Vous avez dit « élections » ? Oui mais pas pour tout de suite
Netanyahu veut retarder un nouveau scrutin, l'opposition veut le précipiter ; ce débat sur le calendrier n'est qu'à son début et Yahadout HaTorah aura le dernier mot

Un scrutin point bien à l’horizon. Tous les signaux étaient au rendez-vous depuis un moment, et chaque faction, chaque parti, y va de son calcul.
Mais, avec tout le respect dû au chaos mathématique qu’est la coalition israélienne, il y a des raisons de penser que le vote préliminaire de mercredi, qui a approuvé la dissolution de la Knesset et l’amorce d’un nouveau cycle électoral, est à prendre avec des pincettes.
Tout ce qui va suivre ici part du principe que Kakhol lavan votera en faveur du budget 2020 quand le ministre des Finances Israel Katz le soumettra à la Knesset à la fin du mois. Si le budget n’est pas adopté, le Parlement sera de toute manière dissous le 23 décembre et des élections auront lieu en mars. Il y a de bonnes raisons de penser que ni Netanyahu ni Gantz ne voudront passer pour celui qui a empêché l’adoption d’un budget rétroactif. C’est assez ironique de penser que le budget d’État a davantage de chances d’être adopté maintenant, alors que le 35e gouvernement est à l’agonie, qu’il n’en avait pendant ses beaux jours.
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Si le budget est adopté, la dissolution de la Knesset risque d’être beaucoup plus lente que l’anxiété et la rhétorique politiques de tous les côtés vont nous laisser croire : le ministre de la Défense Benny Gantz va déclarer la tenue d’élections, puis le Premier ministre Benjamin Netanyahu va tenir Kakhol lavan pour responsable de ces élections et les partis arabes vont paniquer sur le fait que l’un d’entre eux ne soutienne pas le projet de loi électoral…
Ce qui est sur, c’est que la motion de dissolution est un projet de loi. Ou plutôt, elle a commencé sous la forme de six projets de loi.
Il y a deux manière d’appeler à de nouvelles élections. La plus simple consiste à organiser un vote de défiance dans lequel 61 voix dans le plénum convoquent des élections 90 jours plus tard. L’alternative plus compliquée consiste à soumettre un projet de loi pour décider de la date de nouvelle élections.

Les lois qui dissolvent la Knesset et déclenchent des élections doivent passer par le processus législatif normal, qui est souvent contrôlé par la coalition majoritaire au pouvoir. Ainsi, en règle générale, lorsque l’opposition veut dissoudre le Parlement, elle tente d’abord d’obtenir une motion de censure, tandis qu’une coalition qui tente de convoquer des élections anticipées préfère un projet de loi parrainé par le gouvernement (et donc, par définition, en théorie soutenu par la majorité de députés).
Lors du vote de mercredi, c’est l’opposition qui tentait de dissoudre la Knesset. Six factions distinctes, au sein de l’opposition (trois factions font partie de l’alliance appelée Liste arabe unie), ont proposé leurs propres textes et tous ont été soumis au vote préliminaire mercredi après-midi.
Bien que deux de ces motions aient remporté une majorité, rien – ou presque – ne se passera dans l’immédiat. La session de votes de mercredi n’était que préliminaire, la première d’une série de quatre sessions de votes par le plénum pour qu’un texte ait force de loi.

Les deux projets de loi doivent aussi être soumis à la commission parlementaire – dont le président, le député Kakhol lavan Eitan Ginsburg, peut reporter la loi pendant des semaines. En d’autres termes, Gantz et son parti ont voté mercredi pour une loi qu’ils peuvent désormais geler indéfiniment.
Si Ginsburg laisse la loi franchir l’étape de la commission, elle retournera au plénum pour une première lecture, où elle doit à nouveau obtenir la majorité. Puis, elle sera étudiée par la commission des Lois et quittera les mains de l’opposition pour passer entre les mains du parti Yahadout HaTorah, allié de Netanyahu. Comme Ginsburg, le chef de la commission des Lois, Yaakov Asher, député de Yahadout HaTorah, pourra la reporter de plusieurs semaines.
Ce n’est qu’après le feu vert d’Asher que la législation retournerait au plénum pour deux lectures, généralement organisées successivement.
En d’autres termes, Kakhol lavan a décidé d’annoncer cette semaine qu’il souhaitait des élections. C’est tout.
L’opposition, et Gantz, veulent une élection aussi vite que possible, pendant que Netanyahu souffre dans les sondages, face au manque de satisfaction des Israéliens sur sa gestion de la pandémie.

De son côté, Netanyahu veut reporter les élections au moins jusqu’à l’été. D’ici là, les vaccins seront disponibles et il s’attend, à juste titre, à ce que ses sympathisants égarés reviennent dans son camp.
Le débat ne porte donc pas sur la tenue ou non d’élections : tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont inévitables. Le débat porte sur le timing de cette élection.
Et malgré les efforts déployés par l’opposition, Netanyahu et ses alliés seront en mesure de reporter et de bloquer ce scrutin, s’ils jugent cela prudent, sur le plan politique.
Quoi qu’a voté la Knesset mercredi, les élections ne sont pas imminentes.
C’est vous qui le dites...