Israël en guerre - Jour 363

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Opinion

En présentant sa vision centriste à l’ONU, Lapid espère obtenir des votes au scrutin

Le Premier ministre défend son pays, souligne sa puissance et tend la main aux Palestiniens ; Israël a glissé peu à peu vers la droite, mais peut-être pas aussi loin que Netanyahu

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Yair Lapid arrive pour s'adresser à la 77e session de l'Assemblée générale des Nations Unies au siège de l'ONU à New York le 22 septembre 2022. (Crédit : Timothy A. Clary/AFP)
Le Premier ministre Yair Lapid arrive pour s'adresser à la 77e session de l'Assemblée générale des Nations Unies au siège de l'ONU à New York le 22 septembre 2022. (Crédit : Timothy A. Clary/AFP)

Six ans après que son prédécesseur a soutenu pour la dernière fois une solution à deux États devant l’Assemblée générale des Nations unies, Yair Lapid a ravivé l’engagement du Premier ministre israélien en faveur de cette approche à l’occasion de son premier discours jeudi, dans lequel il a présenté un choix clair aux Palestiniens et à son propre électorat israélien.

En 2016, depuis la même tribune, Benjamin Netanyahu ne s’était pas contenté de déclarer son engagement « en faveur d’une vision de la paix fondée sur deux États pour deux peuples », mais il avait été jusqu’à inviter le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à venir s’adresser à la Knesset, et avait proposé « de s’adresser au Parlement palestinien à Ramallah ».

Mais bien avant qu’il ne prenne la parole, la rumeur que Lapid allait confirmer sur la scène mondiale sa conviction de longue date qu’un État palestinien pacifique aux côtés d’Israël était la meilleure perspective pour l’avenir des deux peuples avait déjà provoqué une tempête politique intérieure.

Et Netanyahu n’a pas été le seul à le fustiger. Il a aussi été vivement critiqué par d’autres membres de sa coalition sortante, dont il aura besoin comme alliés s’il veut avoir une chance de rester au pouvoir.

Prononcé 40 jours avant qu’Israël ne se rende aux urnes pour la cinquième fois en trois ans et demi, le discours de Lapid, soigneusement élaboré, passionné et parfois personnel, comportait de nombreux passages destinés aux dirigeants mondiaux et aux téléspectateurs de la région.

Sa vision d’un Israël prospère et puissant, protégeant agressivement sa sécurité tout en recherchant activement la réconciliation, sera vaine s’il ne parvient pas à tenir Netanyahu en échec le 1er novembre. Or, Netanyahu dispose de 60 à 61 sièges sur les 120 que compte la Knesset.

C’est la raison pour laquelle Lapid s’est efforcé de se distinguer du leader du Likud, tant sur le plan national que sur le plan international, en approuvant la solution à deux États, sur la base duquel l’État juif avait été ressuscité par les Nations unies il y a 75 ans.

Bien conscient que les dirigeants palestiniens actuels sont incapables de relever le défi et qu’il est peu probable que cela change dans un avenir proche, il a néanmoins essayé de persuader certains des indécis qui le suivaient de chez eux – et peut-être plus particulièrement l’électorat arabe israélien sous-motivé sur lequel ses perspectives électorales pourraient dépendre – que son approche vaut la peine d’être soutenue.

« Dans le gouvernement que je dirige, il y a des ministres arabes. Un parti arabe fait partie de notre coalition. Nous avons des juges arabes dans notre Cour suprême. Des médecins arabes sauvent des vies dans nos hôpitaux », a-t-il déclaré très tôt. « Les Arabes israéliens ne sont pas nos ennemis. Ils sont nos partenaires dans la vie. »

Affrontant ses hôtes, dénonçant l’Iran

À peine Lapid a-t-il quitté le podium de l’Assemblée générale que Netanyahu, tenu à l’écart du lieu où il a été si souvent vu et entendu, a publié une vidéo qualifiant le discours de « faible » et de « défaitiste », fustigeant Lapid d’avoir remis l’État palestinien sur le devant de la scène et de n’avoir rien fait pour arrêter l’Iran.

