Ben Gvir déclare à la Haute Cour s’être « modéré » depuis qu’il est entré en politique
Répondant à un recours visant à l'exclure du cabinet, le député d'extrême-droite reconnait avoir "fait des erreurs" et regrette d'avoir appelé à l'expulsion des Arabes
Le ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, a déclaré lundi à la Haute Cour de justice qu’il s’était « modéré » depuis son entrée à la Knesset il y a deux ans et qu’il ne devrait donc pas être démis de ses fonctions de ministre.
« J’ai commis des erreurs, mais tant d’années ont passé. J’ai changé aujourd’hui, mais on continue à me cantonner à ce que j’étais à l’époque », a déclaré Ben Gvir au tribunal lors d’une audience portant sur un recours déposé par plusieurs groupes de gauche demandant qu’il soit exclu du poste de ministre de la Sécurité nationale en raison de son passé criminel.
Ben Gvir s’était fait connaître à l’adolescence lorsqu’il avait été filmé en train de se vanter d’avoir arraché l’insigne de la voiture du Premier ministre de l’époque, Yitzhak Rabin, peu avant l’assassinat de ce dernier par un extrémiste juif.
« Nous sommes arrivés jusqu’à sa voiture, et nous arriverons à lui aussi », avait déclaré Ben Gvir à l’époque.
Par la suite, il avait été arrêté et inculpé à des dizaines de reprises pour son activisme d’extrême-droite, et il a été condamné pour incitation à la violence et soutien à un groupe terroriste pour avoir distribué des autocollants arborant les slogans « expulser l’ennemi arabe » et « Kahane avait raison ».
Ben Gvir, aujourd’hui âgé de 46 ans, avait fait son éducation politique au sein du parti raciste Kach de feu le rabbin extrémiste Meïr Kahane, qui a été inscrit sur la liste noire tant aux États-Unis qu’en Israël.
Le passé du ministre a été évoqué à plusieurs reprises par les avocats des plaignants qui demandent que Ben Gvir soit démis de ses fonctions ministérielles.
« Le Ben Gvir à 14 ans, comme à 20 ans, était un adolescent qui se souciait profondément d’Israël », a déclaré Ben Gvir, affirmant qu’il n’était plus la même personne.
« J’ai commis des erreurs. Cela fait des années que je dis que distribuer des autocollants qui disaient que ‘S’il n’y a pas d’Arabes, il n’y a pas d’attentats terroristes’, ce n’était pas la bonne chose à faire ; que demander l’expulsion de l’ennemi arabe n’était pas non plus la bonne chose à faire, parce que cela donnait l’impression que je demandais l’expulsion de tous les Arabes et que tous les Arabes ne doivent pas être expulsés », a-t-il expliqué.
Il a ensuite répété son opposition au massacre de 29 fidèles musulmans perpétré en 1994 par Baruch Goldstein au Tombeau des Patriarches. Jusqu’en 2020, une photo de Goldstein ornait l’un des murs de la maison de Ben Gvir à Hébron, mais il l’avait retirée après avoir subi d’importantes pressions politiques alors qu’il cherchait à entrer à la Knesset.
« Je ne suis plus un disciple du rabbin Kahane », a-t-il insisté lundi, soulignant qu’il ne soutenait pas l’appel du défunt rabbin raciste en faveur de plages séparées pour les Juifs et les Arabes.
Cependant, Ben Gvir a pris la parole à plusieurs reprises lors de commémorations annuelles organisées à la mémoire de Kahane, y compris l’année dernière.
En 2020, il avait commencé son discours en disant : « Aujourd’hui, tout le monde sait que le rabbin Kahane avait raison. » En 2019, il avait qualifié Kahane de grand leader et déclaré que les personnes présentes dans la salle étaient ses « disciples ». L’année suivante, il avait déclaré que la Knesset se devait de révoquer l’interdiction faite au parti Kach de Kahane de se présenter aux élections.
