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Analyse

Visite en Israël du ministre égyptien du Pétrole, un signal à Biden et Erdogan

La visite, qui fait suite à des délégations de dirigeants grecs et chypriotes, montre que les alliés régionaux sont unis et coordonnés, tant contre les amis que contre les ennemis

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Rencontre entre le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi (à gauche) et le ministre égyptien du Pétrole Tarek El-Molla à Jérusalem, le 21 février 2021. (Crédit photo : MFA)
Rencontre entre le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi (à gauche) et le ministre égyptien du Pétrole Tarek El-Molla à Jérusalem, le 21 février 2021. (Crédit photo : MFA)

Le voyage du ministre égyptien du Pétrole et des Ressources minérales, Tarek el-Molla, en Israël est remarquable pour le simple fait qu’il est le premier ministre égyptien à se rendre en Israël depuis que le ministre des Affaires étrangères Sameh Shoukry a rencontré Netanyahu en 2016.

Et El-Molla n’est pas un acteur secondaire. « El-Molla est très proche de Sissi », a souligné Gabriel Mitchell de l’Institut Mitvim, un groupe de réflexion basé en Israël. « Il est sans doute l’un des ministres égyptiens les plus visibles en dehors de la présidence. »

Ce ne sont certainement pas les questions énergétiques importantes qui manquent à El-Molla pour discuter avec Israël. Israël et l’Égypte ont convenu dimanche de relier le champ de gaz naturel israélien Leviathan aux installations égyptiennes de gaz naturel liquide par un pipeline sous-marin, à partir duquel il peut être exporté vers les marchés européens.

De plus, un projet controversé entre les Émirats arabes unis et Israël visant à pomper le pétrole depuis Eilat sur la mer Rouge jusqu’à Ashkelon sur la Méditerranée inquiète l’Égypte, mais Le Caire s’est largement abstenu de critiquer publiquement le projet. Un accord pour fournir du gaz naturel israélien à Gaza est sur le point d’être approuvé, et tout ce qui se passe dans l’enclave côtière pourrait avoir un impact direct sur la sécurité égyptienne.

Et les analystes disent que l’un des principaux objectifs de ces réunions – au-delà des discussions sur l’énergie – était d’envoyer un message à la Turquie, et à son président Recep Tayyip Erdogan.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’exprime lors d’une conférence de presse, à Ankara, Turquie, le 26 octobre 2020. (Présidence turque via AP, Pool)

Depuis près d’une décennie, la Turquie est engagée dans une rivalité acharnée avec l’Égypte, qui a commencé lorsque Erdogan a soutenu les Frères musulmans après que le groupe a été chassé du pouvoir au Caire

En Méditerranée, l’Égypte s’est alignée sur la Grèce et Chypre, qui accusent la Turquie de forer illégalement du gaz naturel dans leurs zones économiques exclusives. Avec Israël, les pays ont formé le Forum EastMed Gas, dont le siège est au Caire, et ont mené des exercices militaires communs.

« Une rencontre entre Israël et l’Egypte, même si ce n’est pas le but premier de la visite, envoie un message à la Turquie, surtout dans le contexte des autres réunions qui ont lieu ce mois-ci », a déclaré M. Mitchell.

Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis s’est rendu en Israël le 8 février, et le président chypriote Nicos Anastasiades a rencontré Netanyahu le 14 février.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu reçoit le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis à Jérusalem le 8 février 2021. (Crédit : Haim Zach / GPO)

« Il y a un message clair d’unité, indiquant que ces partenaires travaillent ensemble, que leur diplomatie et leur politique énergétique se chevauchent ».

L’East Mediterranean Gas Forum (EMGF), qui regroupe Israël, l’Égypte, Chypre, la Grèce et l’Autorité palestinienne, a été officiellement lancé en septembre. Le forum entend coopérer à la mise en place d’un gazoduc de gaz naturel reliant Israël, la Grèce et Chypre à l’Italie et à l’Europe. L’objectif final est d’approvisionner le continent avec 10 % de son gaz.

Israël a rejoint l’EMGF en septembre dernier.

Cette visite avait également pour but d’envoyer un message à l’administration Biden.

L’Égypte prévoit une pression accrue du gouvernement américain sur son bilan en matière de droits de l’Homme.

