CyberWell incite les réseaux à lutter contre le négationnisme des crimes sexuels du Hamas
Selon ce groupe de veille chargé de l'antisémitisme en ligne, les modérateurs ne suppriment pas suffisamment les contenus qui mettent en doute les témoignages du 7 octobre
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
À la Une de l’édition du 27 mars 2024 du New York Times, aux côtés d’articles sur l’effondrement du pont Francis Scott Key à Baltimore, l’accès aux pilules pour avorter et les déboires judiciaires de Donald Trump, figurait le titre « Une otage israélienne raconte une agression sexuelle à Gaza. »
En quelque 4 000 mots, l’otage libérée le 30 novembre dans le cadre de la prolongation d’un accord de cessez-le-feu temporaire Amit Soussana raconte son enlèvement brutal dans le kibboutz Kfar Aza, le 7 octobre, et le fait qu’elle ait été forcée de se livrer à des actes sexuels par le terroriste qui la détenait dans la bande de Gaza.
« Il m’a assise sur le rebord de la baignoire. J’ai fermé les jambes. J’ai résisté. Il a continué à me donner des coups de poing et a pointé son arme sur mon visage », a raconté Soussana au New York Times. « Puis il m’a traînée jusqu’à la chambre à coucher. »
Son récit, qui, selon le journal, correspond à ce qu’elle a raconté à des professionnels dès sa libération après 55 jours de captivité, confirme ce que d’autres otages libérés, des survivants du massacre, des membres de leur famille et des experts médico-légaux affirment depuis longtemps : des violences sexuelles, notamment des viols et des mutilations, ont eu lieu le 7 octobre lorsque les terroristes du Hamas ont brutalement ravagé le sud d’Israël, et les personnes capturées et emmenées de force à Gaza continuent d’être victimes d’agressions sexuelles.
Pourtant, près de huit mois après l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, et plus de deux mois après que Soussana a été la première à parler des abus qu’elle a subis, les récits de violences sexuelles continuent d’être mis en doute ou pire encore. Et ce, malgré les preuves de plus en plus nombreuses que le Hamas a utilisé les agressions sexuelles comme arme de guerre, notamment un documentaire de l’ancienne directrice des opérations de Meta, Sheryl Sandberg, sur les violences sexuelles systématiques, et un rapport de l’ONU qui a trouvé des « motifs raisonnables » pour étayer les allégations de viols et de violences sexuelles le 7 octobre.
En raison d’une application laxiste ou de normes obsolètes, les réseaux sociaux ont largement permis aux apologistes du groupe terroriste palestinien du Hamas, aux détracteurs d’Israël et à d’autres de diffuser et de soutenir le récit mensonger selon lequel les témoignages d’agressions sexuelles, de viols collectifs et d’autres atrocités sont soit inventés, soit largement exagérés, selon CyberWell, un organisme à but non lucratif fondé en mai 2022 pour créer une base de données ouverte afin de surveiller et d’aider à supprimer les contenus antisémites en ligne.
« Malgré le fait que les terroristes du Hamas documentent leurs atrocités, les diffusent en flux continu [livestreaming] et téléchargent des vidéos et des photos sur les plateformes, les radicaux agissant sur les réseaux sociaux ont rapidement commencé à réfuter le fait même des agressions sexuelles – des narratifs qui ont pris de l’ampleur et continuent d’être diffusés en ligne à ce jour », a déclaré la PDG de CyberWell, Tal-Or Cohen Montemayor. « Le déni du viol est une tentative de réécrire l’histoire, d’obscurcir les crimes délibérés commis contre les femmes et de détourner la sympathie des victimes vers la justification et la célébration de leurs agresseurs. »
Les événements sans précédent du 7 octobre ont fait remonter à la surface une vague terroriste utilisant le pouvoir des réseaux sociaux pour viser les proches des victimes, nuire aux Israéliens et atteindre des millions d’internautes au Moyen-Orient et dans le monde entier.
