Une digue « moderne » de 7 000 ans retrouvée près de Haïfa
Avec la découverte du plus ancien brise lame du monde, des fouilles archéologiques montrent comment des villages néolithiques ont tenté de se protéger de la fonte de glaciers
Une équipe internationale d’archéologues sous-marins a découvert la plus ancienne digue connue construite de la main de l’homme le long de la côte de Haïfa, selon un article publié dans la revue scientifique PLOS ONE de la Public Library of Science.
La digue est située sur le site archéologique sous-marin de Tel Hreiz, une implantation du néolithique qui s’est développée autour de la zone de l’actuelle Haïfa, il y a environ 7 500 à 7 000 ans. Selon les auteurs de l’article, le mur a été construit pour limiter la montée de l’eau continue à cause des glaciers. Cette construction est plus ancienne que les autres digues d’environ 3 000 ans.
« La digue est unique pour la période et la plus ancienne protection côtière connue au monde », a écrit le groupe de chercheurs de l’université de Haïfa, de l’Université Flinders en Australie, de l’Autorité israélienne des antiquités et de l’Université hébraïque de Jérusalem.
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Le mur a été découvert en 2012. Après des années d’étude, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que les habitants ont construit la digue de plus de 100 mètres de long à l’aide d’énormes rochers qui pouvaient mesurer jusqu’à un mètre de large et extraits de rivières situées à environ 1 ou 2 kilomètres de leur village. Les pierres étaient composées de calcaire ou de kurkar et pesaient chacune entre 200 et 1 000 kilogrammes.
La digue, en forme en zigzag, avait été préparée spécifiquement et construite avec plusieurs styles différents pour empêcher la montée de l’eau, écrivent les auteurs. « Il convient de souligner que, sur toute sa longueur, le mur tient de lui-même… le mur n’est relié à aucune structure dans le village », écrivent-ils.
Malheureusement, a regretté le Dr Ehud Galili de l’Institut Zinman d’archéologie de l’Université de Haïfa, la mesure extrême pour protéger le village n’a pas été payante et les résidents ont dû finalement abandonner leurs maisons.
Dans un communiqué de presse, Galili a expliqué qu’à l’époque néolithique, les gens qui vivaient au bord de la Méditerranée ont été les témoins d’une montée des eaux d’environ 12-21 centimètres sur une vie humaine, ce qui revient à environ 70 cm sur 100 ans. L’ancienne ville de Tel Hreiz elle-même a été construite à une « hauteur de sécurité » de trois mètres au-dessus du niveau de la mer – ce qui n’a pas suffi pendant longtemps.
Mais ce n’est pas seulement la montée des eaux qui a perturbé les villageois et leurs maisons. « Ce niveau de montée des eaux signifie que la fréquence des tempêtes destructrices endommageant le village a dû augmenter de manière significative », a précisé Galili dans le communiqué de presse.
« Les modifications de l’environnement ont dû être observables pour les populations vivant dans l’implantation au fil des siècles, a remarqué Galili. Au final, la montée continue du niveau de la mer a nécessité une réponse humaine, avec la construction d’un mur de protection du littoral similaire à ceux que l’on peut voir aujourd’hui dans le monde ».
Selon les chercheurs, alors que les estimations actuelles prédisent une montée actuelle du niveau de la mer de 1,7 à 3 mm par an, l’homme moderne peut tirer des leçons de défis similaires, bien que plus extrêmes, auxquels a été confronté ce village néolithique.
« La montée actuelle du niveau de la mer a déjà causé une érosion côtière dans le monde. Etant donné le nombre de personnes et d’habitations situées en bord de mer, la probabilité de déplacement futur de population est sensiblement différent des impacts subis par les populations pendant la période néolithique », a déclaré le Dr. Jonathan Benjamin, co-auteur de l’article, de l’Université Flinders en Australie dans un communiqué de presse.
Des tempêtes, des ouragans, des tsunamis
Alors que les propriétés en bord de mer étaient, et sont toujours, très demandées, la vie à proximité du littoral est souvent perturbée « au gré des changements saisonniers et inattendus, parfois des catastrophes naturelles, comme des tempêtes, des ouragans, des tsunamis, mais aussi la montée de eaux », ont écrit les auteurs.
Si l’on pense très largement que les tsunamis sont des catastrophes naturelles affectant principalement les pays du sud-est, une recherche menée sur la destruction du célèbre port de Césarée a permis de découvrir que la ville romaine, alors en pleine croissance, et son port légendaire ont probablement été détruits en 115 de l’ère commune par un tsunami déclenché par le tremblement de terre qui a détruit Antioche. Selon les chercheurs, il ne s’agissait pas du premier tsunami à avoir frappé les côtes israéliennes, ni du dernier.
En gardant cet élément à l’esprit, les auteurs ont observé dans le passé pour comprendre comment nos ancêtres ont géré cette menace existentielle. « Beaucoup des questions humaines fondamentales et des prises de décisions liées à la résilience humaine, à la protection des littoraux, à l’innovation technologique et aux décisions d’abandonner d’anciennes implantations restent d’actualité », a déclaré Galili dans le communiqué de presse
Avant d’être abandonné, Tel Hreiz semblait être un village en plein essor. Depuis les premières études des années 1960, des archéologues sous-marins ont découvert des pierres, des foyers, des tessons de poterie, des os d’animaux provenant de huit espèces différentes et qui étaient probablement consommés (dont des cochons et des chiens), différents outils en silex (mais pas de pointes de flèches), des outils en basalte, dont un mortier. Le site n’a jamais fait l’objet d’une fouille systématique, mais un article de 1997 discute de ce qui semble être la production en croissance d’huile d’olive à Tel Hreiz, mais aussi sur d’autres sites semblables submergés autour de la Côte de Carmel.
Des fouilles ultérieures ont permis de découvrir des structures en pierre comme cette digue marine en 2012, des poteaux du bois dont les archéologues pensent qu’ils étaient utilisés pour soutenir des cabanes en bois. En 2015, une tempête a décroché plus de débris du mur et a également dévoilé les restes de deux squelettes de femmes âgées de 18 à 20 ans et ensevelies dans l’argile.
« Tel Hreiz n’est qu’un seul exemple d’une série de petits villages de populations sédentaires qui se trouvaient le long du littoral méditerranéen au nord d’Israël, et dont les habitants pratiquaient l’agriculture, le pasturage, la chasse mais aussi la pêche », ont écrit les auteurs.
Les objets ont été recouverts par une couche protectrice de sable d’une épaisseur d’environ 1 à 2 mètres. Ils n’ont été exposés que récemment, par l’homme – du fait de constructions et de fouilles – mais aussi à cause de tempêtes. Puisque le niveau de la mer est monté de manière régulière et qu’il n’y a eu aucune occupation du village après son abandon, cela rend assez fiable la datation des objets.
« Il n’y a pas de structures similaires connues construites dans aucun des autres villages engloutis dans la région, ce qui fait du site de Tel Hreiz un exemple unique et une preuve visible de la réponse humaine à la montée du niveau de la mer pendant le néolithique », a noté Benjamin de l’Université Flinder.
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