Des ministres s’opposent à toute révision de la loi de « récusation »
Alors que les juges délibèrent sur la loi protégeant le Premier ministre, le ministre de la Justice, entre autres, soutient que l'audience sur la question est en soi illégitime
Des ministres de la coalition ont critiqué la Haute Cour de justice jeudi, alors qu’elle tenait une audience sur une loi adoptée en mars protégeant le Premier ministre d’une démission forcée, affirmant que les juges sapaient la démocratie du pays simplement en acceptant d’examiner les recours déposés.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin (Likud), a affirmé dans une déclaration que l’audience sur les recours déposés contre la loi de « récusation » du gouvernement « est de facto une discussion sur l’annulation des résultats de l’élection [législative] ». Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a qualifié l’audience de la Haute Cour « d’illégitime », tandis que son collègue du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, le député Simcha Rothman, a qualifié l’audience « d’acte extrême ».
Les manifestants anti-gouvernement ont riposté, accusant Levin de se comporter comme un voyou. Quatre personnes ont été arrêtées lors d’une manifestation près de la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem.
La législation controversée – un amendement à la Loi fondamentale quasi-constitutionnelle : Le Gouvernement – empêche les Premiers ministres d’être contraints par la Cour ou par le procureur général de démissionner. Elle est largement considérée comme destinée à protéger Netanyahu d’une telle sanction pour avoir prétendument violé un accord de conflit d’intérêts qu’il a signé en 2020 pour lui permettre d’exercer ses fonctions de Premier ministre alors qu’il est jugé pour des accusations de corruption. En vertu de cet accord, Netanyahu s’est engagé à ne pas s’impliquer dans des affaires judiciaires susceptibles d’affecter son procès en cours.
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Le gouvernement actuel a mis en place une refonte complète du système judiciaire et la procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré que Netanyahu ne respectait pas cet accord, tout en précisant qu’elle n’envisageait pas d’ordonner au Premier ministre de se récuser.
Dans sa déclaration, Levin a rejeté une proposition faite par la Cour de reporter la date d’application de la loi à la prochaine Knesset afin de contourner l’apparente nature personnelle de la loi.
« Le report de la mise en œuvre de la loi de ‘récusation’ signifie qu’un fonctionnaire non-élu (…) serait en mesure de s’octroyer des pouvoirs qu’il n’a jamais reçus, et de discuter de l’option délirante d’ordonner à un Premier ministre de se récuser, en négation totale des résultats des élections », a déclaré Levin (bien qu’aucun fonctionnaire n’ait cherché à tenir une telle discussion avant l’adoption de la législation).
« Il en résulterait qu’Israël ne serait plus une démocratie, mais serait dirigé par des personnes qui se sont placées au-dessus du peuple, au-dessus du choix des électeurs dans les urnes. »
« L’audience à la Haute Cour sur la loi de ‘récusation’ est illégitime. Le peuple a eu son mot à dire lors des élections [législatives] et les fonctionnaires ne peuvent pas annuler le choix du peuple. Les juges ne peuvent pas invalider une Loi fondamentale et certainement pas s’inventer, à eux ou au procureur général, l’autorité de destituer un Premier ministre élu. C’est la vérité, et tout le reste n’est qu’un mauvais spectacle qui ne tient pas la route », a déclaré le ministre des Finances dans un communiqué.
Les leaders des manifestations contre la refonte judiciaire du gouvernement ont comparé Levin à un avocat de la mafia.
« Levin continue de se comporter comme un avocat de la mafia sicilienne et profère des menaces à l’encontre de la Cour alors que l’audience commence », ont-ils déclaré dans un communiqué. « Un tel comportement mafieux n’est possible que dans une dictature. »
« L’homme à la tête d’un dangereux coup d’État qui écrase l’État d’Israël sait déjà que des millions de personnes se manifesteront pour défendre le tribunal et les gardiens [de la démocratie] face à ses actions.