David Saranga, responsable de la diplomatie numérique au ministère des Affaires étrangères, prévient que les réseaux sociaux sont devenus une menace stratégique pour le pays et les autres démocraties de type occidental.
« Aucun pays démocratique ne dispose de moyens efficaces pour lutter contre cette culture du mensonge », a averti Saranga. « Même si des milliers de personnes signalent le tweet comme nuisible et qu’il est finalement retiré de la plateforme, le mal est déjà fait et des millions de personnes ont été exposées au mensonge. »
Une récente analyse de CyberWell a révélé que 135 messages sur les réseaux sociaux en anglais et en arabe niant que le Hamas ait perpétré des violences sexuelles et des viols le 7 octobre avaient réussi à atteindre plus de 15 millions d’utilisateurs. Près de la moitié des messages sont apparus sur X, 27 % sur Facebook, 13 % sur TikTok et 6 % sur Instagram.
CyberWell a constaté que les utilisateurs des réseaux sociaux niant que des agressions sexuelles avaient été commises mettaient habituellement en avant l’absence de preuves tangibles ou de témoignages de victimes de viols – dont beaucoup ont également été assassinés. À mesure que des témoignages poignants sont rendus publics, les détracteurs tentent de mettre à mal leur crédibilité, les accusant de mentir, et tentent de discréditer la fiabilité des journalistes qui font des reportages sur les agressions sexuelles.
Dans certains cas, les négationnistes ont mis en avant des affirmations douteuses concernant les atrocités, formulées dans la confusion et le chaos qui ont immédiatement suivi les massacres sans précédent, pour absoudre le groupe terroriste palestinien du Hamas de sa culpabilité.
Selon Montemayor, certains soutiennent également que les terroristes du Hamas n’ont pas pu commettre de délits sexuels car ils sont mus par une idéologie religieuse musulmane, alléguant que les victimes ont été violées par des Israéliens, une théorie du complot qui rejoint l’idée, généralement marginale, selon laquelle Israël serait à l’origine des atrocités commises le 7 octobre.
Même si ces récits violent les politiques des plateformes de réseaux sociaux qui hébergent ces contenus, leur taux moyen de suppression par les modérateurs n’était que d’environ 22 %, inférieur au taux moyen de suppression de 32 % pour les messages antisémites en 2023, selon CyberWell.
Les modérateurs de contenu ont supprimé un peu plus de 24 % des messages signalés sur Facebook, 20 % sur YouTube, 12,5 % sur TikTok, et X a étiqueté 4 % des tweets sous le drapeau « visibilité limitée » de la plateforme et n’a supprimé que 1,5 % des messages.
Instagram, qui appartient à la société mère de Facebook, Meta, a affiché le taux de suppression le plus bas des contenus de déni des viols du 7 octobre, avec un taux d’action de 0 %, selon le rapport de CyberWell.
Le faible taux de suppression est dû soit à des lacunes importantes dans l’application des politiques de la plateforme, soit à la non-inclusion des massacres du 7 octobre dans la « liste » des événements violents reconnus, estime le groupe de veille dans son rapport.
« Les plateformes doivent appliquer leurs politiques existantes en matière de discours de haine et de violences sexuelles, reconnaître le déni des agressions sexuelles du 7 octobre comme un contenu prohibé et supprimer ces messages à grande échelle », a souligné Montemayor. « Nous sommes plus de sept mois après le 7 octobre, et nous constatons que les plateformes de réseaux sociaux ne suppriment toujours pas ce contenu de manière systématique et n’ont publié aucune sorte de déclaration ni de positionnement sur ce sujet. »
Montemayor a déploré qu’il n’y ait pas de conseils de suppression automatique pour les modérateurs de contenu au sein des réseaux sociaux, à l’exception de la pornographie, en particulier de la pornographie infantile, et des violations du droit d’auteur, car il existe des politiques claires selon lesquelles ce type de contenu est reconnu comme « activité illégale ».
