Au nord comme au sud, la diplomatie semble plus efficace que la puissance militaire
La guerre contre le Hamas s'essouffle, et Israël doit trouver un moyen de mettre fin aux combats selon ses propres termes - un processus compliqué par les contraintes du cabinet
La tournée frénétique du secrétaire d’État américain Antony Blinken au Moyen-Orient cette semaine illustre, à bien des égards, les pressions exercées sur la Maison Blanche : en pleine campagne présidentielle, le président américain Joe Biden n’a toujours pas obtenu de résultats concrets au Moyen-Orient.
Blinken s’est aligné sur la position d’Israël dans les négociations visant à obtenir la libération des otages en échange d’un cessez-le-feu avec le groupe terroriste palestinien du Hamas. Il a ainsi indiqué, après la réponse officielle de l’organisation terroriste mardi, rejetant la dernière proposition d’Israël (soutenue par Washington), « qu’Israël avait accepté la proposition telle qu’elle a été présentée et telle qu’elle a été formulée. Pas le Hamas ».
Il a ajouté un point non moins important en affirmant que « si le Hamas continue de dire non, il sera clair pour le monde entier que la responsabilité [de l’échec] lui incombe ».
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Si la formulation a plu aux Israéliens, elle visait néanmoins le Qatar, qui accueillait Blinken mardi. L’administration américaine tente de faire pression sur l’État du Golfe pour qu’il s’affirme davantage et force le groupe terroriste, dont les dirigeants vivent sur son territoire, à accepter l’accord.
Jusqu’à présent, les pressions américaines sur le Qatar se sont soldées par des échecs retentissants, malgré les rumeurs indiquant que les autorités de Doha auraient menacé d’expulser les dirigeants du Hamas. Concrètement, les Etats-Unis restent prudents à l’égard du Qatar, ce qui pose problème à Israël, en raison notamment de la stagnation des négociations et de l’intransigeance du chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar.
Un article paru dans le quotidien Wall Street Journal (WSJ) et consacré aux messages adressés par Sinwar aux dirigeants du Hamas à l’étranger n’a pas surpris Israël. Selon l’article, Sinwar estime qu’Israël est exactement là où le Hamas le voulait : engagé dans des combats sur plusieurs fronts, perdant sa légitimité internationale et subissant de fortes pressions internes et publiques pour la libération des otages. Une situation que Sinwar décrit comme idéale pour imposer des demandes qui garantiront sa propre survie.
La première manifestation de cette volonté a été la demande faite mardi par le Hamas aux Etats-Unis de garantir la cessation des combats par Israël dans la bande de Gaza. Aux yeux du Hamas, la fin de la guerre signifierait sa sortie des tunnels en tant que vainqueur incontesté et comme seule et unique organisation capable de diriger les Palestiniens de Gaza.
Cette exigence a toutefois posé un problème à Biden. En effet, les Etats-Unis, qui ont désigné le Hamas sur leur liste des organisations terroristes, se verraient ainsi garantir l’immunité de l’organisation contre le plus proche allié des Etats-Unis au Moyen-Orient, Israël, un pays démocratique frappé par le Hamas lors de son assaut terroriste barbare du 7 octobre dernier. Difficile d’imaginer qu’un tel engagement des États-Unis puisse être adopté par le Congrès, où il est fort probable que, même au sein du camp démocrate, certains s’y opposeront.
Par ailleurs, Israël doit désormais se familiariser avec une nouvelle réalité : Le parti de Benny Gantz, HaMahane HaMamlahti, ne fait plus partie du gouvernement et le cabinet de guerre a cessé d’exister. Malgré toutes les tensions, c’était le seul forum politique où des professionnels équilibrés se réunissaient pour discuter de l’évolution de la guerre, tant sur le plan militaire que sur le plan diplomatique.
