Israël en guerre - Jour 494

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Reportage

Des gauchistes en visite à Hébron confirment que les résidents ont « déjà gagné »

Alors que l'armée semble suivre les directives de la population locale, les membres de Breaking the Silence réalisent que la présence juive à Hébron ne disparaîtra pas

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Un guide de Breaking the Silence anime une visite guidée à Hébron le 30 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)
Un guide de Breaking the Silence anime une visite guidée à Hébron le 30 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

HEBRON, Cisjordanie – Les centaines d’Israéliens de gauche qui sont arrivés à Hébron vendredi dernier n’ont pas tardé à voir confirmées leurs pires craintes concernant la situation dans cette ville siège de tensions de Cisjordanie.

« Vous arrivez trop tard », s’est exclamé un jeune résident israélien alors qu’il passait à vélo, en se moquant d’une partie des quelque 300 visiteurs israéliens, qui étaient guidés par des membres de l’ONG de gauche Breaking the Silence.

Il n’a pas eu besoin de s’expliquer davantage auprès des visiteurs, venus constater l’étendue de la présence israélienne dans une petite zone de la ville, appelée H2.

Environ 850 israéliens vivent dans des bâtiments très protégés à Hébron, entourés de dizaines de milliers de Palestiniens dont les déplacements sont fortement limités.

Les guides de Breaking the Silence ont organisé la visite – qui est la plus importante jamais organisée dans la ville divisée – pour montrer ce qui, selon eux, est devenu une réalité qui s’est concrétisée à Hébron, où les résidents juifs définissent la politique gouvernementale de la ville et où l’armée israélienne qui les protège est censée suivre la tendance.

« En fin de compte, je pense qu’ils ont gagné, malheureusement », a déclaré Ronni Lavi, un des participants de la visite.

Une visite guidée de Breaking the Silence à Hébron le 30 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

Alors que les visites quasi hebdomadaires de Breaking the Silence sont ouvertes au public, ce groupe spécifique de 60 participants de Tel Aviv représentait une assez petite minorité, semblable à la composition perçue de la gauche israélienne en général : les personnes âgées et les Ashkenazes.

Les cinq autres groupes de ce jour-là semblaient un peu plus diversifiés, mais celui-ci se composait en très grande majorité de retraités. Un certain nombre d’entre eux ont utilisé des cannes pour se promener dans la ville. Quelques autres portaient des casquettes de base-ball avec des logos rétro de groupes progressistes tels que le New Israel Fund et Machsom (Checkpoint) Watch.

Les casquettes témoignaient du fait que de nombreux membres du groupe soutiennent une solution à deux États alors que l’idée était encore taboue dans de nombreuses parties de la société israélienne. Alors que la notion d’État palestinien est davantage ancrée dans le courant dominant – le Premier ministre Benjamin Netanyahu l’a même brièvement soutenue publiquement en juin 2009 – le groupe en visite à Hébron semblait résigné devant la réalité que la présence israélienne en Cisjordanie est toujours aussi forte et la paix toujours aussi éloignée

« Le pays que j’ai quitté n’est plus le même que celui que j’ai retrouvé », a déclaré Hilla Israeli, 59 ans, qui a passé les deux dernières décennies en périphérie de Washington, DC. « C’est un pays de droite maintenant. »

Peu de temps auparavant, s’arrêtant sur la tombe du terroriste juif Baruch Goldstein dans l’implantation voisine de Kiryat Arba, le groupe avait été choqué de trouver des dizaines de pierres respectueusement placées sur la tombe, qui comporte une inscription religieuse en hébreu indiquant que Goldstein avait été « abattu en sanctifiant Dieu ».

En février 1994, Goldstein a ouvert le feu sur des fidèles musulmans au Tombeau des Patriarches à Hébron, tuant 29 Palestiniens et en blessant 125 jusqu’à ce que son arme se bloque et qu’il soit abattu.

La visite de vendredi a été organisée pour coïncider avec la publication par Breaking the Silence d’un nouveau recueil de témoignages anonymes de soldats de Tsahal qui ont servi à Hébron de 2011 à 2017. Les guides ont lu divers passages du recueil aux endroits concernés pendant la visite.