Délaissant le recours aux images et aux dessins humoristiques si souvent utilisés par Netanyahu à l’ONU pour renforcer ses arguments, Lapid s’est en fait montré ferme dans ses commentaires concernant l’Iran, agressif dans sa dénonciation des positions et des décisions de ses hôtes de l’ONU, et abrupt dans son adresse aux Palestiniens et à leurs défenseurs pour leur faire comprendre que leur indépendance ne sera pas obtenue si elle menace de près ou de loin celle d’Israël.

En mode leader mondial, Lapid a déploré l’empoisonnement des démocraties « par les mensonges et les fake news », avertissant que « des hommes politiques irresponsables, des États totalitaires et des organisations radicales sapent notre perception de la réalité ».

Il a illustré avec force l’utilisation de cette stratégie toxique contre Israël, en citant le cas d’une « fillette palestinienne de trois ans », Malak al-Tanani, tuée avec ses parents lors d’une frappe aérienne israélienne sur Gaza en mai dernier. Alors qu’en réalité, « l’image déchirante » était celle d’une fillette russe ; « Malak al-Tanani n’existe pas ».

De là, il est passé à l’effort plus large de délégitimation d’Israël – « dans les médias, sur les campus universitaires et sur les réseaux sociaux » et, a-t-il fulminé, à l’ONU elle-même, parmi la majorité tristement fiable des nations qui s’opposent à Israël dans presque tous les forums, pour le plus grand plaisir des menteurs et des déformateurs.

« La question n’est pas de savoir pourquoi ils le font, mais pourquoi vous êtes prêts à les écouter », a déclaré Lapid d’un ton accusateur, décrivant cet aveuglement international délibéré comme une itération de l’antisémitisme, dont il a donné deux définitions : « L’antisémitisme, c’est la volonté de croire le pire sur les juifs, sans se poser de questions », a-t-il dit avec résonance. « L’antisémitisme, c’est juger Israël selon des critères différents de ceux de tout autre pays », a-t-il poursuivi en utilisant une formulation plus familière.

« Je ne suis pas un invité dans ce bâtiment », a-t-il ajouté, dans une autre remontrance puissante. « Israël est une nation souveraine fière et un membre égal des Nations unies. Nous ne resterons pas silencieux face à ceux qui veulent nous nuire et qui utilisent cette même scène pour répandre des mensonges à notre sujet. »

Passant à l’Iran, Lapid a fait référence aux manifestations actuelles contre le régime, déclenchées par la mort en garde à vue de Mahsa Amini, et a protesté contre le silence du monde alors que « les jeunes Iraniens souffrent et luttent pour se libérer des carcans du régime iranien… [et] appellent à l’aide sur les réseaux sociaux. »

Il s’est moqué de « l’industrie de la haine », où d’énormes quantités de drapeaux d’un Israël honni sont fabriquées par le régime, dans le seul but de les brûler. Mais il a également lancé une grave mise en garde : « Si le régime iranien obtient l’arme nucléaire, il l’utilisera ».

Se démarquant de l’approche américaine, tout comme il s’est publiquement démarqué du président américain Joe Biden en visite en juillet, Lapid a fait valoir que seule une « menace militaire crédible » empêchera l’Iran de se doter de la bombe. Ce n’est qu’une fois l’Iran dissuadé qu’il sera temps « de négocier un accord plus long et plus solide avec lui ».

