Au Liban, antiquités et art contemporain se côtoient dans un nouveau musée privé
Le musée Nabu, qui combine une création futuriste et des statuettes vieilles de multiples siècles, se veut porteur d'espoir dans un Moyen-Orient ravagé par les guerres

Des oeuvres contemporaines aux côtés de bronzes d’Aphrodite et de statues phéniciennes: dans le nord du Liban, le musée Nabu vient d’ouvrir ses portes, à l’initiative de collectionneurs et d’artistes soucieux de mettre en valeur et transmettre le riche patrimoine culturel d’un Moyen-Orient déchiré par les conflits.
Ce musée, qui porte le nom du dieu mésopotamien de la sagesse et de l’écriture, s’élève sur les bords de la Méditerranée, dans le village d’El-Heri. Le bâtiment en forme de cube futuriste surprend par ses parois en acier patiné, couleur rouille.
L’établissement a ouvert fin septembre avec une collection réunissant une soixantaine d’oeuvres d’artistes du monde arabe mais aussi près de 400 pièces d’antiquité, certaines vieilles de 3 000 ans, originaires du Liban, d’Irak, de Syrie, d’Egypte ou encore du Yémen.
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« Comme ça, on a une vision relativement globale de ce qui a été le berceau de la civilisation », lance fièrement le commissaire de l’exposition, le Français Pascal Odille.

A l’origine du projet figurent trois hommes d’affaires férus d’arts – deux Libanais et un Syrien – qui ont décidé de mettre à la disposition du musée leur collection privée, après avoir confié la conception du bâtiment à deux artistes irakiens.
Un engagement qui se veut porteur d’espoir, dans un Moyen-Orient ravagé par les guerres.
« Nabu, c’est le dieu de l’écriture et de la sagesse. Pas le dieu de la guerre », lance un des fondateurs, Jawad Adra. « Nous sommes une lueur d’optimisme dans cette région, au milieu de toute cette obscurité », ajoute l’homme d’affaires libanais.
Obus « pharaonique »
Les œuvres sont exposées sur les deux étages du musée, baigné par la lumière d’une immense baie vitrée ouvrant sur la mer.
Il y a des ouchebtis égyptiens en faïence vert turquoise, hérités de l’époque ptolémaïque (323 à 30 avant J.-C.). Ces petites statuettes funéraires finement ciselées étaient déposées dans les tombes pour servir le mort dans l’au-delà.

Le musée expose aussi une sculpture réalisée en 2018 par l’artiste contemporaine libanaise Katya Traboulsi: un obus en granit noir décoré de hiéroglyphes, dont l’ogive représente le dieu pharaonique Horus.
Exposées également, des toiles du grand peintre libanais Saliba Douaihy (1915-1994) ou encore des statues phéniciennes en terre cuite, datant du 7e ou 6e siècle avant l’ère commune, retrouvées lors de fouilles marines au large de la côte sud du Liban.
Le projet a coûté environ sept millions de dollars. Les objets présentés, qui ne sont qu’une fraction des collections privées des fondateurs du musée, seront remplacés périodiquement.
Selon le catalogue de l’exposition, la collection personnelle de M. Adra compte quelque 2 000 pièces du Levant et de Mésopotamie. « Depuis que j’ai 10 ans, je collectionne des timbres et des pièces de monnaie », confie-t-il.
A 64 ans, il possède un cabinet de conseil basé à Beyrouth et dirige dans le Golfe des laboratoires de contrôle de qualité, en partenariat avec Fida Jdeed, également embarqué dans l’aventure.
Le troisième homme du trio, Badr el-Hage, possède une entreprise spécialisée dans le commerce des livres rares à Londres.
Initiatives personnelles
Les autorités libanaises ont salué cette initiative privée. Le pays est engagé contre le trafic illégal d’antiquités et a lancé fin 2017 avec l’Unesco une campagne nationale de protection du patrimoine culturel, baptisée « Notre patrimoine n’est pas à vendre ».
En 2016, une loi avait aussi été adoptée pour réguler la propriété d’antiquités par les particuliers, qui doivent les déclarer auprès du ministère de la Culture.
Le musée Nabu et ses fondateurs ne dérogent pas à la règle. M. Adra assure qu’une « grande partie » de sa collection est déclarée auprès des autorités et qu’il poursuit ce processus d’enregistrement.

La motivation qui se cache derrière le musée? « On est arrivé à un âge où l’on se demande +qu’as-tu fait, qu’as-tu donné à ton pays+ », avance le sexagénaire, qui compte laisser un legs positif.
Les deux artistes irakiens qui ont conçu l’architecture du musée, Mahmoud al-Obaidi et Dia Azzawi, cherchent aussi à mettre en avant l’héritage oublié de leur pays à travers des œuvres qu’ils y exposent.
« Ce lieu est comme une compensation pour tout ce qui a été détruit », confie M. Obaidi, évoquant son pays qu’il a quitté en 1991 pour le Canada.
Dans une région confrontée notamment à des difficultés économiques, où les gouvernements sont souvent accusés de négliger la culture, les initiatives personnelles sont essentielles, martèle cet artiste de 53 ans.
Le Liban accueille déjà plusieurs initiatives similaires, lancées par des hommes d’affaires ces dernières années, à l’instar du musée Robert Mouawad ou encore de la Fondation Aïshti pour l’art contemporain.
« Nos Etats ne prennent pas au sérieux la question de la culture », déplore M. Obaidi, la barbe poivre et sel taillée de près.
« Ils ne comprennent pas que tout disparaît et que seuls restent le livre, le tableau, les antiquités comme vestiges des civilisations ».
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