Alors que les « aveux » des anciens soldats sur les mauvais traitements de routine infligés à la population majoritaire de la ville ont amené les Palestiniens dans l’équation, les visites de vendredi ont surtout mis en lumière le rôle des juifs locaux.

Un guide de Breaking the Silence anime une visite guidée à Hébron le 30 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

Breaking the Silence, qui recueille et publie des témoignages d’anciens soldats, organise régulièrement des visites à Hébron depuis des années, attirant l’attention sur les allégations d’inconduite, de crimes plus graves et de discrimination par les soldats et les petits groupes de résidents vivant parmi les quelque 200 000 Palestiniens à Hébron.

L’ONG a exaspéré de nombreux Israéliens et s’est attirée l’ire de responsables qui ont contesté l’authenticité de ses affirmations généralement anonymes et déploré son travail de plaidoyer au sein de la communauté internationale.

« Ce nom est devenu honteux ici », a déclaré Dar Shor, 27 ans, l’une des rares jeunes participantes au voyage, admettant qu’elle n’avait pas révélé l’identité de l’organisateur de la visite en parlant de ses projets pour la journée à ses amis.

Beaucoup d’autres jeunes étaient dans les deux bus des anglophones, surtout des touristes, ce qui, pour certains, était le symbole d’un fossé profond entre Israël et la diaspora.

« Les jeunes d’Israël sont soit de droite, soit désintéressés », a accusé Lavi. De récents sondages ont montré une légère baisse des taux en faveur d’une solution à deux États. En outre, une enquête réalisée en 2016 a révélé que les jeunes Israéliens étaient presque deux fois plus enclins que les Israéliens plus âgés à considérer l’importante implantation d’Ariel en Cisjordanie comme faisant partie d’Israël.

Des habitants juifs des implantations passent à côté d’une base de l’armée israélienne à Hébron. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

La tranche d’âge des visiteurs était plutôt âgée, et leur tendance sur l’échiquier politique était nettement orientée vers la gauche.

« Malheureusement, ces visites sont devenues un moyen de convaincre les convaincus », a ajouté Lavi.

« La seule chose que nos membres ont en commun, c’est notre opposition à l’occupation », a déclaré le guide Nadav Weiman, qui a présenté son organisation aux participants. Weiman, le directeur de l’ONG, a déclaré qu’il n’avait pas à s’en prendre à l’armée israélienne, mais plutôt au gouvernement israélien, qui envoie ses soldats dans les Territoires palestiniens depuis plus d’un demi siècle. Depuis sa création en 2004, l’organisation a effectué des centaines de visites à Hébron afin d’avertir les Israéliens du coût moral de telles politiques.

Weiman a conduit son groupe au Tombeau des Patriarches, un lieu saint pour les Juifs et les Musulmans, avant de descendre la rue Shuhada, l’ancienne artère principale et centre commercial de Hébron.

Il a montré une photo de ce à quoi ressemblait le boulevard autrefois animé avant que ses boutiques ne soient fermées à la suite des émeutes palestiniennes qui ont suivi le massacre de Goldstein en 1994.

Anciennement une rue pleine de vie, la rue Shuhada est aujourd’hui fermée au public palestinien. Elle est maintenant vide la plupart du temps (Crédit : Elhanan Miller/Times of Israel)

Au fil des haltes, il a affirmé que les résidents juifs exerçaient une influence sur les décisions du ministère de la Défense concernant la ville et intensifiaient leur présence, notamment avec une décision récente de l’ancien ministre de la Défense Avigdor Liberman de faire avancer un projet pour construire un immeuble résidentiel pour les juifs de Hébron au-dessus d’un ancien marché palestinien que ces derniers avaient occupé illégalement pendant plusieurs années.

Alors que de nombreuses visites de Breaking the Silence suscitent des réactions de résidents juifs locaux et d’autres personnes qui tentent de s’immiscer ou d’inciter des guides à se battre devant la caméra, les visites de vendredi se sont d’abord déroulées relativement pacifiquement, la plupart des résidents juifs passant devant eux et n’exprimant que perplexité et étonnement, en fait.