Si le monde continue à choisir la facilité – en choisissant de « ne pas croire au pire, malgré toutes les preuves du contraire » – alors Israël agira, a-t-il clairement indiqué. « Nous avons des capacités et nous n’avons pas peur de les utiliser. Nous ferons tout ce qu’il faut. L’Iran n’aura pas l’arme nucléaire. Nous ne resterons pas les bras croisés pendant qu’on essaye de nous tuer. Plus jamais. Plus jamais. »

Déposez vos armes

Lapid avait commencé son discours en rappelant que les ministres israéliens et arabes des Affaires étrangères au sommet du Neguev en mars, avaient, suite à une attaque terroriste mortelle à Hadera au moment où ils se réunissaient, publié une déclaration commune « condamnant l’attaque et sanctifiant la vie, la coopération et notre conviction qu’il existe une autre voie. » Peu après son discours de jeudi soir, huit Israéliens ont été légèrement blessés dans une attaque terroriste près de Modiin, confirmant l’hostilité sanglante omniprésente une fois de plus.

Lorsqu’il est revenu sur la question palestinienne, et sur le terrorisme, vers la fin de son discours, il a tenté de remanier le récit Israël-Goliath/Palestiniens-David, en rappelant au monde qu’Israël vit dans un voisinage hostile – avec le régime sanguinaire de la Syrie, le Liban dominé par le Hezbollah et la bande de Gaza dirigée par le Hamas à ses frontières – où baisser sa garde équivaut à mettre en péril son existence.

« Vous pouvez nous demander de vivre selon les valeurs de la Charte des Nations unies, mais vous ne pouvez pas nous demander de mourir pour elles », a-t-il déclaré.

« Mon père était un enfant dans le ghetto de [Budapest], mon grand-père a été assassiné dans un camp de concentration », a poursuivi Lapid, évoquant son histoire familiale, comme il le fait souvent. Il a ensuite parlé, de manière moins caractéristique, de sa fille autiste Yaeli, qu’il a dû réveiller au milieu de la nuit en mai dernier « et courir avec elle dans l’abri anti-bombes, parce que des missiles explosaient au-dessus de notre maison ». Tous ceux qui prêchent l’importance de la paix sont invités à essayer de courir vers un abri anti-bombes à 3 heures du matin avec une fille qui ne parle pas. »

« Déposez vos armes et prouvez que le Hamas et le Jihad islamique ne vont pas s’emparer de l’État palestinien que vous voulez créer », a-t-il clamé à l’adresse des Palestiniens, avant de résumer avec le narratif simpliste des pacificateurs israéliens en herbe : « Déposez vos armes, et il y aura la paix ».

Dénonçant le mythe selon lequel Israël et le peuple juif sont des colonisateurs illégitimes, étrangers à la région, tel que perpétué par le président de l’AP Mahmoud Abbas entre autres, Lapid a insisté : « Nous n’allons nulle part. Le Moyen-Orient est notre foyer. »

Israël est également assez fort, a-t-il dit, pour chercher en toute confiance à faire la paix avec « tous les pays musulmans – de l’Arabie saoudite à l’Indonésie ». Faisant écho à la Déclaration d’Indépendance, il a promis que « notre main est tendue vers la paix ».

Netanyahu, son rival électoral, s’est progressivement distancié de la solution à deux États au cours des six dernières années. Au lieu d’inviter Mahmoud Abbas à la Knesset, il a plutôt œuvré ces derniers temps à renforcer les positions du parti HaTzionout HaDatit, dont le leader Bezalel Smotrich veut bannir du Parlement Mansour Abbas et d’autres politiciens arabes israéliens actuels.

Le discours de Lapid était typique d’un centriste israélien, d’un Premier ministre intérimaire qui sait qu’il lui sera difficile d’obtenir une majorité parlementaire dans un Israël qui a progressivement glissé vers la droite, mais peut-être pas autant à droite que Netanyahu.

Il a défendu son pays, il a souligné sa puissance et il a offert sa coopération à l’occasion de ce premier discours à l’Assemblée générale des Nations unies. Dans quarante jours, nous verrons si l’électorat israélien lui permettra de répéter l’événement ou pas.

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