« Nous ne tolérerons pas les agressions ou les menaces de gouvernements étrangers contre des citoyens américains ou des membres de leur famille », a déclaré la semaine dernière le porte-parole du département d’État, Ned Price, après l’arrestation par le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi de la famille d’un militant politique qui est également citoyen américain.

Alors qu’il était candidat à la présidence, Biden a tweeté « No more blank checks for Trump’s ‘favorite dictator' », [Finis les chèques en blanc pour le « dictateur préféré » de Trump].

« Je ne doute pas que les Égyptiens s’inquiètent de l’administration Biden », a déclaré Eran Lerman, vice-président du Jerusalem Institute for Strategy and Security [JISS] et ancien directeur adjoint du Conseil national de sécurité d’Israël.

« Les Égyptiens comprennent bien l’importance que revêtent pour Israël des expressions de normalisation comme celle-ci », a déclaré Moshe Albo, historien moderne du Moyen-Orient et chercheur au Centre Dado d’études militaires interdisciplinaires. « Le message caché est donc que l’Egypte travaille avec Israël, et attend d’Israël qu’il l’aide avec les Etats-Unis ; et un message pour les Etats-Unis, qui verront l’Egypte coopérer avec Israël ».

Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis (au centre), son homologue israélien Benjamin Netanyahu (à droite) et le président chypriote Nikos Anastasiadis posent à Athènes le 2 janvier 2020, avant la signature d’un accord pour le projet de gazoduc EastMed destiné à acheminer le gaz de la Méditerranée orientale vers l’Europe. (ARIS MESSINIS / AFP)

« Toute la Méditerranée orientale s’organise pour que Biden entende une position unifiée de notre part », a soutenu Lerman.

M. Lerman considère que les visites des dirigeants grecs et chypriotes s’inscrivent dans le cadre du processus de coordination régionale qui vise en partie Biden. « Ils n’étaient pas là uniquement pour parler de tourisme », a-t-il déclaré.

Cette visite, au cours de laquelle M. el-Molla a rendu visite à des responsables palestiniens à Ramallah, a également permis à l’Égypte de se présenter comme un médiateur incontournable entre Israël et les Palestiniens, comme elle s’efforce de le faire depuis la victoire électorale de M. Biden.

En décembre, Sissi a déclaré que Le Caire travaillait à faire avancer la solution à deux États. Une semaine avant l’entrée en fonction de M. Biden, l’Égypte a accueilli les ministres des Affaires étrangères jordanien, français et allemand pour discuter de la relance des pourparlers de paix israélo-palestiniens.

Plus l’Égypte pourra se présenter comme une source de stabilité et de coopération dans la région, selon la logique, moins elle sera soumise à la pression des États-Unis en ce qui concerne son bilan en matière de droits de l’homme.

Un navire-grue se rend en Israël pour aider à la mise en place de la plate-forme de gaz naturel Leviathan. (Noble Energy)

Dans leurs commentaires, les dirigeants israéliens ont cherché à souligner l’influence positive de l’Égypte au Moyen-Orient. « L’Égypte joue un rôle vital dans la région en promouvant la sécurité, la stabilité et la paix », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Gabi Ashkenazi.

Il était également certain de jouer sur l’apparence d’une normalisation croissante avec l’Egypte. « L’Égypte a été le premier pays à signer un accord de paix avec Israël », a déclaré M. Ashkenazi, « et nous espérons que le changement de paradigme des accords d’Abraham et toute la normalisation, nous permettra d’élargir ensemble le cercle de paix autour de la région ».

Mitchell estime que les relations entre Israël et l’Egypte sont sensiblement plus chaleureuses que par le passé. « La coopération n’a jamais été aussi variée et significative dans toute l’histoire des relations bilatérales », a-t-il affirmé.

« Il y a une tendance à la normalisation », a convenu Lerman. « Je vous rappelle que les Egyptiens ont apporté leur soutien aux Accords d’Abraham. »

Albo n’est pas convaincu que les Égyptiens essaient de montrer qu’ils ont l’intention de poursuivre des relations sensiblement plus chaleureuses avec Israël. « L’Egypte présente cette visite sur le plan interne comme une visite qui fait avancer les intérêts de l’Egypte, un de ses engagements dans le cadre de la vision de l’Egypte pour l’EastMed, dans laquelle el-Molla rencontre à la fois les ministres de l’Energie palestinien et israélien ».

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