Cependant, lors d’un incident, le porte-parole de Breaking the Silence, Dean Issacharoff, a été conspué en racontant son expérience en tant que soldat de Tsahal à Hébron, un local israélien le traitant en boucle de « menteur ». (Dans une polémique en cours, Issacharoff a allégué qu’il avait lui-même agressé un Palestinien dans la ville pendant son service militaire.)

Le chahuteur a filmé l’altercation sur son téléphone à l’aide de Facebook Live, espérant apparemment provoquer une réaction de l’activiste de gauche.

Un chahuteur (à gauche) interpelle Dean Issacharoff de Breaking the Silence, alors qu’il dirige un groupe dans la ville de Hébron, en Cisjordanie, le 30 novembre 2018. (Jacob Magid/Times of Israel)

Mais Issacharoff a continué à raconter son histoire aux visiteurs, qui s’étaient rapprochés pour l’entendre dans les cris. Au bout de quelques minutes, un policier en civil est arrivé, a placé son bras autour de l’épaule du chahuteur et l’a calmement éloigné du groupe.

L’atmosphère s’est exacerbée lorsque les groupes ont atteint leur dernier arrêt dans le quartier de Tel Rumeida. Un jeune résident juif attendait là, un tuyau à la main. En criant « fils de putes », il a aspergé d’eau l’un des groupes.

Le garçon a rapidement été emmené par les forces de sécurité, qui protégeaient les visites avec des dizaines de soldats.

Par la suite, plus d’une centaine d’étudiants de yeshiva ont commencé à chanter et à danser dans la rue en direction des visiteurs de gauche pour tenter de submerger l’employé de Breaking the Silence, qui a poursuivi la visite malgré la pagaille.

Les étudiants ont été rejoints par un certain nombre de garçons qui soufflaient des sifflets et des vuvuzelas.

Une juive du quartier arriva, tenant par l’épaule une amie, et commença à interpeller les visiteurs en hurlant. « Le mari de cette femme a été assassiné par les Arabes d’ici, et vous êtes venus écouter leur version. Vous devriez avoir honte, dit-elle entre les klaxons de vuvuzela.

Quelques minutes plus tard, un commandant supérieur de brigade de Tsahal est arrivé sur les lieux et a averti les organisateurs de la visite qu’il avait décidé de déclarer la zone, zone militaire fermée, afin de préserver l’ordre public.

Lorsqu’un membre du personnel de l’ONG s’y est opposé, disant que cela récompensait le mauvais comportement des résidents juifs, l’officier a répondu qu’il était les mains liées.

Les visites n’ont pas pu atteindre leur dernière étape chez un Palestinien, mais les guides ont semblé être réconfortés par le fait que la foule et l’ordre donné par Tsahal avaient renforcé leur perception du décalage dans les rapports des résidents juifs avec les militaires dans cette ville.

Pour sa part, Noam Arnon, porte-parole de la communauté juive de Hébron, a déclaré que les visites Breaking the Silence sont une « provocation flagrante » contre les résidents juifs qui réalisent leur droit historique de revenir dans cette ancienne ville sainte.

Noam Arnon, porte-parole de la communauté juive de Hébron, prend la parole lors de la conférence Moreshet du groupe « Besheva », le 12 février 2017. (Gershon Elinson/Flash90)

Arnon a affirmé que les résidents avaient fait preuve d’une « tolérance maximale ». Il a également accusé Breaking the Silence d’ “incitation contre Tsahal” en publiant les témoignages des soldats plutôt que de les faire examiner en interne.

« C’est l’une des principales organisations qui engendre de l’antisémitisme et du terrorisme », a-t-il accusé.

Dans l’impossibilité d’atteindre la dernière étape de la tournée, les groupes de gauche se sont mis en marche vers les autobus pour rentrer chez eux.

« Au moins, nous avons appris qui est le patron ici », a déclaré Miriam Gur, 80 ans, alors qu’elle montait dans son bus.

« Les résidents juifs, pas les soldats », a ajouté son mari, Noam, qui a dit que c’était la première fois qu’il revenait à Hébron depuis qu’il avait combattu dans la région pendant la guerre des Six jours en 1967.

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