Lors de l’audience de lundi, Ben Gvir a souligné qu’il n’était plus d’accord avec « la Torah de Kahane dans son intégralité » et il a fait remarquer qu’il avait perdu des amis proches avec lesquels il avait longtemps travaillé en tant qu’activiste. Il a semblé faire référence ici aux extrémistes Baruch Marzel et Benzi Gopstein, qui ont rompu avec Ben Gvir au cours de l’année écoulée, affirmant que le ministre s’était écarté de la voie initiale du parti Otzma Yehudit qu’ils avaient contribué à créer ensemble.
Ben Gvir a soutenu que lorsque les députés entrent à la Knesset, « ils deviennent plus modérés ».
« Pour être clair, je n’ai pas changé. Je suis toujours une personne de droite, mais oui, je m’affine », a-t-il déclaré.
Le juge Noam Sohlberg a demandé à Ben Gvir s’il était arrivé au bout de ce nouveau processus de modération ou s’il allait continuer dans cette voie. Ben Gvir a répondu en plaisantant qu’il espérait avoir atteint son apogée, car il souhaitait toujours rentrer chez lui pour retrouver son épouse, connue pour avoir des opinions similaires aux siennes.
Ben Gvir s’est représenté lui-même lundi, en l’absence de la procureure générale Gali Baharav-Miara qui défend habituellement les ministres du gouvernement, ce qu’il avait refusé. Les deux hauts-responsables se sont régulièrement querellés depuis la formation du 37e gouvernement il y a trois mois, et Ben Gvir a demandé à plusieurs reprises qu’elle soit renvoyée.
Baharav-Miara a toutefois indiqué la semaine dernière qu’elle ne s’opposait pas à la décision prise en décembre par le Premier ministre Benjamin Netanyahu de nommer Ben Gvir au poste de ministre de la Sécurité nationale.
En janvier, la Haute Cour avait annulé la nomination du chef du Shas, Aryeh Deri, au cabinet, estimant que sa position au sein du cabinet était « extrêmement déraisonnable » en raison de ses condamnations pénales.
מה חושב ״בן גביר החדש״ על ערבים ועל כהנא? מתוך הדיון כעת בבית המשפט העליון pic.twitter.com/SVAsgC1nvO
— Suleiman Maswadeh סולימאן מסוודה (@SuleimanMas1) April 3, 2023
Mais Baharav-Miara a déclaré à la Haute Cour que la nomination de Ben Gvir n’était pas du même ressort. Dans sa réponse au recours déposé contre le ministre, la procureure générale a noté que le rôle du chef d’Otzma Yehudit en tant que ministre de la Sécurité nationale « comporte des défis considérables », mais qu’il n’était « pas déraisonnable à l’extrême » qu’il occupe le poste de ministre.
Elle a souligné une série d’activités passées de Ben Gvir, notamment ses arrestations, ses déclarations racistes et anti-LGBTQ, et son comportement incendiaire, arguant que cela nuisait à la « confiance accordée par le public aux autorités gouvernementales », en particulier au sein du ministère de la Sécurité nationale.
Toutefois, a-t-elle précisé, le Premier ministre dispose d’un « très large pouvoir discrétionnaire » pour procéder aux nominations au sein du cabinet et elle a noté que les infractions pénales de Ben Gvir avaient été commises il y a longtemps et qu’il n’avait pas été inculpé pour un quelconque comportement criminel depuis 2007. La procureure générale a souligné que les 15 années qui se sont écoulées sont bien plus longues que les sept années requises par la Loi fondamentale entre une condamnation et l’exercice d’une fonction publique.
Le recours contre le chef d’Otzma Yehudit avait été déposé pour la première fois fin décembre – avant que Ben Gvir ne prête serment en tant que ministre – par Tag Meir, qui avait affirmé que le militant d’extrême-droite ne répondait pas aux critères requis pour être nommé ministre en charge de la police en raison de son implication répétée dans des efforts visant à troubler l’ordre public.
Mais à l’époque, Baharav-Miara avait demandé à la Haute Cour de rejeter la requête au motif qu’elle était « prématurée ». La procureure générale avait alors déclaré que « la discussion est théorique si elle a lieu avant que les ministres ne soient nommés ou ne commencent à exercer leurs fonctions ».