Au cours des huit derniers mois, de nombreuses questions ont été débattues au sein du cabinet de guerre, à l’exception d’une seule, mais de taille : l’après-guerre à Gaza. Avec le départ de Gantz et de son numéro 2 Gadi Eisenkot, il est peu probable que, hormis le ministre de la Défense Yoav Gallant, qui que ce soit d’autre prenne la peine de rappeler au Premier ministre Benjamin Netanyahu l’importance de cette question.
Il est grand temps pour Netanyahu de prendre certaines décisions concernant l’après-guerre à Gaza. Les opérations militaires à Rafah progressent et devraient prendre fin dans quelques semaines. Après cela, Tsahal pourra à juste titre affirmer qu’elle a démantelé l’infrastructure militaire du Hamas, et il appartiendra donc aux dirigeants politiques de décider de la marche à suivre.
Le nombre de troupes déployées par Israël dans la bande de Gaza est déjà inférieur à deux divisions.
Le retrait des forces de la bande de Gaza signifie un possible renforcement sur le front libanais, où le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, lance des attaques quasi quotidiennes contre Israël le long de la frontière, en soutien à la bande de Gaza.
Netanyahu, qui s’est rendu pour la première fois la semaine dernière dans la ville meurtrie de Kiryat Shmona, a promis de rétablir la sécurité dans le nord, sans pour autant mentionner la possibilité d’incursion terrestre, même s’il a été informé par les responsables de la sécurité que le moment était propice au lancement d’une offensive sur le territoire libanais.
Selon de nombreux membres des services de sécurité, le Hezbollah se trouverait dans une position très difficile pour ce qui est de sa capacité à se défendre dans le sud du Liban. Tsahal aurait détruit une grande partie de l’infrastructure défensive du groupe terroriste, tuant et blessant des centaines de membres et forçant la force d’élite de l’organisation à se déplacer vers le nord, au-delà du fleuve Litani.
Cette situation – un ennemi peu présent, des forces usées et peu d’hommes le long de la frontière – présente une opportunité intéressante que Tsahal a clairement identifiée. Netanyahu donne toutefois la nette impression qu’il préfère encore attendre avant de lancer une offensive terrestre dans le sud du Liban.
Le dilemme du Premier ministre est compréhensible. La question est de savoir ce qui se passera ensuite. Que se passerait-il si les troupes de Tsahal atteignaient les rives du Litani ? Quel mécanisme signalerait la fin des combats et le retrait ? Y aurait-il un accord garantissant la sécurité des habitants du nord d’Israël ? Le Hezbollah pourrait refuser toute proposition internationale, afin de continuer à saigner Israël au Liban, ou forcer Israël à se retirer unilatéralement, sans accord – deux options considérées comme pires que la situation actuelle.
Qu’on le veuille ou non, Israël arrive à un point de décision important dans sa guerre sur deux fronts. Le lien évident entre le Liban et Gaza est un accord avec le Hamas, qui mettrait fin aux combats non seulement dans la bande de Gaza mais aussi sur le front libanais et permettrait, selon des sources au fait du dossier, la signature d’un accord entre Israël et le Liban.
L’accent est donc désormais sur les négociations en vue d’un accord avec le Hamas, l’effort militaire devenant secondaire.
La faible marge de manœuvre du Premier ministre ne concerne pas les otages. Il a déjà entendu les avis des experts à ce sujet, et presque tous lui ont dit la même chose : signez un accord, ramenez les otages chez eux, et ensuite nous traiterons avec le Hamas sans aucune contrainte.
Non, les seules entraves a Netanyahu sont ses partenaires de coalition d’extrême droite, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir.
Toutefois, même si Netanyahu parvenait à surmonter l’obstacle de l’extrême droite au sein de son gouvernement, il n’accepterait en aucun cas de laisser le Hamas continuer à diriger la bande de Gaza. Le groupe terroriste l’a bien compris et c’est pourquoi il exige des garanties américaines. À défaut (scénario le plus probable), le Hamas aura un coupable et justifiera ainsi la poursuite de la guerre, laquelle renforce encore sa position dans la lutte interne pour le pouvoir palestinien.
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