Des groupes juifs font pression sur Lapid suite aux perturbations au mur Occidental
Les dirigeants de quatre organisations internationales ont demandé au Premier ministre de prendre des "mesures" pour que tous les Juifs se sentent en sécurité au mur Occidental
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Les dirigeants de quatre grandes organisations juives internationales ont poliment exigé du Premier ministre Yair Lapid qu’il prenne des « mesures immédiates » pour régler la situation dans la section égalitaire du mur Occidental, après que des manifestants orthodoxes ont perturbé un certain nombre d’offices conservateurs la semaine dernière.
« Nous estimons respectueusement que des mesures immédiates doivent être prises pour – au minimum – assurer la sûreté, la sécurité et le bien-être de tous ceux qui se rendent dans l’ensemble de la zone du Kotel, ainsi que pour s’assurer que tous les fidèles se voient accorder le même niveau de respect que nous attendrions s’il s’agissait de nos propres familles – parce qu’il s’agit de notre propre famille juive !
Jeudi dernier, plusieurs dizaines d’hommes et de garçons orthodoxes sont entrés dans la section égalitaire du mur Occidental, une zone située au sud de l’esplanade principale également connue sous le nom d’ « Arche de Robinson », munis de sifflets et de pancartes, alors qu’un certain nombre de familles venues des États-Unis y organisaient des cérémonies de bar-mitzvah pour leurs enfants. Les jeunes ont tenté de perturber les trois cérémonies de bar et bat mitzvah qui s’y déroulaient, à grand renfort de sifflets et d’insultes, mais aussi en déchirant des livres de prières.
Mardi, Lapid s’est prononcé contre l’incident en réponse à la question d’un journaliste.
« Je m’oppose à tout acte de violence au mur Occidental contre ceux qui souhaitent venir y prier selon leur foi. Cela ne peut pas continuer », a déclaré Lapid, s’adressant aux journalistes à Paris après une réunion avec le président français Emmanuel Macron.
Dans la lettre, les responsables des quatre organisations ont déclaré que les dénonciations n’étaient pas une réponse suffisante à ce type de comportement.
« Les mots de soutien ne suffisent pas, et des actions concrètes doivent être prises pour que les Juifs de tous les courants se sentent chez eux, en sécurité et bienvenus au Kotel et en Israël », ont-ils écrit.
La lettre a été remise à Lapid mardi, a déclaré un porte-parole des Fédérations juives.
Les organisations ont averti que ce type d’incidents mettait à rude épreuve les liens déjà fragiles entre Israël et les communautés juives à l’étranger.
« Il s’agit du ‘derekh eretz’ de base (la bienséance, en hébreu) d’Israéliens accueillant des Juifs du monde entier qui viennent fêter leurs célébrations les plus chères dans l’État juif, suivent toutes les règles établies pour un tel événement, ne se livrent à aucune provocation, ne manifestent rien d’autre que leur ‘ahavat Yisrael’ – l’amour d’Israël – et sont néanmoins soumis à une conduite qui devrait embarrasser tout Juif de tout niveau ou style de pratique juive. Aucun effort visant à unir ou à renforcer les liens entre Israël et les Juifs de la diaspora ne peut être couronné de succès tant qu’un tel comportement sera autorisé », ont-ils écrit.
La lettre a été signée par Michael Siegal, président sortant du Conseil des gouverneurs de l’Agence juive, Yaakov Hagoel, président de l’Organisation sioniste mondiale et chef par intérim de l’Agence juive, et Mark Wilf, président entrant du Conseil des gouverneurs de l’Agence juive ; Doron Almog, président entrant de l’Agence juive ; Julie Platt, présidente des Fédérations juives d’Amérique du Nord ; Eric Fingerhut, président et directeur général des Jewish Federations of North America ; Steven Lowy, président du conseil d’administration mondial du Keren Hayessod ; et Sam Grundwerg, président du Keren Hayessod.
La lettre était adressée à Lapid, mais des copies ont également été envoyées au ministre de la Sécurité intérieure, Omer Barlev, au ministre des Affaires de la Diaspora, Nachman Shai, et au ministre adjoint des Affaires religieuses, Matan Kahana.
Les dirigeants juifs mondiaux ont dissocié cette question de celle du compromis dit « du mur Occidental », un accord négocié en grande partie par l’Agence juive qui verrait les courants non orthodoxes du judaïsme être représentés dans la gestion du lieu saint.
« Nous comprenons qu’il existe des divergences d’opinion au sein de la Knesset et même au sein de votre gouvernement au sujet de l’accord sur le Kotel. Nous avons pleinement conscience de votre soutien à cet accord. Cependant, il n’est pas ici question de l’accord du Kotel », ont-ils écrit à Lapid.
Les dirigeants de l’organisation ont écrit qu’ils « ont hâte d’entendre ce que le gouvernement peut faire pour régler cette question au plus vite ».
« Nous sommes prêts à travailler avec vous de toutes les manières possibles pour vous aider dans cette affaire urgente », ont-ils écrit.
Yizhar Hess, ancien chef du mouvement Massorti – l’équivalent israélien du mouvement conservateur – et actuel vice-président de l’Organisation sioniste mondiale, a réitéré l’appel à l’action, et non aux mots, en réponse à la violente protestation qui a eu lieu dans la section égalitaire.
« Cette lettre est incroyablement appropriée – très polie mais aussi très agressive. Les déclarations ne suffisent plus », stipule la lettre, et je ne peux pas être plus d’accord », a déclaré Hess, qui n’a pas signé la missive.
Hess a qualifié les actions des jeunes orthodoxes de « crime de haine » et a déclaré que si elles s’étaient produites n’importe où ailleurs dans le monde, on parlerait d’antisémitisme, faisant écho à une remarque similaire formulée mardi par Deborah Lipstadt, une autorité mondiale en matière d’antisémitisme et l’actuelle envoyée spéciale des États-Unis sur l’antisémitisme.
« Ces horribles actions ont blessé des familles qui célébraient des bar et des bat mitzvot, ont profané la sainteté du mur Occidental et, du même coup, ont sapé la position de l’État d’Israël en tant que foyer national du peuple juif », a-t-il déclaré.
« J’espère que le gouvernement d’Israël, même en tant que gouvernement intérimaire, saura prendre les bonnes décisions afin que de tels incidents ne se reproduisent plus », a ajouté Hess.
La semaine prochaine, les chefs de ces organisations se réuniront à Jérusalem pour la réunion du conseil des gouverneurs de l’Agence juive, au cours de laquelle ils devront également rencontrer de hauts responsables israéliens.