Des hommes qui avaient lynché Haftom Zarhum acquittés
Le juge libère deux hommes qui avaient passé à tabac un jeune migrant en pensant qu'il avait mené l'attentat à la gare routière de Beer Sheva en 2015
Citant le doute raisonnable, le tribunal du district de Beer Sheva a acquitté lundi deux hommes, le soldat de l’armée israélienne Yaakov Shimba et l’officier du service pénitentiaire israélien Ronen Cohen, pour leur rôle dans le lynchage en 2015 d’un migrant érythréen qu’ils avaient pris – à tort – pour un terroriste palestinien.
Dans les minutes qui ont suivi un attentat terroriste à la gare routière de Beer Sheva le 18 octobre 2015, Haftom Zarhum, 29 ans, un spectateur innocent, a été abattu par deux soldats et un agent de sécurité qui pensaient qu’il était l’auteur de l’attentat. Alors qu’il gisait en sang sur le sol, une foule de passants en colère – croyant qu’il était le terroriste responsable – l’a battu, certains d’entre eux lui assénant de puissants coups à la tête et le frappant avec un banc en métal. Il est mort quelques heures plus tard dans un hôpital, et une autopsie a conclu que la cause principale du décès était les blessures par balle.
L’attaque a été menée par Muhanad Alukabi, 21 ans, originaire d’un village bédouin non reconnu du Néguev. Il a d’abord ouvert le feu avec un pistolet, tuant le soldat Omri Levi, dont il a pris l’arme de service pour blesser 11 autres personnes. Il a été tué lors d’une fusillade avec la police après s’être terré dans des toilettes.
Shimba, Cohen et deux autres hommes, qui ont été filmés par les caméras de vidéosurveillance en train de passer à tabac Haftom Zarhum, ont été accusés d’avoir « causé des blessures avec une intention grave », un délit passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison. Contrairement aux deux autres accusés, ils n’ont pas accepté un accord qui réduirait l’accusation et donnerait lieu à une peine relativement clémente.
Selon l’acte d’accusation, à la suite de l’attaque, Shimba a donné de violents coups de pied à Haftom Zarhum à la tête et sur le haut du corps. Cohen lui a jeté un banc sur la tête, qu’il a repris après qu’un autre homme l’a éloigné pour de nouveau le faire tomber sur l’homme couché sur le ventre.
Cohen avait également bousculé un civil qui lui avait demandé d’arrêter son attaque, selon les accusations.
Malgré le fait que la victime était déjà gravement blessée, le juge Aharon Mishnayot a déclaré lundi que l’argument des deux hommes – qu’ils l’avaient roué de coups parce qu’ils pensaient sincèrement qu’il était le terroriste – était suffisant pour justifier un acquittement.
L’avocat de Cohen, Zion Amir, a qualifié son client de « héros ».
Commentant la décision, Amir a déclaré « Il ne fait aucun doute que c’est un grand jour pour un officier qui a agi héroïquement lors de l’incident, et au lieu d’une récompense, il a obtenu une mise en accusation. Je suis heureux que le tribunal l’ait acquitté après une bataille juridique de près de cinq ans ».
Les deux autres accusés du lynchage, Evyatar Dimri et David Muial, ont été condamnés en 2018 à l’issue d’une négociation de plaidoyer qui a rétrogradé leurs accusations au chef de « maltraitance sur une personne sans défense », un crime moins grave passible d’une peine de prison maximale de sept ans.
Dimri a été condamné à quatre mois de prison et Muial a reçu 100 jours de travaux d’intérêt général et huit mois de probation. Il a également été condamné à payer 2 000 shekels (environ 508 euros) de dédommagement à la famille de la victime.
La famille de Haftom Zarhum a poursuivi l’État en dommages et intérêts, alléguant que sa mort était due à une négligence et à un manquement à la procédure appropriée.
La plainte, déposée en 2017 devant le tribunal du district de Beer Sheba, réclamait 3 millions de shekels (760 000 euros) de compensation et que l’Agence nationale d’assurance reconnaisse que Haftom Zarhum était victime de terrorisme, donnant ainsi à sa famille le droit à des prestations supplémentaires de l’État.
L’Agence nationale d’assurance a refusé de le reconnaître comme victime de terrorisme parce que l’Érythréen était entré illégalement dans le pays.