagés et ils prévoient de le faire », continue Sussman.
« Le ministère des Finances et les politiciens ont la responsabilité de comprendre que quelque chose d’important est en train de se passer », s’exclame-t-il. « Le Premier ministre doit s’en saisir – et ouvrir la voie ».