Rothman, qui préside la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset qui a supervisé la législation, a reproché à la Cour d’avoir accepté de discuter de l’invalidation potentielle de la loi de « récusation » du gouvernement.
« L’existence même d’une telle discussion dans un État démocratique est un acte très extrême. C’est comme si le gouvernement organisait une discussion sur l’annulation des élections [législatives] », a déclaré Rothman dans une interview accordée à la radio de l’armée.
Le ministre des Communications, Shlomo Karhi (Likud), a déclaré que la Cour essayait de résoudre un « très petit problème » avec « un marteau de forgeron ».
« Elle annule la démocratie », a-t-il déclaré au média Ynet.
D’autres législateurs de la coalition se sont également prononcés contre le tribunal. La députée Tally Gotliv (Likud), qui a assisté à l’audience, a qualifié la procédure « d’étrange ».
« Ce qui m’intéresse, c’est de savoir qui a le pouvoir de récuser un juge », a-t-elle déclaré.
Le député Zvi Sokot, du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit, a déclaré que « la Haute Cour n’a jamais été autorisée à discuter des Lois fondamentales » et que « permettre à un fonctionnaire [le procureur général] d’annuler le choix du peuple de son propre chef est une attaque contre la démocratie ».
« L’opposition souhaite que Baharav-Miara puisse nommer un Premier ministre en Israël de son propre chef.
Les recours contre la loi de « récusation » ont été déposées par l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël et le parti Yisrael Beytenu. Ils affirment que les Lois fondamentales ne peuvent être adaptées aux besoins d’une personne spécifique.
Le député de l’opposition Avigdor Liberman, leader d’Yisrael Beytenu, était présent au tribunal où il a déclaré à la chaîne publique israélienne Kan que la mise en œuvre de la loi devrait au moins être reportée jusqu’aux prochaines élections législatives.
« Il s’agit d’une loi draconienne selon laquelle un Premier ministre ne peut être récusé qu’après ses funérailles, et pas une seconde avant. Il s’agit donc d’une loi déraisonnable et inacceptable », a déclaré Liberman.
Jeudi matin, des centaines de manifestants anti-gouvernement ont manifesté près du domicile privé de Netanyahu, rue Gaza à Jérusalem, avant l’audience de la Haute Cour.
Les militants anti-Netanyahu du groupe Frères et Sœurs d’Armes sont arrivés avec des cartons portant le slogan « Pack, Sara, Levin is moving in » (« Commence à emballer Sara, Levin emménage ») – ce qui implique que Levin, et non Netanyahu, est le véritable pouvoir au sein du gouvernement.
Les militants ont demandé à Netanyahu de « faire preuve de leadership et d’annuler le coup d’État judiciaire afin de mettre fin au chaos et de remettre Israël sur les rails ».
La police a déployé un grand nombre de policiers sur les lieux, dont des agents de la garde montée et un canon à eau.
Quatre manifestants ont été arrêtés pour intrusion et trouble à l’ordre public après avoir escaladé une clôture pour pénétrer dans la propriété d’un immeuble adjacent à la résidence du Premier ministre.
Des militants pro-gouvernement du groupe de droite Im Tirzu ont organisé une manifestation près de la Cour sous la bannière : « La Haute Cour de Justice détruit la démocratie ».
Les manifestants ont installé des urnes d’apparence officielle remplies de bulletins de vote portant la mention « Invalidé par la Haute Cour ».
Au cours de l’audience de jeudi, la Cour devrait envisager de retarder l’application de la loi jusqu’à l’entrée en fonction de la prochaine Knesset, une mesure recommandée par Baharav-Miara.
Une telle décision de la Cour lui permettrait d’éviter l’étape très controversée et sans précédent de l’invalidation d’un amendement à une Loi fondamentale. Cela résoudrait également ce que les requérants et Baharav-Miara elle-même ont souligné comme étant la nature problématique de la législation : qu’il est évident que cette loi a été conçue pour profiter directement à Netanyahu.