« Ce qu’ils font, c’est qu’ils s’en remettent à un système de vérification des faits par un tiers, ce qui signifie que tout ce qui est signalé sur les réseaux sociaux est soumis à une vérification des faits par un tiers s’il s’agit d’une question de fait, et cela ralentit donc l’ensemble du processus nécessaire pour vérifier ou démentir une affirmation alors que des informations potentiellement fausses demeurent en ligne », a déploré Montemayor. « Il en résulte une popularité sans précédent pour la campagne de démenti du 7 octobre. »
CyberWell vise à conduire l’application et l’amélioration des politiques numériques et des normes communautaires à travers l’espace des réseaux sociaux et à lutter contre l’antisémitisme en ligne et les discours de haine. Le groupe de veille a utilisé l’intelligence artificielle (IA) pour construire une base de données en temps réel, ouverte à tous, qui utilise des renseignements provenant de sources ouvertes pour surveiller et signaler l’antisémitisme en ligne.
CyberWell fait partie du programme de partenaires de confiance de Meta, ce qui lui permet de communiquer directement avec Facebook et Instagram au sujet des contenus qui, selon lui, pourraient être ou sont considérés comme des discours de haine. Le groupe de veille participe à un programme similaire avec TikTok et partage également des données avec le réseau social X d’Elon Musk lorsqu’il identifie des hashtags pertinents ou des pics d’antisémitisme, a précisé Montemayor.
Le groupe de veille a créé un lexique exclusif pour signaler les contenus antisémites hautement susceptibles d’être diffusés en ligne. Ce lexique s’appuie sur la définition de l’antisémitisme de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA). Les contenus signalés sont ensuite vérifiés manuellement par l’équipe de recherche de CyberWell, composée de quatre personnes, et intégrés dans une alerte de conformité de haut niveau à l’intention des modérateurs de contenu, des équipes chargées des politiques et des ingénieurs des réseaux sociaux.
« Effectivement, nous sommes un outil de conformité à l’antisémitisme en ligne pour les plateformes de réseaux sociaux, car nous leur fournissons des données réelles sur la façon dont leurs propres règles ne parvenaient pas à être appliquées », a fait remarquer Montemayor. « Cela permet à leurs équipes de mener des enquêtes de manière indépendante, puis de supprimer le contenu en question. »
Depuis l’assaut du 7 octobre, CyberWell a contribué à supprimer bien plus de 50 000 contenus violant les politiques des plateformes de réseaux sociaux, a indiqué Montemayor.
Cependant, les plateformes de réseaux sociaux ne suppriment toujours pas ces contenus à grande échelle, a-t-elle accusé.
Les représentants de Facebook, d’Instagram, de leur société mère Meta et de TikTok n’ont pas répondu aux demandes de commentaires avant la mise sous presse de cet article. Aucun représentant de X n’a pu être joint.
Selon Montemayor, il faut que les principaux réseaux sociaux publient un communiqué déclarant que nier le 7 octobre est « un contenu proscrit parce qu’il s’agit d’une négation d’événements violents destinée à victimiser les victimes d’un attentat terroriste majeur ».
CyberWell a appelé tous les réseaux sociaux à reconnaître et à traiter les contenus réfutant et déformant les atrocités du 7 octobre de la même manière qu’elles traiteraient les contenus réfutant ou déformant la Shoah, en vertu de politiques restreignant les discours niant l’existence d’événements violents bien documentés.
« Au début, les plateformes de réseaux sociaux ont hésité à établir une quelconque politique autour de la question du 7 octobre, car des informations continuaient à être publiées sur les événements », a affirmé Montemayor. « Mais à ce stade, l’hésitation à répondre à cet appel et à reconnaître qu’il s’agit d’une campagne antisémite délibérée et à en faire une question de politique est une paresse qui entraînera des violences contre le peuple juif et ceci est inacceptable. »
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