Des temples secrets du chocolat à Gaza
"Pour l'instant, notre entreprise compte 150 employés. Mais si nous pouvons exporter le nombre passera à 300 ou 400", affirme le président de la société Sarayo al-Wadiya
Biscuits à la guimauve, petits chocolats en forme de coeur, gaufrettes garnies d’une imitation de Nutella : à l’ombre des roquettes et du mouvement terroriste islamiste du Hamas, des usines à sucreries vrombissent dans la bande de Gaza, un doux secret longtemps interdit à l’export.
Sur une rue de terre battue, bosselée, dans le centre de Gaza, des gamins s’agglutinent devant une porte entrouverte. Un ouvrier en sort. Les mômes insistent : ils veulent des bonbons. L’ouvrier en bleu rentre dans la manufacture, cueille des échantillons et balance aux enfants de quoi carier leurs dents.
A l’intérieur de l’usine, l’ambiance ressemble à celle de « Charlie et la Chocolaterie », bien que sans Johnny Depp. Une machine moule et presse des gaufrettes fines, véritables « mille-feuilles » à la garniture chocolatée et enrobée de chocolat.
Plus loin, les pétrins tournoient doucement pour attendrir le chocolat.
Aucune matière première ne vient de la bande de Gaza : ni le sucre, ni le cacao ou les noisettes. Le sucre provient d’Afrique, le cacao en poudre ce mois-ci d’un intermédiaire en Turquie, comme la pâte de noisette d’ailleurs.
Tout ce qui entre à Gaza – trois fois la superficie de Paris – est contrôlé par Israël qui impose des restrictions sécuritaires à l’enclave depuis qu’elle est tombée en 2007 entre les mains des islamistes du Hamas après une guerre fratricide avec le Fatah.
Double douane
Gaza n’a pas de port ni d’aéroport. Les ingrédients arrivent à Ashdod, port israélien situé à 35 kilomètres au nord de l’enclave. Or, d’Ashdod à Gaza, il faut s’armer de patience…
« A Ashdod, il faut payer le personnel pour décharger, puis des camions jusqu’à la frontière (israélienne) de Kerem Shalom », explique Waël Ai, directeur de l’usine de sucrerie Al-Arees.
« Là, il faut sortir la marchandise, la faire passer dans un autre camion qui fera environ 500 mètres avant d’arriver à un check-point du Hamas (au pouvoir dans la bande de Gaza, ndlr) où la marchandise sera à nouveau inspectée », continue-t-il.
« Je paie deux fois les douanes », une fois à Ashdod, où les israéliens perçoivent ces frais pour l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie, et une autre à Gaza, souffle l’industriel en blouson en cuir.
Comme Gaza manque d’électricité, M. Ai a installé dans la cour trois énormes blocs électrogènes, gourmands en fioul.
De son usine, sortent des gaufrettes appelées « chatawi » ou « Krembo », des biscuits doublés d’une guimauve et enrobés de chocolat, une pâte au noisette à tartiner baptisée « Natalia » au logo calqué sur celui de la marque italienne Nutella, des chocolats noirs et au lait.
A Gaza, une boîte de 20 Krembo coûte 5 shekels (1,30 euro) et les 400 grammes de « Natalia » un euro. Avec un taux de chômage de 47 %, voire de 64 % chez les jeunes, selon la Banque Mondiale, les usines à bonbons ne peuvent relever leurs prix.
Or les industriels disent manger leur profit, notamment en raison des coûts générés par l’impossibilité d’exporter leurs produits : le blocus les autorise à exporter légumes et vêtements, mais pas de produits alimentaires transformés.
« Nous avons des usines de biscuits, de bonbons, de chocolat. Mais rien de tout ça ne peut quitter Gaza », regrette Maher al-Tabbaa, responsable à la Chambre de commerce locale.
Les Krembo de Bahreïn
« L’absence de ports a augmenté les coûts de l’activité économique pour les Palestiniens », souligne aussi le plan américain pour le Moyen-Orient, appelant à la création d’un port à Gaza.
« On ne peut pas acheminer les produits jusqu’en Cisjordanie. Un marché limité et l’interdiction d’exporter affaiblissent l’économie de Gaza », résume M. Tabbaa.
Mais le 31 décembre 2019, une mini-révolution a cependant eu lieu : pour la première fois depuis l’instauration du blocus, Gaza a pu exporter un produit alimentaire sorti de ses usines : les fameux Krembo.
Destination : Bahreïn
Huit tonnes de ces biscuits ont quitté l’enclave, traversé Israël, la Cisjordanie, pour arriver en Jordanie. De là, ils se sont envolés pour le petit royaume du Golfe.
« Ce que j’ai exporté, c’est l’équivalent d’une journée de travail » seulement, nuance Waël al-Wadiya, président de la société Sarayo al-Wadiya, qui a confectionné ces « chatawi volants » de Bahreïn.
« Pour l’instant, notre entreprise compte 150 employés. Mais si nous pouvons exporter le nombre passera à 300 ou 400 », dit-il, espérant pouvoir aussi faire reculer le chômage qui ronge Gaza.
M. Wadiya reste optimiste : « Si on peut réussir à Gaza, on peut réussir partout ailleurs ».
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